General Elektriks

Derrière General Elektriks et le tube ‘Raid The Radio‘, une seule personne : Hervé ‘RV’ Salters. Sa passion de claviers vintage lui a permis de collaborer sur tous les styles. Puis tel un artiste, il a su combiner toutes les influences pour nous livrer son fameux Good City For Dreamers. Rencontre avec un musicien de talent qui nous réapprend l’histoire de la musique tout en innovant.

General Elektriks

General Elektriks

D’où vient cette passion du mélange des genres. Une impossibilité de choisir ? « Je me suis jamais dit qu’il fallait faire un disque de pop ou de rock, ou de soul. J’ai voulu mettre tout ça dans la soupière, mélanger, et voir ce que ça va faire, en espérant que ça fasse quelque chose qu’il est possible de digérer. J’ai eu le déclic en lisant une interview de Dave Holland, un contrebassiste de jazz. Il raconte que après un concert, Sam Rivers, saxophoniste de free jazz, vient le voir et lui dit : “J’ai entendu pendant ton solo que t’avais choisi une esthétique, ne choisis pas, prends tout ce que tu aimes et mets le tout dans ton solo !”
S’il y a avait pas eu les Beatles et d’autres personnes autour d’eux pour mélanger l’écriture folklorique anglo-saxonne avec des progressions mélodiques à la Bach, Vivaldi, avec les bandes de Stockhausen, avec la musique indienne et la cithare, la pop ne serait pas née. Bowie aussi, il allait chercher à droite à gauche, il faisait sa sauce. Il emprunte à Sly, à Hendrix, à la new wave de l’époque. C’est pas une démarche intellectuelle d’essayer de faire quelque chose de nouveau, je fais juste ce que j’aime et que j’ai envie de faire.”

Hervé Salters, perdu au milieu de ses milliers de claviers, donne l’impression d’un savant fou en pleine expérimentation, cuisinant les genres avec les risques d’explosion que ça encourt. « Moi ce qui m’intéresse dans la musique, c’est la liberté. C’est ça qu’il y a de spécial avec l’art, c’est la seule activité dans la vie, avec les rêves, où t’es pas lié à des règles. Donc j’essaye autant que possible, et c’est complexe parce que j’ai des réflexes, d’aller vers la surprise, et le truc qui moi-même me prend un peu de court.
Par exemple pour Good City for Dreamers, considères chaque morceau comme une toile blanche, je lance tout un tas de couleur sans calculer et au milieu du processus de l’élaboration des morceaux, je prends un petit peu de recul pour regarder ce que j’ai, et c’est là que je prends les tubes à essai, pour ré-équilibrer. Le funk, le hip-hop, la soul, le jazz tous ces éléments là qui sont sur l’album, ils sont sur tous les morceaux, mais seulement c’est à géométrie variable.
Sur ‘Helicopter‘, qui est un morceau a priori plus rock, au niveau énergie, il groove quand même de manière funk, et y’a une fraicheur un peu hip-hop dans le beat – ces trois éléments là, tu vas les retrouver aussi dans ‘La Nuit des Ephemeres’, qui pour le coup est beaucoup plus sophistiqué au niveau des harmoniques, y’a un petit peu de Ravel ou du Debussy, mais y’a quand même cette boucle toute tordue, qui vraiment ramène le morceau au hip-hop, et un clavinet qui t’emmène un peu vers Gainsbourg à la fin.”

Voilà bientôt deux ans que General Elektriks tourne, aucun signe de lassitude de jouer Good City For Dreamers ? « Non parce que le public nous le fait toujours apprécier ce disque. Un concert tu le fais pas tout seul, tu le fais avec les gens. Si tu passes une soirée fantastique avec eux en jouant ces morceaux, en les partageant avec eux, t’en as pas marre. Et puis j’ai attendu assez ce moment, cette communion qui se passe entre ce truc que j’ai pu faire dans mon garage tout seul, et puis des gens qui viennent par millier pour écouter ça, c’est dingue ! Loin de moi l’idée d’être lassé.”

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Maintenant qu’RV a goûté à la liberté de la carrière solo, n’est-il plus question d’autres collaboration ? « Ah non, j’aime toujours beaucoup collaborer, les deux approches se nourrissent l’une de l’autre. Après la tournée du premier General Elektriks, j’avais qu’une envie c’était de refermer cette porte donc je suis parti en tournée avec Blackalicious. Ensuite j’ai monté Honeycut avec deux autres mec, dans la région de Frisco [Bart Davenport et Tony Sevener ndlr] et du fait que je sois reparti dans des collab, ça m’a servi de trampoline pour un deuxième album solo. Et maintenant qu’on arrive au bout de cette tournée de General Elektricks, j’ai envie de retourner collaborer avec les autres. On laisse reposer la pâte avant de la retravailler. J’aime bien prendre du recul par rapport aux choses.”

Hervé Salters est un homme aux milles projets. Un signe d’hyperactivité ? « General Elektriks est né directement en réaction à la mauvaise expérience avec Universal avec Vercoquin, le groupe dont je faisais partie dans les années 90. Ce disque est pas beau, je l’aime pas tellement, on a fait des compromis pour ces gens, et eux ne sont même pas contents du résultat non plus, donc ça sert à rien. J’avais besoin de refaire quelque chose où y’a aucun calcul, c’est complètement honnête. Le premier album, j’avais invité des rappeurs, c’était encore une collaboration. C’est une fois avoir fait de la scène pour le premier album que j’ai commencé à voir que ça pouvait devenir quelque chose qui était vraiment plus de l’ordre du journal. Un journal intime, où je pouvais mettre exactement ce que je voulais, sans avoir à me poser de questions. D’où le deuxième qui est plus personnel, je me mets à poil, ce qui est pas évident, parce que je suis quelqu’un de plutôt pudique en fait. Il a fallu franchir un pas.”

Comment s’est passée la transition du confort du clavier au chant, directement sous les projecteurs ? « Sur la première tournée, c’était assez désagréable parce que je suis pas vraiment chanteur à la base, mais j’ai aimé me retrouver comme un bébé face au truc, d’être tout neuf face à la situation, et peu importe si je dois me prendre des tartes. Ce qui m’a aidé c’est de voir comment Bart [Davenport], chanteur de Honeycut, approchait la musique soul et le chant de la musique soul en tant que Blanc. La soul et le funk, c’est l’héritage du blues, c’est une musique de Noirs Américains, la soul c’est les Civil Rights Movement des années 60-70, c’est vraiment la musique d’un peuple. Moi je fais pas du tout partie de ce peuple, je suis un Blanc de classe moyenne parisienne, je voulais vraiment éviter d’être un gars qui a l’air de voler une culture.
L’idée c’était de prendre conscience de l’Histoire, puis de trouver un moyen de me l’accaparer qui soit honnête mais irrespectueux en même temps. Si tu te mets à ajouter ta propre sauce à l’histoire, ça peut passer pour du manque de respect, mais c’est là que tu vas respecter le plus la forme d’origine, parce que tu vas pas juste la copier, tu vas essayer d’approcher la chose avec ton prisme à toi et d’y donner ta petite touche à toi.

Mais je sais pas si j’ai réussi, il va me falloir des années pour réécouter ce disque et pouvoir me dire si c’était une grosse erreur ou pas.”


Remerciements : Jennifer (Discograph)

Catégorie : Entretiens
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