Entretien avec Yuksek

Au printemps, Yuksek a étonné tout le monde avec son deuxième album Living On The Edge Of Time. Plus pop et tellement plus indé que son prédécesseur Away From The Sea, ce nouvel album est aussi plus léger et se retrouve à tourner en boucle sur la platine du Transistor. Du coup, on a profité de croiser Yuksek à Marsatac pour discuter risques, remix et musiques électroniques.

Yuksek

Pour Living On The Edge Of Time, Yuksek semble être parti aux antipodes de Away From The Sea. « C’était une des suites pour possibles de l’abum précédent. Parce que le dernier morceau sur le dernier album, fini deux jours avant le mastering, c’est le morceau avec les Bewitched Hands, qui pourrait très bien être sur cet album : ‘So Far Away From The Sea‘ c’est le lien entre les deux album. Living est toujours très électronique, mais moins club. »

Entretien avec Yuksek

Entretien avec Yuksek

La raison est que Yuksek ne se laisse pas dicter ses envies par les charts. « C’est vrai que dans la musique electronique, y’a cette obligation qu’il y ait un morceau qui tabasse un peu. Sauf que j’essaie pas de vendre de la soupe, je fais de la musique honnetement. Je me pose pas la question s’il y a un morceau dance pour les VJ. » Ce nouvel album lui ressemble, tout simplement. « Si j’avais voulu rester sur le créneau clubbing, ça aurait été un effort pour moi. Alors que faire ce disque là, c’était naturel. Je pense avoir mis plus de moi dans ce disque là, clairement. »

Away From The Sea correspond à une autre période de sa vie. « Je revendique vraiment une culture des musiques électroniques au sens large, mais pas une culture club. Le premier disque pour moi, c’était un moment où ça m’amusait en tant que producteur de musique de faire des trucs un peu tordus, un peu vénères avec des gros beats. Et de faire chanter des gens dessus comme ça ça m’évitait de me mettre trop en avant. Et c’était marrant mais c’était une autre époque presque. » Une période dans laquelle il ne se retrouve pas. « Moi je suis super fier de Living On The Edge of Time, je l’assume à 2000% et je pense que dans 10 ans je l’assumerai toujours. Ce qui est pas forcément le cas du premier : y’a beaucoup de trucs bien mais y’a aussi beaucoup de morceaux dessus qui sont plutôt dispensables. Et celui-ci, j’en suis fier de A à Z. Y’a rien que je renie dedans. »

Beaucoup considèrent que Yuksek a pris un risque en suivant cette nouvelle direction artistique. « Le côté risque c’est que basiquement, il est évident que j’ai pas un tube qui va passer sur Skyrock, NRJ, Fun Radio… ‘Tonight’ était entré sur Fun Radio même si quelque part c’était un accident parce que c’était pas non plus un morceau typiquement taillé sur ce format. Mais là y’a pas de single, à la limite avec ‘Always On The Run‘… » Pourtant, les chiffres font mentir ces mauvais présages. « Le fait est, et j’en suis le premier étonné, qu’à l’heure actuelle, avec l’album qui est sorti y’a trois mois – et avec les vacances dans ces trois mois – et pas encore sorti aux Etats-Unis, on a vendu autant de disques que sur le premier en deux ans. Mais ça représente des chiffres tout à fait modestes, hein, dans les dix-quinze mille. »

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Avec Living On The Edge of Time, Yuksek s’adresse à un public différent. « Ce disque là est plus pour des gens de mon âge – la trentaine en gros – et ces gens là ne sont pas ceux qui vont sur Facebook dire “jte kiffe, ton album il est chanmé, ton live ça tue”. Donc j’ai un peu moins de feedback direct. Il existe une masse silencieuse de personnes qui aiment la musique mais qui achète des disques. Avec cet espère d’enthousiasme un peu moins visible. » Mais en fin de compte, Yuksek touche un public plus large sans rejeter le monde de l’électro. « Dans une interview, on a pu lire : “je ne renie pas une culture que je n’ai jamais eue” en parlant de la musique électronique – mais ça a été mal interprété, ça s’adresse à la techno en fait. J’ai une culture électronique dans le sens Kraftwerk, New Order… Et des gens qui ont un peu la même culture musicale que moi peuvent peut-être se retrouver dans cet album. »

A noter que Pierre-Alexandre s’est battu pour ne pas avoir de remix club sur cet album. « Ca a pas de sens : quelqu’un qui entendrait un remix dance hyper dégueu à la David Guetta d’un morceau à moi, il vont aller écouter l’album, il l’aimeront pas. Parce que je pense que les gens sont ouverts d’esprit mais jusqu’à un certain point. » Finalement, ne sortiront que des remixes qu’il maîtrise. « Sur le prochain maxi j’ai un remix de Acid Wash. On en a fait un aussi avec Peter & the Magician, produit avec Stephen d’Aeroplane, donc je me remixe moi-même, ça devient complètement schizo. Y’a Villa, des potes belges et Tom de The Horrors qu’on va sortir plus tard. »

Yuksek, malgré sa longue liste de remix, trouve l’exercice un peu absurde. « J’aime faire des remix et je le fais honnêtement. Mais sur 200 y’en a cinq qui valent la peine. Comme le remix de The Gossip par Soulwax, qui surpasse l’original. Mais quand une major va me donner 10 000 euros pour faire un remix d’un groupe qui n’a probablement pas eu cette somme pour réaliser son album… » Pierre-Alexandre parle d’une espèce d’économie parallèle qui s’est mise en place. « Y’a des sommes dépensées pour maintenant des remix qui ne sortent même plus. On fait faire des remix par un mentor, juste pour créer un buzz sur des blogs. L’année dernière, j’avais fait une sorte de mixtape dans laquelle j’avais mis tous mes remix – parce que régulièrement on venait me dire que tel ou tel remix était introuvable. »

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Au détour d’une phrase, Yuksek confie qu’il doute beaucoup de son talent. « Moi la création de la musique c’est un calvaire. C’est très très dur de faire de la musique, mais ça a toujours été. C’est une journée d’euphorie d’avoir un nouveau morceau, je le ré-écoute le lendemain c’est de la merde. Le lendemain je m’accroche… c’est ça pendant six mois, c’est un cauchemar. » C’est pour cette raison que Guillaume de The Shoes est venu lui prêter main forte sur cet album. « Il m’a aidé sur des trucs de prod, parce que parfois un morceau peut sembler un peu dark au ressenti. Tu te dis que c’est tout le morceau mais c’est juste un son qu’il faut changer. Et un musicien il est à même de te dire ça tout de suite. Et ça te fait moins remettre en question tout le processus. »

Après un tel tournant, les possibilités sont infinies. « Je suis totalement soutenu dans ma démarche, quelle qu’elle soit. Demain si je fais un bon album de dubstep, Savoir Faire [son label] me suivrait aussi, mais je le ferai pas. Je sais même pas s’il y aura un troisième album. Pourquoi pas de la chanson française déprimante ? Non en fait là j’ai envie de faire un album de collaboration… Sinon y’a le mec de The Horrors que j’ai rencontré – avec ce groupe je suis midinette de base ! Y’a trois groupe dont je suis ultra fan c’est Phoenix, Metronomy et The Horrors. » A suivre, donc !

Réclame


Living On The Edge Of Time, le deuxième album de Yuksek, est sorti chez Barclay.
Yuksek sera en concert le 23 novembre au Trianon.

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Remerciements : Pauline (Barclay) et Brigitte Batcave

Catégorie : A la une, Entretiens
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8 réactions »

  • pompe :

    Je l’avais jamais vu en vrai, et je ne l’imaginais pas du tout comme ça c’est marrant ! Pas encore écouté le nouvel opus, mais si c’est dans la lignée du précédent, faut y courir !

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