Hania Rani à la Salle Pleyel

Le Transistor a tout d’abord été époustouflé par le premier album d’Esja, qui lui a valu 4 Fryderyk Awards. Son deuxième album Home s’est par ailleurs vu sacré album de l’année par Rough Trade. Et pour ce concert à la Salle Pleyel, Hania Rani a entièrement réarrangé son dernier album Ghosts pour un ensemble live, enrichi d’un quatuor à cordes, de cuivres, et de guitares électriques. Une soirée immanquable !

Hania Rani

Hania Rani - Salle Pleyel vb

Dès les premières secondes, les violons se lancent dans un tourbillon désordonné, un entrelacs dense qui brouille les pistes. L’introduction ressemble à un prélude chaotique, comme si l’artiste cherchait, à tâtons, la fréquence exacte sur laquelle ses fantômes allaient pouvoir s’exprimer. Sur ‘Fall’, les textures se font abrasives, évoquant les expérimentations de Björk. Les sons s’effilochent, puis se recollent dans un équilibre fragile.

Pour ‘Oltre Terra’ la musicienne reste debout entre un piano demi-queue et une batterie de claviers. Elle oscille de l’un à l’autre, cherchant à faire résonner l’acoustique brute du piano au milieu des textures électroniques. Peu à peu, elle fait monter une tension, plus rythmique, presque dansante, mais toujours sous contrôle.

Contrairement à ses habitudes, Hania Rani s’interrompt pour s’adresser à la foule. La pianiste a une surprise : Patrick Watson a inopinément prolongé son séjour européen pour pouvoir se joindre à elle sur leur morceau ‘Dancing With Ghosts’. Sous les applaudissements, le Canadien monte sur scène, ils s’installent chacun à son piano, dos à dos, dans un échange délicat, comme dans une confidence chuchotée à deux voix.

C’était trop bref, mais Hania Rani enchaîne en solo avec ‘The Boat’. La pianiste se déplace sans cesse d’un clavier à une autre strate sonore, traçant un parcours quasi chorégraphique. La scène, recouverte d’un miroir, démultiplie les instruments et les gestes.

Sur ‘Moans’, elle recule vers les claviers du fond, et des sons d’oiseaux se mêlent aux nappes synthétiques, comme un lever de soleil abstrait. ‘Hello’, plus dense, installe un tempo plus marqué. Elle commence à danser, discrètement, depuis ses genoux dans un lent boogie woogie, comme si son corps entier répondait aux vibrations.

Nostalgia’ marque un retour à l’intime. Seule au piano droit, éclairée par un unique projecteur, elle laisse courir ses doigts sur les touches, avec une virtuosité discrète. La salle est suspendue, traversée par les moindres sons — un téléphone qui tombe, un toussotement… Les silences deviennent matière.
Les morceaux suivants jouent avec les contrastes : un jeu de lumière en clair-obscur accompagne ‘Don’t Break My Heart’, traversé d’éclats LED. Sur ‘Whispering House’, elle effleure les touches comme pour faire surgir une mélodie perdue, rattrapée au vol par les cordes.

Plus loin, ‘Thin Kine’ glisse vers l’électrique, tandis que sur ‘It Don’t Bother Me’ sa voix prend de l’amplitude, se fait presque spectrale. Elle semble ailleurs, portée par une intensité qu’elle ne cherche plus à contenir.

Le point de bascule arrive avec ‘Komeda’, construit autour d’une boucle répétitive, hypnotique. Hania Rani complète les couches au piano, se balance comme en transe, penchée sur son instrument dans une posture étrangement poignante. ‘Always in the Dark’ s’enclenche sur une simple boucle de souffle, puis se fond dans une improvisation jazz en apparence désorganisée mais parfaitement construite.

Le concert s’enchaîne sans rupture, comme un rêve dont on ne veut pas sortir. ‘Urata’ vient refermer ce voyage intérieur. Toute la troupe la rejoint pour saluer, dans une lumière tamisée. Elle revient seule, pour un dernier remerciement. On sort de ce concert comme d’une longue contemplation.

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Réclame

Lire l’interview de Patrick Watson


Remerciements : Sandra Paul

Catégorie : A la une, Concerts
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