Entretien avec The Proper Ornaments

Monté autour d’un amour commun pour le Velvet Underground, The Proper Ornaments est un groupe fondé par James Hoare, notamment croisé au sein de Veronica Falls, et aux côtés de Joseph Mount de Metronomy dans The Upsides. Ce musicien a plus d’un projet sur le feu, mais quand il croise le chemin de Maximo Celada Claps – un Argentin fraîchement débarqué à Londres, il décide de se lancer dans une nouvelle aventure. Le Transistor a décidé de les rencontrer pour discuter de leur deuxième album Foxhole au Café de l’Industrie, mais aussi de ponts ferroviaires et de coutumes sud-américaines.

The Proper Ornaments

Enorme déception, le titre de l’album, Foxhole, n’a en fait rien à voir avec les renards.
James : C’était le titre d’une des chansons, qui porte sur la Première Guerre Mondiale, avec l’image des tranchées.
Maximo : Pour moi, cet album est comme un cocon protecteur. Comme quand on se réfugie dans une tranchée…
Daniel : Donc ce n’est pas une ode à ce mignon petit animal roux qu’on voit souvent dans les rues de Londres ! »

Le son de Foxhole est très détendu, pourtant The Proper Ornaments a connu des difficultés en studio.
Maximo : On a eu un problème technique, donc on a dû recommencer. Mais entièrement, parce qu’on n’avait pas envie de re-enregistrer les mêmes chansons.
Daniel : Sans ces erreurs, l’album n’aurait pas donné la même chose.
James : Tout arrive pour une raison. Je pense que quand on est entré en studio, beaucoup de ce qu’on jouait était similaire au premier album, un peu trop même. En plus c’était dans le même studio, donc on était dans le même état d’esprit. On est arrivés avec les mêmes chansons, et on a repris l’idée du live. Et parce que ça a capoté, on a pas ressenti la même chose. On s’est sentis un peu plus sereins d’un coup. Donc cet accident – ou cette erreur – n’est pas arrivé par hasard.
Maximo : Du coup, on est passés du studio où il faut payer – et pas mal de thunes – à se stresser, avec un temps limité pour enregistrer toutes les chansons… à la maison de James ! Ca change la dynamique ! Du moment où on a décidé d’aller chez lui, on a gagné en liberté. On avait plus à bosser 12 à 14h par jour, on pouvait enregistrer comme on voulait, prendre notre temps pour déjeuner, faire notre vie. Sans aucune pression, nous avons passé un très bon moment. »

Cherchant la liberté par tous les moyens, c’est James Hoare qui s’est chargé seul de la production.
Maximo : C’est bien aussi de le faire par soi-même et d’apprendre. C’est utile pour la prochaine fois, on avance, ce qui est positif. Alors que si on bosse avec des producteurs différents, à chaque fois, il faut recommencer du début.
James : Au niveau des dépenses, ça crée une réelle différence. Entre enregistrer en studio, où les sommes sont astronomiques…
Maximo : D’autant plus ces temps-ci, les gens n’achètent pas tant d’albums, donc ça n’est pas très logique de dépenser £30 000 dans un album que tu ne vas pas vendre. Au moins on est carré avec tout le monde, quand l’album sort, on tourne et on peut gagner un peu d’argent.
James : Au total, l’album nous a coûté… Le studio ne compte pas, du coup, parce qu’on doit toujours l’argent. Mais le coût total, c’est deux cassettes, dont une qui nous a été offerte, donc £50. En comptant l’artwork ! »
Et qui d’ailleurs, au passage, s’est imposé d’enregistrer tout sur un 8-track.
Maximo : Si on le faisait sur un ordinateur, ça ne sonnerait pas aussi bien.
James : Voire pas du tout. Ça exposerait… pas les défauts, mais le fait d’enregistrer sur cassette, ça permet de coller l’ensemble : le son de la cassette emplit l’espace. Ça fait l’effet d’une peinture quelque part. En numérique, on aurait probablement édité tout ça, et le son aurait perdu de son charme.
Maximo : J’aime la métaphore de la peinture. L’acrylique serait le numérique et l’huile serait la cassette. Parce qu’il faut attendre que l’huile sèche, donc ça permet de réfléchir à la couche suivante. Naturellement ça pose des contraintes qui forcent à réfléchir autrement, à se poser des questions à chaque étape. »

Après le premier album Wooden Head, James Hoare avait le projet d’un studio sous un pont ferroviaire…
James : Je l’ai peint juste avant de partir en tournée, et quand je suis revenu deux semaines plus tard, j’ai réalisé qu’il y avait des fuites. Mais ils ont pas voulu me rendre ma caution, sous prétexte qu’il n’y pouvait rien, que c’était à cause de la voie ferrée. C’était quand même une somme considérable, donc un de mes amis, qui est grand et sait être persuasif, les a appelé et a commencé à leur gueuler dessus, donc j’ai pu récupérer l’argent.
Bobby : Donc malheureusement ça ne s’est jamais fait.
James : J’aimais l’idée pourtant d’avoir un studio sous une ligne de chemin de fer. Mais en fait, il aurait sûrement fallu s’arrêter à chaque passage de train. Quoique ça aurait pu être charmant avec le bruit des trains qui passent. Ca aurait pu être cool, ce mystère autour du grondement sourd…
Bobby : Oui tout le monde saurait direct que ça vient de ton studio ! » (rires)

Sur Foxhole, les thèmes semblent tourner autour des décès, des séparations…
Maximo : Certes, il parte de pertes, mais surtout de ne pas se perdre. Quelque part, c’est pour réussir à tenir le coup. On vit dans une ville assez aliénante, très grande… très intense, très moderne, où l’ambition prime. Tout y est cher. Et dans ce sens, on est nous-mêmes très ambitieux. Car on se sent un peu aliénés, mais on adore cette ville. Je pense que ça reflète l’endroit où on vit. C’est très intense.
Bobby : Je pense que ça aide à se motiver, ça pousse à sortir du lit, à faire quelque chose, mais en terme de créativité, ça peut effectivement être un problème, il nous faut nous en échapper
James : Il y a des moments où on ne se sent pas accueillis à Londres. Si tu parles avec quelqu’un que tu ne connais pas au pub, il va toujours être intéressés en premier par ce que tu fais. Surtout si tu bosses pour un magazine sympa ou un label.
Bobby : On est toujours plus intéressé par quelqu’un qui peut nous aider à avancer, mais ça peut être limite insultant parfois.
James : C’est un peu hypocrite. Dans d’autres pays, on peut parler pendant trois heures sans savoir ce que fait l’autre. A Londres, c’est une des premières questions. Donc cette ville est cool parce qu’on rencontre des gens géniaux, et pour un groupe, c’est idéal, mais parfois on se rend compte que ça peut être un peu superficiel, et compétitif.
Maximo : En fait aucun d’entre nous ne vient de Londres. On vient tous de la campagne, donc c’est un peu choquant pour nous. »

Justement, Maximo Celada Claps vient de Buenos Aires !
Maximo : Les choses vont tellement mal là-bas, qu’il n’y a pas vraiment de futur. Donc personne n’est réellement ambitieux. Tout le monde sait que rien ne va arriver, ce qui permet de rester sincère.
James : C’est une ville rapide – où tout le monde est sous speed. (rires)
Maximo : C’est vrai que tout va vite à Buenos Aires… La blague, c’est que si tu dois te rendre à l’hôpital, genre parce que tu es enceinte, tu agites un mouchoir blanc à la fenêtre de ta voiture, et tout le monde te laisse passer. Quand je raconte ça, personne ne comprend.
Bobby : Je suis sûr que certains en abusent genre “il faut que je sois à l’heure pour voir ma série à la télé”.
James : Ah ah ! Avec ton pote à l’arrière qui fait semblant d’être malade.
Maximo : Bah non, si tu veux abuser, ils vendent les lumières de police, que tu mets sur le capot. C’est pratique dans les embouteillages, tu balances l’alarme. Il n’y a pas de loi là-bas, tu peux faire ce que tu veux.
Bobby : En Angleterre, je suis sûr que tu aurais de gros ennui à te faire passer pour la police. Tu irais probablement en prison.
James : C’est sûr même ! »

Réclame

Foxhole, le deuxième album de The Proper Ornaments, est paru chez Tough Love Records / Differ-Ant
The Proper Ornaments sera en concert le 10 février à la Mécanique Ondulatoire


Remerciements : MArion [Differ-Ant]

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