Entretien avec Rone

Lors de sa sortie en octobre, Tohu Bohu a engendré un suspicieux engouement unanime. Longtemps réfractaire, Le Transistor a fini par céder à la poésie de Rone. Dès la première écoute on doit se rendre à l’évidence : le jeune Erwan a réussi à sublimer le bitume, à rendre une âme à la ville. Programmé au Printemps de Bourges, Rone a accepté de répondre à quelques questions sur cet album de photos souvenirs de Berlin.

Rone

Rone est souriant, prêt à se raconter, mais il prévient quand même : « Attention ! Avant j’étais un gros timide maladif qui était incapable de parler à une fille. »

La musique, à son sens, est comme un outil, voire même un pinceau. « Rapidement je me suis rendu compte que j’étais heureux quand je créais quelque chose. A un moment j’ai cru que ça passerait par le biais du cinéma et finalement c’est par la musique. Mais du coup, ça peut être n’importe quelle musique. Il se trouve que je sais pas jouer de guitare et que je suis assez mauvais au piano. » Son intention en composant, c’est avant tout de pouvoir s’exprimer. « L’important c’est d’avoir le sentiment de communiquer quelque chose. Que ce soit quand je fais un concert ou quand je suis tout seul en studio, même si c’est aussi quelque chose de hyper introspectif, de personnel, où y a plus personne qui existe autour. »

Ce deuxième album, Tohu Bohu, s’est fait spontanément… mais lui a quand même pris quatre ans. « Le premier album que j’ai sorti chez InFiné s’est fait vraiment facilement, parce qu’il était déjà terminé quand le label m’a contacté. Et Tohu Bohu, il est spontané, parce que sur ces quatre années, y a trois années de pression, de prise de tête, de maturation, de je m’énerve, j’essaie de faire du son et ça sort pas… Mais il fallait passer par là pour qu’à un moment donné tout sorte d’un coup. D’un coup je réfléchissais plus du tout, les morceaux s’enchaînaient. » Il se trouve que ce moment correspond avec son déménagement à Berlin. « Ce que je réalise maintenant, c’est que c’est pas à cause de Berlin, c’est parce que j’ai bougé, c’est le mouvement, c’est parce que j’ai quitté Paris, où je tournais en rond. C’était le fait d’aller ailleurs qui finalement m’a vachement aidé. J’espère que ça sera pas comme ça à chaque album mais je crois pas. Parce que je commence à comprendre un peu comment je fonctionne. Ou alors à chaque album une nouvelle vie, et puis c’est tout ! (rires) »

Néanmoins, Rone a encore du mal à finir ses morceaux. « C’est très facile de commencer un morceau : n’importe qui peut aller sur un clavier et trouver une petite mélodie sympathique. Le plus dur c’est vraiment de le terminer – je sais pas si c’est commun à plein de musiciens ou non – et de se dire que le morceau est fini. Je me dis toujours qu’il est pas assez bien : j’ai envie d’essayer autre chose, de prendre une autre direction. » Il lui faut alors envisager de pouvoir réinventer le morceau en live. « Quand on y pense, quand tu poses un morceau sur un album, tu le figes. Pour contourner cette idée, il faut jeter le truc le plus spontanément possible : c’est un truc de base mais si tu traines trop sur un morceau, c’est qu’il faut le lâcher. Et pour assumer le morceau quand il est fini, mon astuce c’est de me dire que de toutes manières, si je veux le jouer autrement, c’est toujours possible en live : il a une deuxième vie. »

Même s’il est producteur de musique electro, Rone arrive à toucher un public beaucoup plus large. « C’est aussi que mes principales influences sont pas dans la musique electro. C’est mon moyen de communication, mais c’est pas vraiment ce que j’écoute. J’essaye en fait de jouer d’autres types de musique à travers du matériel de musique electronique. » Ce qui le rend très ouvert aux collaborations. « Tous ces trucs-là me stimulent vachement : ça me nourrit pour faire mes projets personnels après : ça me nourrit, ça m’ouvre des horizons. Je trouve ça hyper intéressant parce que ça t’ouvre le crane, ça t’enlève des barrières que tu pourrais te mettre tout seul, mais en fait tout est possible et tu t’en rends compte en bossant avec d’autres gens. »
C’est ainsi qu’il se retrouve à collaborer avec le violoncelliste Gaspard Claus, le rappeur High Priest, avec John Stanier, le batteur de Battles, ou encore avec The National. « Je suis trop timide pour aller chercher les gens, trop impressionné aussi : c’est impossible pour moi de proposer à quelqu’un que j’admire de passer au studio pour faire un morceau ensemble. Moi je fais mon petit truc et je me rends compte j’ai vachement de chance parce qu’il y a des gens qui s’y intéressent. »

La vidéo est essentielle à son projet, comme si son passé de producteur le rattrapait. « Je m’éclate avec ce projet, pour tout un tas de raisons, mais un truc tout con c’est que cette expérience de tourner avec un vidéaste et un mec des lumières, c’est nouveau pour moi. Ca fait le groupe de rock en tournée dans un mini bus. Et ca c’est un truc qui me fascine. Ca vient peut-être aussi du fait que j’aime bien le cinéma parce que c’est un travail collectf : plein de gens travaillent ensemble pour un seul projet. » On a cependant parfois l’impression que Rone se cache derrière ces installations. « Non, parce que j’insiste beaucoup là-dessus : dès le départ j’ai dit que je voulais continuer à jouer tout seul, c’est important pour moi. C’est super spécial car même quand tu joues devant 8000 personnes, il y a un rapport hyper intime avec le public. Et le fait de faire venir d’autres personnes dans un peu ton univers musical, avec leur univers à eux, c’est un peu comme si tu faisais rentrer quelqu’un entre ta copine et toi dans le lit. C’est plus ça qui me fait flipper, parce que je veux garder ces petits moments d’intimité. »

Réclame

Tohu Bohu, le deuxième album de Rone est sorti chez InFiné.
Les Vieilles Charrues sera en concert au Rock dans tous ses Etats,Montreux Jazz Festival, à la We Love le 13 juillet, au Big Festival de Biarritz, aux Vieilles Charrues et le 31 octobre à l’Olympia !
Compte rendu de Rone au Printemps de Bourges


Remerciements : Antoine (Opus 64)

Catégorie : A la une, Entretiens
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