Entretien avec Peter Von Poehl

Pour certains, la révélation s’est faite dans l’Arnacoeur avec The Story of the Impossible. Pour Le Transistor, c’est avec son troisième album Big Issues Printed Small que Peter Von Poehl nous a conquis. Depuis, le compositeur suédois s’est amusé, jonglant entre des bandes-son de films ou de chorégraphies… Pour revenir avec un nouvel album encore différent : avec Sympathetic Magic il explore des terres plus électroniques mais toujours avec beaucoup d’élégance et de délicatesse.

Peter Von Poehl

Entre sa spontanéité et son perfectionnisme, on a du mal à suivre Peter Von Poehl parfois. “Ma soeur, qui est une artiste, m’a toujours dit qu’il fallait suivre les pensées irrationnelles mais de manière logique.”

Sympathetic Magic est aux antipodes de Big Issues Printed Small, son prédécesseur. “C’est la raison pour laquelle je fais de la musique. Comme je réalise beaucoup de musique sur commande, je suis très organisé, et donc quand je reviens à mes projets, j’aime partir dans l’irrationnel. Ça prend le temps que ça prend. Généralement quand j’enregistre mes albums, c’est extrêmement cher, avec beaucoup trop de musiciens. Mais c’est aussi la raison pour laquelle je suis si heureux de revenir à mes projets : ils peuvent me mener où ils veulent.” Après un orchestre symphonique, très organique, Peter Von Poehl a choisi des textures très synthétiques. “Ma musique est très nostalgique, comme un voyage archéologique sur mon enfance, avec mes souvenirs. Je crois que tous mes albums ont ce sentiment, comme une variation autour du même thème. Et certes, cette fois, les paramètres changent par rapport au dernier album, qui était très réfléchi, mais les sujets sont toujours les mêmes.”

Ce choix n’en est pas vraiment un, plutôt une conséquence assez fortuite. ”Mes parents vendaient la maison où j’ai grandi, et ils m’ont demandé de venir chercher mes affaires, ou alors ils allaient les jeter ! Mon minuscule studio d’enregistrement à Paris a été subitement rempli de synthés des années 80. Je n’ai jamais été très doué pour composer au clavier : il y a trop de possibilités ! On touche un bouton et d’un coup le son est complètement différent.” Ce renvoi à ses débuts a été la source d’inspiration de Sympathetic Magic. “Je ne les avais pas touchés depuis mes 13 ans ces claviers. Et avec l’espace clairement réduit dans le studio, j’avais vraiment l’impression d’être revenu dans ma chambre d’adolescent. C’est étonnant, parce que pour moi, un clavier en plastique, c’est pas très sensoriel. Donc c’était intéressant, comme une nouvelle expérience. J’ai fini par bricoler des démos, chose que je n’avais jamais fait auparavant : je suis trop perfectionniste.”

Peter Von Poehl a aussi composé le ballet de Waves pour Héla Fattoumi et Eric Lamoureux. “Au départ, un opéra du nord de la Suède m’avait demandé un duo acoustique, pour une seule représentation. Mais ils se sont fait remarquer en festival, et on reçu beaucoup d’offres de dates avec ce qu’ils appellent leur concert dansé.”Et finalement le couple a souhaité poursuivre l’expérience. “Quand j’ai commencé à travailler sur Sympathetic Magic, ils m’ont proposé de faire une chorégraphie sur ces chansons. Donc je leur ai envoyé des démos pour qu’ils puissent travailler leurs chorégraphies. On a fait les premiers shows en février, donc on a commencé à répéter avant que l’album soit fini. C’est marrant, il y a une tournée de prévue jusqu’à l’année prochaine.”

Toutes ces commandes l’aident à financer son propre label Nest & Sound. “Si je faisais pas toutes ces commandes, je pourrais pas enregistrer mes propres albums. Mais c’est pas l’unique raison : j’ai besoin des deux, ça crée un équilibre. Avant mon premier album, je faisais que des commandes, avec Burgalat ou Houellebecq. Puis j’ai commencé à beaucoup tourner pour mon propre projet : jusqu’en 2010, je m’arrêtais que pour enregistrer.” Et finalement, Peter Von Poehl ne se voit pas arrêter les compositions commissionnées. “ A cette période, j’étais pas heureux non plus, parce que ça me manquait justement. C’est plus que pour payer les factures : c’est quelque chose que j’apprécie vraiment, car ça me permet de glaner des idées pour mes projets. Je viens de finir la bande son d’un film suédois, j’ai passé pas mal de temps en studio, j’ai hâte de retourner en tournée, ça me permet de ne jamais me lasser d’un des aspects, ce qui est très important.”

Pour sa dernière tournée, Peter Von Poehl était seulement en acoustique avec un violoncelliste. “L’idée était de sortir des salles habituelles, des clubs de rock. On s’est bien amusé, on a fait plein de concerts dans des petits villages, des églises, des usines…. Je me souviens que dans un village de 300 habitants, la salle était comble. Tous ceux qui disent que la musique est en crise, c’est faux ! En tournant à deux, avec des tickets à des prix raisonnables, les gens viennent.” Cette fois-ci, le musicien a décidé de varier les plaisirs. “On l’a joué en mode baroque, avec des instruments d’époque, au 250eme anniversaire de l’opéra royal. C’était avec Martin Hederus, un claviériste avec qui je travaille depuis longtemps, et Larry Mollens, qui à la base est un percussionniste classique, mais a tourné avec Iggy Pop, et dernièrement avec Nick Cave aux claviers. Après, sur la tournée actuelle, on est à quatre. C’est comme si on avait jamais fini les chansons, on peut toujours les réinventer sur scène.”

Peter Von Poehl est assez caméléon, de la danse au cinéma, aux orchestres ou aux synthés. “Toutes les excuses sont bonnes pour faire les choses différemment. Parce que pour mes projets, jusqu’à présent, le contenu est toujours plus ou moins le même : c’est la forme qui change. C’est là que c’est excitant ! Si tu es sûr du contenu, toutes les tenues lui vont, peu importe comment on l’habille. C’est pour ça que j’adore le concept de pop.” Le compositeur trouve toujours de nouvelles manières d’envisager la musique. “La nécessité de l’originalité ne m’a jamais vraiment dérangé. Je comprends pas le problème avec le fait de reprendre un format qui a été essayé un million de fois. Statistiquement, avec 7 notes, les combinaisons sont infinies. Quand j’écoute ce qui se fait en ce moment, il y a des trucs tellement cools, dans tous les genres ! Il n’y a pas de crise de la créativité. Donc je pense que non, on n’a pas épuisé toutes les mélodies.”

Cette mentalité lui vient peut-être de son éducation en Suède. “Après l’école, il n’y avait pas grand chose à faire, maintenant c’est peut-être un peu plus excitant, mais dans les années 80, on pouvait jouer au football ou au hockey sur glace. Et si on était pas bon en sport, il y avait l’option de jouer dans un groupe de musique. Il faisait froid la plupart du temps, donc au lieu de sniffer de la colle, il vaut mieux que les gamins passent leur temps à jouer du rock. C’est vraiment comme ça que j’ai commencé la musique.” L’Etat donnaient de l’argent aux adolescents qui faisaient de la musique. “On remplissait un formulaire pour dire combien de fois on avait répété, et la mairie payait pour la salle de répétition, avec aussi des extras pour les instruments ou des cordes. Bien sûr la plupart des enfants achetait de la bière, mais quand même, on savait qu’on pouvait être contrôlés, et pui on devait jouer aux festivals régionaux, donc on avait intérêt à assurer.”

Pour conclure cette interview, Peter Von Poehl avoue pourquoi il s’est mis à la composition. “J’avais eu des cours de piano plus jeune, mais j’étais vraiment mauvais en solfège, donc pour apprendre les morceaux des autres, c’était compliqué. C’est pourquoi au collège, quand je me suis retrouvé dans un groupe, j’écrivais mes propres chansons, comme ça j’avais pas besoin d’apprendre celles des autres. C’est vraiment parce que je savais pas lire la musique.”

Réclame

Sympathetic Magic, le quatrième album de Peter Von Poehl, est paru chez Nest & Sound
Peter Von Poehl sera en concert le 7 juin au Café de la Danse
Lire le compte rendu du concert de Peter Von Poehl au Printemps de Bourges 2013


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