Entretien avec Albin de la Simone

Il y a quelques semaines, le Transistor dévoilait la sélection des Inouïs du Printemps de Bourges. Trente-deux groupes émergents, classés en quatre catégories : hip-hop, electro, rock/pop/fusion et chanson / world. Un vrai puits de nouvelles addictions pour l’année à venir en somme. A cette occasion, on a rencontré Albin de la Simone, auteur, compositeur, producteur, et cette année en exclusivité : président du jury de cette quatrième éditions des Inouïs.

Albin de la Simone

L’an dernier, il jouait à l’Auditorium pour présenter son quatrième album Un Homme. Et comme chaque année, la programmation recèle d’artistes avec qui le producteur a collaboré : « Il y a Franck Monnet et Miossec qui jouent le mercredi soir. Mais c’est le jour où on a dix concerts à voir : cinq le midi avec le hip-hop et cinq electro le soir. Je pense que j’irai voir Miossec la veille, le 22 à la Cigale. »

Albin de la Simone part pour cette édition des Inouïs du Printemps de Bourges dans un état d’esprit très positif. « Sur une sélection pareille, j’imagine que je vais me prendre des claques. Ce que j’attends aussi c’est la rencontre avec les autres membres du jury et le fait de devoir se mettre d’accord : parce que va falloir qu’on discute, qu’on argumente. Au pire, en cas de désaccord, je peux trancher en tant que président. Mais sinon le reste du temps, on est à voix égale et donc il va falloir partager ensemble ce qu’on a ressenti. » Le jury, c’est Albin lui-même qui l’a choisi avec Emmanuel Poënat. « On a un directeur artistique, un tourneur, un journaliste… C’est des gens qui sont habitués à avoir une opinion et tranchée. Tout simplement parce qu’ils sont dans l’industrie et que moi je suis artiste : ils jouent leur fric, je joue ma vie. Donc on est obligés d’avoir des gouts affirmés. Il va falloir qu’on compose avec ça, et sociologiquement une semaine ensemble ça va être intéressant. »

En quatre jours, le jury va voir trente-deux concerts : Albin affirme n’en connaître aucun ! « Il y a un CD qui circule avec un titre de chaque artiste, je vais l’écouter. J’ai vraiment hésité, j’ai failli y aller dans l’idée d’être complètement surpris, sauf qu’il manquerait quand même l’ingrédient de production. Après, un seul titre c’est peu mais ça donne vaguement une idée de la direction. Parce que sur scène, je vais être séduit ou non par des performances, mais le disque c’est une autre discipline : ils peuvent avoir un son génial sur disque et jouer comme des patates. » Et en même temps, le compositeur affirme n’avoir aucun minimum syndical en matière de performance scénique. « Si c’est pas génial et qu’ils regarde leurs pieds, c’est mal barré. Mais La chanteuse de Portishead elle regarde ses pieds et c’est génial ! Je me souviens d’un groupe qui s’appelait Superflu, y a dix-quinze ans, et franchement ils jouaient un peu comme des patates. Et pourtant ça avait un super charme génial ! J’aime le charme de la musique mal jouée du moment qu’il y a de la conviction et de l’originalité. On peut pas quantifier, c’est vraiment un truc qui relève de la sensibilité. »

Au début, Albin de la Simone n’était pas séduit par son rôle de jury. « Je voulais pas y aller parce que je me disais que je voulais pas avoir du pouvoir sur des gens qui font le même métier que moi. Après je me suis dit que si je le faisais pas, quelqu’un va le faire donc autant que ce soit moi, comme ça au moins je suis d’accord avec la décision. Et ce que j’ai réalisé c’est qu’on n’est pas en train de juger les groupes, on en choisit deux sur trente-deux. On est pas un juge de Star’Ac à critiquer, on est dans le positif. On va mettre une lampe un peu plus allumée sur deux pour les aider. »

L’an dernier, c’est Fauve (interview) qui a remporté le prix du jury. « Fauve devait être celui qui sautait le plus à la gueule. Je crois qu’on recherche tous un flash ou une évidence. On a deux prix à décerner, le prix des Inouïs et le coup de cœur du jury. Donc le premier ça peut être parce que c’est convaincant et que ça nous plaît. Et l’autre ce serait quelque chose qui nous a touché même si pas complètement prêt ou moins grand public. Ca nous permet d’attirer l’attention sur un artiste qui nous séduit plus intimement… » Le jury était présidé par Orelsan, donc cette fois-ci, logiquement c’est la chanson à texte qui va remporter le prix ? « Il y a plein de musique pour lesquelles je m’en fous des textes. Je fais attention au texte quand c’est en français, qu’il est bien mis en avant. Après le texte peut être minimal ou basique, ça me dérange pas. Il peut aussi ne pas y en avoir, j’adore l’electro ou le jazz, y a plein de musique instrumentale, sans aucune forme de texte et c’est pas du tout un problème. Et puis j’adore le rock aussi, j’adore les trucs super énervés. »

Pourtant, lors de notre entretien avec Mélanie Pain (à lire ici), elle racontait que le producteur freinait la pédale rock. « Chaque personne est différente, chaque contexte est différent, et pour moi le projet avec Mélanie Pain c’était de faire des chansons sur de la musique pop à synthés. Et un producteur doit fait gaffe à la crédibilité : que les paroles disent coin-coin ou un truc philosophique, tout doit être fait dans le respect de ce que ça raconte. Et Mélanie raconte quelque chose, elle fait de la chanson pop dont on a envie d’aimer les paroles. Donc je me suis dit qu’il fallait vraiment chiader ça. » Le travail est le même qu’avec Miossec, dont il a réalisé le tout dernier Ici Bas Ici Même. « On a eu la même préoccupation du début à la fin : ce qui compte c’est Miossec. On fait de la musique, mais de la musique de Miossec, c’est-à-dire autour de Miossec pour qu’il soit le plus beau possible. On va pas l’écraser avec de la musique, ça sert à rien. »

Question expérience, Albin de la Simone s’est même frotté à Iggy Pop ! « Une fois qu’on a rencontré Iggy Pop et qu’on a joué avec lui, on sait ce qui est rock et ce qui l’est pas. Ca m’a permis d’y voir clair, et comprendre que c’était pas du tout ce qu’il me fallait en tant que chanteur. C’est en allant dans un extrême que je me suis rendu compte de qui j’étais. » La même année, il enchaînait Iggy Pop avec Vanessa Paradis. « C’est là que j’ai compris que le chanteur est au centre et le producteur doit construire autour pour le magnifier. Si c’est un rockeur on peut tabasser, mais si c’est Vanessa Paradis il faut y aller tout doux, comme ça elle est encore plus belle. Et dans ce jury, je vais avoir ce regard de producteur : trouver celui qui a la bonne combinaison entre la prestation scénique, l’écriture musicale et le choix de textes. C’est l’adéquation entre tous ces éléments qui va faire ressortir un des artistes…»

Réclame

Un Homme, le quatrième album d’Albin de la Simone, est paru chez Tôt ou Tard
Albin de la Simone sera en concert le 3 juin au Théâtre des Bouffes du Nord.


Remerciements : Delphine Caurette

Catégorie : A la une, Entretiens
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