Entretien avec Cockpit

Dans cette édition des Inouïs du Printemps de Bourges s’est glissé un groupe qui détonne un peu. Dans un style un peu bourrin (Noisey emploie le terme grungage), il s’agit des Bordelais de Cockpit. Leur affiliation ? Leur premier album, paru en octobre dernier, a été produit par Arthur des JC Satan (eux-même passés par le 22 en Inouïs en 2013). Le Transistor s’est donc posé avec Jules et Gaspard pour en savoir plus sur ce projet, comment et pourquoi ils se sont retrouvés dans cette sélection, et connaître leurs envies, voire – mot grossier – leurs ambitions.

Cockpit

Arrivés la veille à Bourges, les Cockpit se sont baladés sur le festival.
Gaspard : Je pensais pas qu’un jour on jouerait dans le même festival que Mika.
Jules : On avait l’impression d’avoir à faire à l’Ile aux enfants !
Gaspard : En même temps, j’espère qu’on en refera des festivals comme celui-là.

Cockpit avoue avoir été très surpris d’être sélectionnés pour les Inouïs.
Gaspard : A Bordeaux il y a deux systèmes d’accompagnement d’artistes : la pépinière du Krakatoa, et la Rockschool Barbey. JC Satan est accompagné par la Pépinière, du coup ils leur ont dit de venir nous voir en concert. Et on a aussi fait un concert à la Rockschool qui nous a proposé de nous accompagner. On va pas dire non à ce type de propositions, parce que ça veut dire des aides et des résidences sur des grosses scènes.
Jules : Le Krakatoa donne des pistes pour se faire financer ou des trucs dans le genre. En gros l’idée c’est de sortir du Do It Yourself et du garage pour essayer de se professionnaliser.
Gaspard : Après quand j’ai fait les papiers pour venir aux Inouïs, j’y croyais qu’à moitié. Et quand on a vu et écouté les autres groupes, on s’est dit que ce serait un truc beaucoup plus polissé qui allait être pris.
Jules : Surtout qu’on avait tous pris la mouche, on voulait se casser le plus vite possible. Ces auditions ça n’a rien de drôle, c’est même un peu chiant, donc on a envoyé le truc de deux coups de cuillère à pot.
Gaspard : Après je pense aussi ça fait plaisir à…
Jules : à tous les vieux ?
Gaspard : Plus ou moins, tous ceux qui tiennent ces endroits genre le Krakatoa et la Pépinière, d’avoir de nouveau des groupes de rock. Parce que des groupes de rock…
Jules : ça existe plus.
Gaspard : Beaucoup moins. C’est plus quelque chose qui intéresse vraiment les jeunes. Je pense que ça leur tenait à coeur aussi de mettre un groupe un peu crade, voire bien crade dans le tas. Un truc un peu plus radical. »

Cockpit donne donc dans la musique qu’ils qualifient de crade.
Gaspard : C’est-à-dire que ça se fait plus trop en fait, des trucs 100%. Même JC Satan maintenant étiolent un peu leur live de ballades, mais je crois que des groupes comme nous, a part des américains comme A Place To Bury Strangers, en France je crois que ça se fait plus…
Jules : Nous on préfère les trucs un peu ratés, les trucs de branleurs. Il faut que ça se sente que c’est difficile, du coup si le morceau sort et qu’il est classe, bien joué, c’est wow.
Gaspard : Bien sûr, c’est pas parfait, c’est même loin d’être parfait, car c’est pas le but.
Jules : Les erreurs sont justement super belles. Si tu sais jouer, c’est pas un véritable pain parce que derrière tu vas arriver à faire quelque chose de constructif.
Gaspard : Non, le but c’est juste d’éclater les gens avec nos morceaux. Pas d’aller vite forcément, juste tout envoyer. »

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A vrai dire, la formule que préfère Cockpit, c’est le « brutalisme Jet 7 ».
Jules : On a flashé sur cette expression, qu’on a trouvée dans un salon d’art déco où ils mélangeaient époque Louis XVI avec les méchants de James Bond. C’est vrai qu’on aime bien prendre du matériel sophistiqué – notre batteur a une batterie quasiment de luxe – pour faire de la musique plutôt bruitiste. On cherche pas à casser les codes mais on est pas obligés non plus de jouer sur des pelles à deux francs.
Gaspard : On est pas obligés de faire des morceaux de merde pour faire du bruit. Sauf qu’on fait pas du bruit, on se fait un peu chier quand même à faire des morceaux.
Jules : L’ambition c’est de faire des beaux morceaux qui cartonnent. D’où l’image de la Lamborghini toute pétée : quand elle sort de l’usine c’est génial, mais c’est encore mieux quand elle est un peu rodée, après deux trois chocs.
Gaspard : Après on est pas des gens méchants, on est des gentils.

Leur premier album, Cockpit, peut pourtant paraître violent, par la profusion de sons.
Jules : C’est vrai que c’est le premier aussi donc on a mis tout ce qu’on savait faire sans trop se poser de questions, sans même penser au live.
Gaspard : Après on aime bien cette puissance sonore qui écrase tout…
Jules : En fait, on a jamais conceptualisé Cockpit : on joue ensemble et voit. On joue du meilleur qu’on peut et chacun donne son avis. Aucun de nous n’apporte moins sa pierre à l’édifice que l’autre. Du coup, ça mène à ce mur du son, c’est assez rigolo. Les premiers morceaux étaient bourrins, du coup on est allés dans cette direction. Ca vient aussi beaucoup du fait que notre batteur tabasse, aime tabasser et veut faire de la musique qui tabasse.
Gaspard : Quoi qu’il arrive, faudra vraiment que ça explose à un moment. Parce que c’est…
Jules : C’est tout simplement ça qu’on sait faire. On s’est tous retrouvés sur ce style, parce que Nico à la batterie fera jamais un truc doux. Après avec Sylvain, le guitariste des Crane Angels, je fais de la folk pop à côté : nunna daul isunyi.
Gaspard : Faut jamais dire jamais mais pour l’instant, on s’éclate à tout éclater. »
C’est Arthur de JC Satan qui a bossé dessus, et va sûrement continuer sur le deuxième que les Cockpit sont en train de préparer.
Jules : On fait pas du tout la même chose que JC Satan, mais Arthur nous a vus en concert et nous a trouvés super. Avec les mecs d’Iceberg, on se retrouve tout le temps, c’est une grosse famille de musiciens à Bordeaux.
Gaspard : Arthur nous suit en tournée, il a fait deux tournées avec nous.
Jules : Et là il nous a cassé les couilles à fond pour qu’on prenne un van plus grand, mais on a pas pu. Du coup, il a les boules parce qu’il pouvait pas venir avec nous. Il arrive que demain, il va louper le concert, et il va pas pouvoir nous suivre après en Belgique.
Gaspard : Ca reste bon enfant, on est des super potes. Il y a une hiérarchie parce qu’ils savaient enregistrer et pas nous. Ca nous intéresse pas tant que ça en fait. On préfère faire de la musique, et toute la partie technique de l’enregistrement on l’a pas vraiment, et eux ils le font bien.
Jules : On adore ce qu’ils font, et puis on se comprend. »

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Entre la préparation d’un deuxième album et ce passage au Printemps de Bourges, les Cockpit ont l’air bien partis.
Jules : Nous on suit l’envie, c’est pas nous qui cherchons. On nous propose des choses qu’on connait pas et généralement on va voir. Jusque-là on a toujours découvert des personnes cool. Quelques fois on s’est fait couiller mais bon.
Gaspard : ça arrive, quoi.
Jules : Mais bon, ça vient jamais de nous. C’est pas de l’ambition, mais c’est toujours cool si on nous propose. Si on fait les Inouïs, c’est pour rencontrer un tourneur, faire plus de dates. Mais à part ça…
Gaspard : Moi je pense qu’on a quand même de l’ambition.
Jules : Personne ne le dira, mais c’est vrai qu’on est tous bien, et on adore faire ça, et on n’a pas envie que ça s’arrête.
Gaspard : On y passe du temps, et certains ont des boulots de merde à côté pour pouvoir continuer le groupe. Donc bien sûr on a l’ambition de tourner, jouer, enregistrer d’autres albums. Si on peut être un peu mieux payés, et payer les gens qui nous aident à faire ça, ce serait cool. On pourrait payer l’ingé son qui nous suit partout plus décemment. »

Réclame

Cockpit, le premier album de Cockpit, est paru chez Bordeaux rock, Adrenalin Fix et Barbarella Records / Differ-ant.
Cockpit sera en concert au Folk’n’Blues à Binic et au Café Charbon à Nevers le 27 octobre avec JC Satan
Lire le compte rendu du concert de Cockpit au 22 pour les Inouïs du Printemps de Bourges
Lire l’interview de JC Satan
Lire le compte rendu du concert de JC Satan en première partie de Ty Segall à la Cigale




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