Entretien avec Simon Dalmais

Après son premier album The Songs Remain, Simon Dalmais a fait une pause. Notamment pour rendre hommage à son père H. Bassam, bluesman audacieux. Avec ses sœurs Camille et Sonia, ils ont sorti un album posthume intitulé Places/Traces. Et comme il y a toujours un après, Simon Dalmais a préparé la suite, ce Before and After qui semble tourner autour de ce travail de deuil. Pour au final proposer des morceaux sont réellement intemporels.

Simon Dalmais aimerait alerter sur les conditions d’artiste en auto-production. « Nous devons être attentif à la variété des gens qui sont dans notre société, et notamment les créatifs. On ferme le pays à plein de sources vives. Chacun doit faire un peu d’effort : aujourd’hui si les gens veulent soutenir les artistes, faut acheter leurs disques. »

Simon Dalmais a donc grandi dans une famille de mélomanes. « J’ai commencé à écrire de la musique très jeune. Même avant d’être pianiste. J’avais les bases de classique mais pas un niveau de dingue, je m’accrochais parce que j’avais un pote qui était meilleur que moi et j’essayais de le rattraper. Puis à force d’écrire, j’ai découvert l’harmonie, j’ai développé mon jeu et ma musique. C’est comme ça que je suis devenu pianiste. Pendant pas mal d’année, mon métier c’était de faire des concerts pour les autres, tout en continuant à faire ma musique à côté. » Ces années en tant que pianiste professionnel l’ont construit, jusqu’à pouvoir se lancer seul. « A un moment donné, j’ai réalisé que ce cycle pour moi était terminé. C’était très intéressant, mais un peu frustrant aussi. Maintenant je sors mes disques. C’est une autre frustration, mais je suis tellement dans la création pure quand je fais mes disques, que je scinde les choses. C’est très dur par moments, à tel point que j’envisage des fois de faire des disques et de plus les sortir. Je suis créatif et je vais pas me le reprocher. »

En 2010, Simon Dalmais avait même réalisé une tournée mondiale pour Sébastien Tellier. « Avec Chassol, on faisait des duels de claviers sur scène ! On a dit de nous qu’on était le groupe le plus rock’n’roll de France ! Qu’est-ce que ça veut dire, je ne sais pas. On a tous des individualités qui ont une propension à partir dans des bons délires. Et on se retrouve à Stockholm, à Los Angeles, à Moscou, à Toronto, à Beyrouth, à Istanbul, et à chaque fois invité dans toutes les soirées. Et bizarrement c’était jamais répétitif, y a des moments un peu glauques, voire tristes. » Au bout de la tournée, le pianiste s’est retrouvé lassé des soirées. « J’ai arrêté parce que le monde de la nuit c’est pas vraiment mon délire. Et puis je voulais proposer une musique qui est quand même beaucoup plus sage. Moins provocatrice. Plus terre à terre. C’est aussi ça Before & After, ça veut aussi dire avant je vivais à Paris, je sortais, et maintenant je me suis mis au vert. C’est pas les mêmes vibrations, c’est pas le même rythme. Je pense qu’on est fait pour ça, qu’on a tous la main verte. »

Ce deuxième album, Before & After, Simon Dalmais l’a réalisé en deux parties. « Jusqu’au titre ‘Before & After’, ce sont des chansons écrites avant 2013 et le reste a été écrit après. Le morceau clé prend les éléments du début et de la fin, comme si t’avais l’ensemble du disque condensé. C’est une sorte d’explosion du disque, qui se remet en forme, sans vraiment y parvenir. » Contrairement à ce que les lectures rapides laissent penser, le morceau ‘After’ ne fait pas référence au décès de son père. « Ce morceau, je l’ai fait une fois mon disque fini, c’est une règle que je me suis imposé. C’est l’allégorie du fait d’avoir fait un disque. Avec d’autres morceaux du disque qui apparaissent en fond, comme un hommage au disque, une sorte d’au-revoir. »

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Si l’album est influencé par les harmonies des années 70, la référence à Elliott Smith est flagrante. « Je suis un gros fan ! En 2000, je faisais les vendanges en Champagne. Pendant deux semaines, on se levait très tôt et on faisait la fête jusque très tard. C’était chaud, il y avait même des bastons. Mais pour un concert d’Elliot Smith, je suis parti directement du champ un soir, les mains à moitié en sang, et je me suis garé devant la Cigale –à l’époque c’était possible. Le lendemain j’enchaînais à 5h. J’aurais pas fait ça pour beaucoup d’artistes. C’est l’apôtre de John Lennon dans les années 90 ! »

Pour Before & After, l’artiste a enregistré l’album avec Nicolas Dufournet au Melodium puis a soigné le mastering. « Un adage dit que quand on est lo-fi comme moi, avec des petits moyens, il vaut mieux aller dans un très bon studio. Ca magnifie le travail du mix qui a été difficile sur cet album : parce qu’il y avait beaucoup de possibilités, et en même temps on avait pas le droit de se rater… un vrai challenge. Si on fait un mix facile, ça va donner un disque déséquilibré, instable. Et en fait, il y a beaucoup d’éléments cachés, qui apparaissent au fur et à mesure des écoutes. » Néanmoins, il se débrouille seul, car il a décidé de rester un peu à l’écart du milieu musical pour rester maître. « Aujourd’hui faire de la musique en France, quand on est indépendant comme moi, c’est s’exposer à l’ignorance des trois quarts des médias. Parce que je suis pas dans le sérail, je suis en dehors du circuit. Ce disque c’est de l’auto-production améliorée : c’est une volonté de ne pas me laisser embarquer dans une course aux étoiles, ou une réussite promise si tu fais un peu plus electro ou autre. Jouer le jeu, parfois je me demande si c’est utile dans un monde qui suit autant la mode … »

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D’ailleurs, Simon Dalmais est carrément parti s’installer en Auvergne. « Ca va ensemble le fait de vivre en Auvergne et d’être à part. Pas loin de chez moi, il y a un paquet d’artistes, un peu différents, assez folk, comme Murat ou Emily Loizeau. On est des personnalités un peu tourmentées de l’intérieur peut-être mais on est pas des fous-furieux. Sûrement que dans ce genre de créations, quand on cherche un bel équilibre, c’est mieux de pas vivre dans une grande ville. Et puis la vie est moins chère. » Depuis, il ne tient pas plus de quatre jours d’affilée sur la Capitale. « J’ai pas les mots pour expliquer ce que je ressens tous les jours. On communique très profondément avec la nature. J’étais saoulé de la vie urbaine, je tolérais plus les gens. Et cette vie trop superficielle, j’en avais ma claque. Alors que depuis que j’appartiens à un monde un peu plus harmonieux, je tolère beaucoup mieux les gens. Là je mange des potirons du potager en ce moment, c’est un bonheur quotidien. Ca donne de l’énergie, ça fait que je suis jamais malade. »

Réclame

Simon Dalmais sera en concert le 1er avril au Café de la Danse


Remerciements : Jean-Luc Bonaventure

Catégorie : A la une, Entretiens
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