Entretien avec Robert Le Magnifique

En 2000, le jeune Robert Le Magnifique jouait aux Trans Musicales en warm-up de De La Soul. Depuis, ce bidouilleur de sons a touché à tout, de Shakespeare pour le jeune public à de l’electro pour le grand public. Après huit années de silence, il revient avec son quatrième album, Fuck The Hell Yeah, avec surprise ! Bertrand James de Totorro comme batteur. Robert Le Magnifique nous raconte sa tournée avec Psykick Lyrikah, ses choix d’instruments peu commun, et son amour pour son fils.

Robert Le Magnifique

Par exemple, ‘Ø60ep3‘, c’est le morceau préféré de son fils. “Je lui ai fait écouter l’album quand il avait deux ans. Et d’un coup, il s’est lèvé, et a marché pendant tout le morceau. Je me suis dit c’est bon celui-là, c’est un tube. C’est long et c’est creux, comme disent les Gérards.”

Pendant toutes ces années de silence, Robert Le Magnifique n’a pas chômé. “J’ai un autre taf à côté, je suis constructeur de décors, dans un collectif qui s’appelle Zarmine. La déco de festivals, c’est un truc qui me passionne. Du coup j’ai mon intermittence, et ça me permet de faire de la musique à la cool. Parce que ma musique c’est pas du gros mainstream, je pourrais pas en vivre, parce que j’ai un petit garçon. Et je supporte pas les compromis en musique.” S’il a repris sa MPC 2000 c’est parce que ça lui manquait. “Maintenant, le principe de la musique c’est qu’il faut sortir un album pour pouvoir tourner sauf que faire tout le temps la même chose au bout d’un moment c’est usant. D’où la grosse pause musicale. Mais je brouille toujours un peu les pistes : j’ai tourné avec Psykick Lyrikah, je bossais aussi avec une compagnie de théâtre, donc la musique j’ai jamais vraiment lâché… Mais je voulais un peu me frustrer de Robert Le Magnifique, pour revenir et prendre du plaisir.”

L’envie ne manquait pas, mais ça n’a pas forcément était si facile de s’y remettre. “J’ai voulu travailler avec Thomas Poli, qui joue avec Dominique A, Laetitia Sheriff et compagnie, des super copains. Je stressais de refaire un album, et il a été l’homme de la situation, ultra patient. On a mis un peu plus de 2 ans à faire cet album, par périodes entrecoupées. Il m’a beaucoup aidé, et c’est lui qui m’a suggéré de prendre un batteur. Ensuite, je me suis rendu compte que le batteur qui joue sur l’album était très bon, mais son énergie n’allait pas forcément suffire pour le live.” Mais ce qui était sûr c’est que Robert Le Magnifique ne voulait plus tourner seul. “Thomas m’a fait écouter Totorro, et là j’ai fait “c’est qui ces jeunes cons”. Parce que on a énormément de points communs, en harmonie, en rythmique, même si c’est pas le même style musical, c’est assez hallucinant. On s’est rencontrés avec Bertrand James, et puis ça a matché direct. Quand je l’ai appelé pour lui proposer, je me disais qu’il devait être trop occupé, mais j’ai même pas eu le temps de finir ma phrase qu’il était chaud.”

Sur Fuck The Hell Yeah, Robert Le Magnifique a utilisé des instruments peu conventionnels. “Ca vient d’une confrontation avec mon travail de constructeur, parce que dans l’atelier il y avait plein de son super intéressants. Ca me trottait dans la tête depuis un moment d’en faire quelque chose. ‘Ø60ep3’ c’est des codes de construction, ça veut dire que c’est un tube d’un diamètre de de 60 millimètres, d’une épaisseur de trois millimètres. Du coup ce tube c’est un grand cylindre, qui monte à 3 mètres de haut, et quand tu tapes au bout ça fait un tong, mais qui est juste hallucinant.” L’inspiration vient autant de son atelier que de la chambre de son fils. “Donc j’ai ramené mon Thomas Poli à l’atelier, on s’est mis nos blouses de travail, on a pris une ribambelle de micros et on a enregistré tous les sons que j’avais en tête, comme des bruits d’agrafeuse. Et je suis sûr que hormis mon maître en construction qui m’a appris tout le boulot, les gens sont incapables d’imaginer d’où ça sort. Et puis à la naissance du fils, j’ai pris ses instruments de musique, sa petite boîte à musique, je voulais vraiment l’intégrer à cet album.”

Cette démarche reflète sa culture musicale, un peu patchwork. “Je suis le petit dernier d’une famille de musiciens, donc j’ai bouffé plein de musiques différentes. Ado je voulais absolument faire guitariste comme tout le monde et mon frangin m’a dit “t’es con, fais de la basse, tu trouveras toujours un groupe, même si t’es pas bon”. Et l’électro, ça m’a permis de faire de la musique tout seul. J’avais pas envie de me cantonner à un style, et la musique électronique je vois ça comme un instrument, pas comme une catégorie : tu peux très bien faire du musette electronique.” Mais il rêve tout de même de conquérir Londres, terre electro. “Robert Le Magnifique, duc de Normandie, père de Guillaume Le Conquérant, le seul mec qui a foutu une rouste aux Anglais. Le seul. Ils ont un son particulier les Anglais, les labels qui m’ont influencé, c’est Ninja Tune et Warp. Après quand t’es jeune comme Bertrand, c’est cool : à 25 balais, tu prends le camion et tu fais 10 dates par jour, payé au lance-pierre c’est pas grave. Moi il faut que je m’organise : la construction de festivals, c’est un autre rythme. Et avec mon petit garçon qui a 3 ans et demi, ça change pas mal la donne.”

Ses débuts, Robert Le Magnifique les a donc faits lors d’une soirée Ninja Tune à Rennes. “Mon pote thomas Lagarrigue était le patron du label Idwet, qui n’existe plus. Il avait fait une école de commerce pour avoir toutes les armes des méchants. Comme on est tous les deux originaires d’Alençon, il m’a contacté, pour faire mon premier live dans un bar, le Chantier. Et donc je fais la before de cette soirée Ninja Tune avec Clifford Gilberto et c’est là que Jean-Louis Brossard des Trans Musicales m’a vu.” Pour rapidement se retrouver aux Trans Musicales ! “Concours de circonstances, DJ Netik, champion du monde DMC, se pète l’épaule, alors qu’il devait faire le warm-up du plateau de De La Soul. Jean-Louis a proposé à plein de mecs de jouer devant 5000 personnes au Liberté, tout le monde s’est chié dessus, moi j’avais 22 balais, et j’ai dit bingo ! C’est que je voulais m’y confronter direct ! Je voulais pas attendre 20 ans de savoir, à rester dans ma chambre. Et ça s’est super bien passé ! Et après j’ai jamais vraiment réussi à décoller.”

Une des particularités de Robert Le Magnifique, c’est le côté naïf qui se dégage de sa musique. “C’est difficile de faire de la musique qui sonne en majeur sans tomber dans un truc cul-cul. Et je me rends compte qu’il y a un côté très enfantin à ma musique. J’ai un langage musical qui colle aux gamins, je fais pas exprès, je sais pas d’où ça me vient. Et c’est sûr, c’est d’une beauté – je dis ça en toute modestie – et c’est un truc que je veux surtout pas effacer.” Mais le papa assume totalement cet aspect, enfin… plus ou moins ! “Parce que je sais être super dark, et j’adore mélanger ce côté naïf, avec des sons dégueulasses, genre de la grosse disto. Parce que quand tu prends les sons un par un, franchement ça cogne sévère. Mais mes potes se foutent tout le temps de ma gueule parce que je suis tout le temps à faire des câlins, des gros bisous, et dès que je parle de mon fils direct, les larmes me montent. Voilà !”

Réclame

Fuck The Hell Yeah, le quatrième album de Robert Le Magnifique, est paru chez Yotanka.
Lire le compte rendu du concert de Robert Le Magnifique au Printemps de Bourges
Lire le compte rendu du concert de Robert Le Magnifique au Point Ephémère
Lire l’interview de Totorro


Remerciements : Vincent [Yotanka]

Catégorie : A la une, Entretiens
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