Entretien avec SayCet

Après cinq ans de silence, SayCet revient avec Mirage. Un troisième album plus direct au niveau des mélodies, moins alambiqué et donc plus assumé. A l’approche du premier concert parisien, Le Transistor a rencontré Pierre dans un café, La Fourmi, juste en face du Divan du Monde où le trio se produira le 10 mars prochain. Le compositeur a discuté de la composition de ce Mirage musical, ses projets futurs malgré la difficulté d’être un artiste indé, et du live toujours !

Pour donner le ton, Mirage débute sur ‘Ayrton Senna’, un titre à la consonance des plus violentes. « J’aimais bien l’idée d’un mec qui fonce dans un mur pour ouvrir un album, je trouve ça énorme. C’est radical et en même temps, toutes les sonorités de l’album se retrouvent dans ce titre-là. »

Après Through The Window, un nouvel album avait été annoncé pour 2012. « A ce moment-là, j’avais trouvé la couleur que je voulais pour cet album. Ca m’a pris deux ans parce que j’avais pas envie de ressortir la même chose que sur le précédent. Quand je réécoutais les titres, j’étais pas complètement satisfait : je me disais qu’on pouvait aller plus loin. Le pire, c’est que si ça se trouve, l’album de 2012 était meilleur que celui de 2015, j’en sais strictement rien. »

Ce Mirage, Pierre l’a composé tout seul, sans l’aide de Phoene Somsavath ou Zita Cochet qui l’accompagnent sur scène. « Quand j’avais un morceau qui me plaisait ou que je voulais en faire une chanson, je le proposais à Phoene. Elle décidait si elle se sentait de chanter dessus ou pas. J’ai pas envie de guider les gens avec qui je collabore, surtout Phoene. A partir du moment où on collabore tous les deux, elle a carte blanche au niveau des thématiques. Après sur le plan musical, on essaie de s’accorder. Mais c’est moi qui ai le dernier mot sur le projet. » Avec Zita Cochet, la relation est différente qu’avec Phone. « On a habité ensemble pendant pas mal d’années, donc elle connaît les fondations du projet. Et forcément elle entendait les morceaux en amont, ce qui faisait que les images étaient nourries en même temps que l’album. Maintenant, ça fait dix ans qu’on travaille ensemble, je lui fais entièrement confiance. On a une sensibilité qui n’est pas du tout la même mais qui peut se rejoindre sur des points. »

Si c’est Phoene Somsavath qui chante sur Mirage, ce sera Louise Roam qui assurera le chant pour les concerts. « Phoene habite en Angleterre maintenant, donc on tourne avec Louise Roam. Elle une voix très grave ce qui fait que chansons sont beaucoup plus sombres en live : elle pose un truc, contrairement à Phoene qui a une voix très aérienne. » Pour la remplacer, Pierre n’a pas voulu chercher une voix similaire. « On avait pas besoin de quelqu’un qui aurait pu l’imiter, parce que de toute façon c’est les mêmes harmonies. D’ailleurs j’aurais trouvé ça dommage parce que ça sera jamais la même donc autant avoir une tessiture différente… Et puis il me faut pas qu’une chanteuse en live ! Louise c’est une très bonne instrumentiste, c’était un peu la personne parfaite. Hormis le fait qu’on s’entende très bien, bien entendu. »

Question voix, SayCet a aussi invité un chanteur inopiné : Yan Wagner. « C’est ça qui est drôle ! J’allais pas prendre un mec qui chante comme Thom Yorke sur du SayCet, c’était trop attendu. Normalement, c’est moi sur ‘Half Awake’, mais j’assumais pas à l’époque. Il me fallait une voix grave, et Yan Wagner a sorti ‘Recession Song’ sur Kitsuné, un titre que je trouve hyper beau. J’aime la grâce qu’il a dans sa voix. Et le fait que médiatiquement parlant on est diamétralement opposé, ça fait marrer, donc raison de plus ! »

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Quand Mirage a été fini, SayCet s’est mis en recherche de collaborateurs. « Je voulais pas le sortir tout seul parce que ça fait quand même un bout de temps que je suis là, j’aimerais bien avoir une aide, parce que j’ai un minimum d’ambition. Sauf qu’on a eu des galères : un label voulait me signer, mais au bout de six mois, ils m’ont planté. Ils ont eu peur, mais ils vont jamais te dire non direct, parce que si jamais ça commence à prendre, ils veulent être sur le coup. » Pour Pierre, le frein à la créativité dans la musique, c’est les labels. « Il n’y a aucune initiative dans ce milieu pour les artistes comme moi, c’est l’enfer. Les labels ne prennent jamais de décisions franches et tranchées, personne ne prend vraiment ses responsabilités. C’est assez fou. »

C’est pour cette raison que SayCet a créé son propre label, Météores. « J’ai fini par choper un contrat de publishing : ils sont friands de ce genre de musique, parce que ça se place bien en synchro. Ils m’ont aidé financièrement pour que je puisse monter ma structure, c’était il y a un an. J’ai appelé mon label Météores du nom du morceau, parce que je voulais qu’il y ait un lien avec l’album. Je sais pas ce que je ferai sur l’album suivant, on verra, mais si jamais je regalère, je pourrai sortir mes autres projets sur ce label. »

Car Pierre a d’autres projets que SayCet en tête, notamment de la musique à l’image. « J’étais sound designer pour le Centre Pompidou, j’ai aussi fait quelques courts-métrages, et récemment j’ai réalisé la bande son d’un documentaire japonais. Mais j’habille aussi les fictions radiophoniques de France Culture : ils ont besoin de musique quelques fois, donc ils m’appellent parce qu’ils aiment bien mon univers. C’est marrant parce qu’il n’y a pas d’image, mais c’est hyper cinématographique, parce qu’il y a des dialogues, des bruitages… » Le compositeur aimerait bien aussi se lancer en tant que producteur. « Avec mes albums, je commence à me faire une petite réputation. On m’a souvent proposé, et par manque de temps j’ai dû refuser. Maintenant je suis moins la tête dans le guidon, je peux me permettre de prendre le temps sur les trucs qui me tentent. »

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En ce qui concerne le live, Zita Cochet a cherché un angle différent pour ce Mirage. « On échange beaucoup, et dès la genèse je lui envoyais des morceaux. Elle sait très bien que la tension a changé que c’est devenu plus électrique, limite épique ou intense, bien moins fragile ou organique qu’avant. Pour sa scénographie, elle voulait des images un peu moins narratives, aller vers quelque chose de plus frontal. »Si les vidéos seront plus abstraites, le live n’en sera pas moins sensible. « Zita elle a un truc : elle gratte la matière, et après c’est plus purement de la vidéo, c’est de la lumière réalisée à partir de vidéo. En plus, elle fait tout à la main : nos ordinateurs ne sont pas reliés, rien n’est automatique. J’ai vraiment envie que ce soit comme un écran sensoriel et avec Zita, on sait que ce sera jamais deux fois la même chose. Il y a même des pains quelques fois, c’est ça que j’aime bien. C’est vraiment basé sur le ressenti. »

Réclame

Mirage, le troisième album de SayCet, est paru chez Météores.
SayCet sera en concert le 10 mars au Divan du Monde
Lire le live report de SayCet au Café de la Danse

Crédit photo : Philippe Levy


Remerciements : Virginie Freslon

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