Misteur Valaire

Misteur Valaire c’est un groupe de cinq jeunes gens qui ont la classe. Une fois cette vérité établie, on cherche à savoir pourquoi. Le Transistor en a trouvé quatre : tout d’abord ils sont québécois (très bonne raison), ensuite leur eletro-jazz est éclatant, leur prestation scénique éblouissante et leur modèle économique plus que passionnant. A l’occasion de la sortie de Golden Bombay en France, Luis nous raconte leur démarche dans cette industrie nébuleuse.

Après un premier album confidentiel, Misteur Valaire a offert Friterday Night en libre téléchargement. Mais ce sont les fans qui ont financé Golden Bombay. « Friterday Night a été téléchargé environ 50.000 fois. Pour Golden Bombay, on a tout simplement envoyé un mail à tous ceux qui l’avaient téléchargé gratuitement pour leur proposer de collaborer à la production du nouvel album. Tu deviens l’ambassadeur de cet album en devenir et tu le reçois en physique une fois fini. Et c’est cette aide qui nous a permis de faire du studio et de continuer à vivre pendant la réalisation de cet album. Y’avait plusieurs forfait, avec la possibilité de venir au lancement puis à une grosse party après – ce qui a été très cool aussi parce qu’on a pu rencontrer ces gens qui nous ont aidés. »

Par la suite, Golden Bombay a été proposé en Pay As You Want. Ils en ont profité pour réaliser une petite étude. « Ce qui est intéressant pour Golden Bombay, c’est qu’on l’a lancé à la fois au prix que les gens veulent sur le site et en magasin en même temps. Parce qu’on a fini par avoir une certaine ouverture du milieu de la musique et de l’industrie du disque au Québec, ce qui nous a permis de trouver des partenaires pour le sortir en magasin. Chaque fois que l’album était téléchargé sur le web, ça représentait une vente directe en magasin, donc c’est pratiquement du 1 pour 1. Ca nous a donné des arguments de taille pour expliquer que le téléchargement légal ou illégal vient pas nécessairement nuire aux magasins ou aux artistes directement. »

Les résultats de leur Pay As You Want ont été d’une moyenne de $7 par album. Sauf si on compte ceux qui n’ont rien donné, qui fait chuter la moyenne à $3 par album. « C’est pas des chiffres alarmants, parce ça faisait déjà des années qu’on donnait de la musique gratuitement à nos fans. Ils savent tous très bien qu’après ça le but c’est d’en parler, d’aider le groupe en allant au concert, puis d’acheter l’album en physique ou des produits dérivés… Et ça a vraiment bien fonctionné. Mais au final, c’est pas étonnant qu’à cette époque il y ait des gens qui aient rien donné pour l’album. »

On pourrait penser que ces personnes, qui, alors qu’ils avaient le choix, n’ont rien voulu payer, n’apportent pas de valeur au travail de composition de Misteur Valaire. Luis a une autre manière de voir les choses. « S’ils apprécient la musique, ils finissent par la consommer autrement. Et puis $3 par disque, quand la plupart des gens donnent rien, c’est pas tout à fait mauvais. Quand on compare avec la vente en magasin, ça engendre aucune dépense en fait. Comme les gens ont participé à sa production, le studio est déjà payé, et comme c’est nous qui le réalisons, on doit pas nécessairement de l’argent à une grosse boîte. On s’endette pas envers d’autres intermédiaires pour le faire, on s’endette envers nous-mêmes, et c’est les bénéfices nous reviennent directement sans frais d’intermédiaires. L’album se télécharge plus que ce qu’il vendrait en magasin, et en téléchargement y’a pas de frais pour presser le disque ou autre. »
Misteur Valaire a délibérément choisi de ne pas imposer de minimum à son Pay As You Want. « Même qu’au début on voulait vraiment le mettre gratuit, parce qu’on avait pas de notoriété : on voulait même pas que les gens aient à sortir une carte, juste leur nom à la limite. Mais ceux qui veulent télécharger notre musique, ils trouveront une manière de le faire de toute façon, donc on veut pas les encourager. On contrôle juste, parce que sur le peer-to-peer on peut pas voir. Au moins, quand sur notre site, on sait qui écoute notre musique. »

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Certains groupes opposent que de gérer une communauté de fans, ça prend énormément de temps. Mais pour Luis, ce rapport permet de s’adapter, de réajuster à chaque étape. « Ca prend beaucoup moins de temps que de distribuer cet album en magasin. On a mis en place un système qu’on a mis du temps à penser au départ. Mais c’est maintenant, tout se fait pratiquement tout seul. On observe pour savoir exactement où est-ce que les gens téléchargent, où ça vaut la peine qu’on aille faire un spectacle. Où ça vend mieux dans le monde. Pour tout ce qui est marché traditionnel, on va demander à des alliés, des labels pour distribuer, des pro pour la communication, pour placer notre titre en radio. Nous on va se concentrer sur la fanbase et ce système électronique qui nous donne une très grande liberté, on peut contacter en un seul courriel tous nos fans. »

Tout le temps passé sur les réseaux sociaux pourrait empiéter sur la partie créatrice du groupe, mais pour Luis c’est essentiel de communiquer avec son public. « On évite que ça devienne une obligation, sinon c’est plus sincère. En fait on a de plus en plus le réflexe parce qu’on sent de plus en plus que les gens apprécient. C’est ce qui fait que les gens qui apprécient que tu donnes des nouvelles vont relayer les informations importantes et qui vont venir aux spectacles les plus importants. »

La différence de Misteur Valaire, c’est que leur modèle économique est basé sur le spectacle. « On peut pas affirmer que c’est le futur de tous les groupes, parce qu’on est dans un instant assez nébuleux. Mais tout autant que les maisons de disques peuvent pas affirmer que le futur c’est les disques, parce que les chiffres affirment le contraire. Pour le live, c’est sûr qu’il y a des crises économiques un peu partout donc ça se fait ressentir dans tous les domaines, mais le live se porte mieux déjà que le disque. De toute façon, le live est important dans notre démarche artistique. »

Leur modèle économique est très en avance par rapport à ce qui se fait dans l’industrie actuellement. « C’est notre manager, Guillaume Deziel, le frère de France, le bassiste. Il a toujours été un observateur du monde du disque et par la suite du web et il nous a toujours sensibilisés à cette question. Et quand il a été temps de sortir un album, de faire un truc plus concret, plus sérieux, on en a parlé avec lui. Et on a choisi la manière qui nous correspondait le mieux. Dans cette période nébuleuse, confuse, c’est ce que les groupes se doivent de faire : être créatifs puis se trouver une méthode qui leur convienne, parce qu’on a la possibilité de le faire. »

Réclame

Golden Bombay sera disponible en physique en France à partir du 23 mai !


Remerciements : Virginie Berger

Catégorie : Entretiens
Artiste(s) :

3 réactions »

  • Cultiz :

    Personnellement, je ne connaissais pas avant de les voir en live au Bikini à Toulouse. Quelle claque !!
    Retrouvez ce que j’en pense sur mon blog culturel Cultiz.com :
    http://cultiz.com/blog/turbulences-festival-rock-toulousain/

  • Printemps de Bourges 2014 - Samedi - Le Transistor | Le Transistor :

    […] Sur une mise en scène méticuleuse mais fraîche, les cinq compères ont le sens du show : imaginez un second degré aiguisé sur un accent à couper le couteau… Le groupe va même jusqu’à prétexter un petit Balavoine pour descendre dans la fosse faire un câlin au public. La foule, en majorité composée de professionnels blasés, finit par danser : bel exploit ! Lire l’interview des Misteur Valaire […]

  • Misteur Valaire ou la classe canadienne ! - Le Transistor | Le Transistor :

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