Entretien avec Happyness

Depuis la sortie de leur premier album, Weird Little Birthday, les Happyness commencent à se faire remarquer – notamment par le magazine NME qui leur a décerné un prix. Le Transistor les a croisés, les a loupés en première partie, est allé jusqu’à Londres pour les attraper au vol avec les Dandy Warhols. Donc quand le trio britannique passe au Point Ephémère avec Twin Peaks pour défendre leur nouvel EP Tunnel Vision On Your Part, on se pose pour discuter premières parties, paroles, Sparklehorse… et Roxy Music, étonnamment.

Happyness

Au Point Ephémère, autour d’une bière, Benji Compston est d’humeur badine. « J’ai envie d’écrire un roman romantique, qui se passerait dans le sud de la France. Le titre je l’ai déjà, c’est Love and Lavender (Amour et Lavande). Et ensuite on ferait la bande son, un truc sympa genre facile, jazzy et mélodique. »

Plus sérieusement, Happyness vient de sortir un EP, Tunnel Vision On Your Part, en prévision du deuxième album. « L’album est prêt, on devrait pouvoir le sortir en début d’année. On avait plus de vingt démos de chansons : certes on a plein d’idées, mais on va pas non plus faire un double album, du coup, on a décidé de les sortir en EP. En plus, ça permet de rappeler aux gens qu’on est toujours en train d’écrire. On a aussi un projet parallèle, Soy Source, sous lequel on sort les B-Side un peu expérimentales, instrumentales… » Le plus grand changement pour l’instant semble être au niveau des paroles. « C’est bizarre à dire, mais sur le nouvel album, je crois qu’il n’y a aucune grossièreté. On a fait le tour du comique autour des insultes. Peut-être un peu trop même. Donc on a changé de position, et au niveau des paroles, on évite de tomber dans la facilité. On se concentre pour essayer un peu plus de créer une image, ou une identité au lieu de chercher une chute. Ca peut être cool, marrant, même révélateur parfois, mais si c’est constant, ça devient fatiguant… et puis on veut pas être un groupe comique. »

Ce prochain album, Happyness l’a une fois de plus enregistré tout seuls dans leur studio. « Après la longue tournée pour le premier album, on a commencé à écrire. A la fin de l’hiver on avait quelques démos, mais on est repartis en tournée, donc à notre retour on a passé tout l’été en studio. Enfin, notre studio qui est dans l’Oxfordshire, c’est comme une ferme, mais pas très structurée, une sorte de garage : on a réalisé quand on a acheté un déshumidificateur, qu’on était comme en extérieur, parce que l’humidité frisait les 100% ! » Sans pour autant l’écrire pendant la tournée avec les Dandy Warholds, ce voyage les a inspirés. « Si on n’était pas partis en tournée, on aurait eu du mal à écrire. C’est un processus, le fait de pouvoir en parler, mais aussi d’écouter autant de musique pendant qu’on est coincés dans le van, c’est clair que ça a beaucoup aidé. Pendant l’hiver dernier, ça nous a pris du temps de s’ajuster, de décider de quel type d’album on voulait faire… Mais après cette tournée, les choses ont commencé à trouver leur place, et se sont développées assez rapidement. »

Le trio produit lui-même ses albums, mais fidèles, a de nouveau confié le mixage à Adam Lasus. « Vu notre manière d’écrire les démos, on s’est dit que ce serait bizarre d’avoir quelqu’un pour reprendre la main sur la prod. Cela dit, la patte d’Adam se reconnaît, il a clairement façonné nos deux albums. On le respecte énormément : il a travaillé avec des artistes géniaux comme Yo La Tengo, PJ Harvey, The Go-Betweens. Certains de nos groupes préférés ! C’est pourquoi on voulait beaucoup travailler avec lui. » Dans ce déferlement de noms, on ne reconnaît pas les groupes habituellement cités pour les décrire, comme Pixies ou Smashing Pumpkins. « En général, j’adore les groupes auxquels on nous compare, ce qui veut pas dire que je pense qu’on ait le même son. Comme Pavement, par exemple. Par contre, Sparklehorse a eu une immense influence sur notre premier album. Dans tous les sens, parce qu’on est tombé dans ses albums aux débuts de ce groupe. Il a influencé notre attitude par rapport à l’écriture, l’enregistrement et le jeu… On ne peut renier : on lui doit beaucoup. »

Les trois musiciens se connaissent depuis longtemps, et jouaient ensembles dans d’autres groupes avant Happyness. « C’était des groupes d’ados, on savait pas trop ce qu’on faisait. C’était pas vraiment funk, pas vraiment indie, pas vraiment rock, pas vraiment quoi que ce soit en fait. Mais on avait de l’ambition, et au passage on apprenait comment la musique marche, on a absorbé beaucoup d’informations et écouté plein de styles. Après ces aventures musicales, on a monté ce groupe, et ça a tilté parce qu’on s’est sentis à l’aise. Peut-être qu’il s’agit juste de grandir… On a encore pas mal de boulot de ce côté-là ! » Pour Benji, c’est en écoutant de la musique qu’on grandit justement, qu’on élargit ses horizons. « On partage beaucoup de musique, on se fait découvrir des trucs. C’est assez rare que l’un de nous aime un groupe et pas les autres, même si on peut éventuellement être indifférent. On accepte qu’un de ces jours on aime, mais pas pour le moment. Peut-être parce qu’on l’a pas compris. Récemment je me suis mis à écouter Roxy Music, et avant ça je ne pouvais l’envisager. J’aime à penser que les gens changent constamment, donc je ne vais jamais rayer un groupe. Et je veux pas m’enfermer musicalement. »

Mais toutes ces tournées leur ont aussi beaucoup appris, au niveau humain. « Quand on a commencé, on a eu beaucoup de chance de trouver assez rapidement un agent. Ce qui fait que dès le début, on avait en tête qu’on était un groupe de tournée : la priorité c’était d’être sur les routes, à se montrer. Ces deux dernières années, le rythme était assez constant. On était sur les routes pendant huit mois non-stop, il nous a fallu grandir, et apprendre à être un peu plus sensibles et fonctionnels. Il faut apprendre à co-exister. » Sauf qu’à force, Happyness a développé comme une mentalité de groupe de première partie. « On a eu la chance de faire plusieurs tournées avec des groupes, et on en a fait un paquet. Dans cette configuration, c’est assez facile de tomber dans cette idée que la responsabilité du concert n’est pas vraiment la tienne. C’est aussi ta soirée, mais c’est pas ton identité, c’est là qu’il faut rester sur ses gardes, et essayer de s’approprier cette demi-heure de set. On est polis, mais on veut pas être juste des chauffeurs de salle. Donc maintenant on fait plus attention dans nos choix. » A eux de s’imposer maintenant !

Réclame

Tunnel Vision On Your Part, le nouvel EP de Happyness, est paru chez Moshi Moshi/PIAS
Lire le live report de Happyness au Point Ephemere
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Remerciements : Marie-Julie [PIAS]

Catégorie : A la une, Entretiens
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