Entretien avec Suuns

Les Suuns (prononcez Souns) viennent de Montréal. Au départ ils s’appelaient Zeroes, mais ils ont dû changer, donc ils ont opté pour la traduction laotienne de leur nom. Ca c’est pour la petite histoire. Sinon, c’est un groupe qui a été remarqué notamment à la Route du Rock… Parce qu’en fait, c’est difficile de rester indifférent à leur musique perturbée.

Suuns

Pour faire un son aussi dérangeant, on est en droit de se demander ce que les Suuns cherchaient à faire au début. « On avait rien en tête, on voulait juste monter un groupe. En fait les premières années, on prenait pas le projet très au sérieux. Ca s’est fait tout seul, on a rien planifié et le son s’est construit tout seul. » La seule chose dont ils étaient certains, c’était de ne pas vouloir sonner comme tous les autres groupes indés de Montréal.

Entretien avec Suuns

Pour composer, Ben passe beaucoup de temps sur son ordi, à tester des idées. « Le truc avec la musique minimale, c’est qu’il y a tellement de possibilités différentes ! Et notre première nécessité est de ne pas trop en rajouter, ne pas surcharger la chanson, tout en la développant. » La frontière à ne pas dépasser pour ne pas gâcher la chanson est très fine. « L’équilibre est fragile et il nous faut d’abord ruiner le morceau pour pouvoir le mener à bien. Il nous faut le pousser trop loin, pour réaliser qu’on est tombé en bas de la falaise, c’est à ce moment qu’on peut revenir en arrière pour trouver ce qui convient le mieux. »

Les Canadiens viennent tous d’une formation de jazz, ce qui a influé sur leur composition. « Notre musique est analogique, linéaire, instrumentale et repose sur des développements simples mais logiques. Mais Ben trouve aussi son inspiration dans la techno, le drone ou le kraut rock. » Tout se joue sur l’accumulation d’éléments simples. « Les structures de nos morceaux ne sont pas conventionnelles, pour autant elles ne sont pas complexes. Ce sont des idées très simples, qui se répètent longuement. Mais on a des conceptions assez angulaires de où poser le chant, ou où doit se trouver le tournant. »

Le résultat de ces compositions est un univers très inquiétant, presque effrayant. « Oui, ça fait peur à nos parents ! En même temps, notre musique est sombre et paranoïaque, mais pas effrayante… On a un penchant pour des images fortes. C’est plus visuel, ce qui aide à illustrer l’intention de la musique, plus que des paroles en somme. »

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En parlant de vidéo, celle de ‘Up Past The Nursery’ semble explorer la folie. “ On a intentionnellement laissé les choses ambigües dans la vidéo, mais ce n’était pas conscient. Quand on est parti dans ce cottage pour filmer, on avait juste en tête quelques images de feux d’artifice. On avait surtout envie de capturer ces images. On avait pas de ligne narratrice précise, on s’est contenté de suivre le rythme de la vidéo surement. »

En live, les réactions sont sans équivoque. « On a ouvert pour des groupes pop – un style de musique qui ne s’aventure pas trop sur le terrain du sombre, de l’inquiétant ou de l’émotionnel – enfin à part The Knives. Et effectivement, si on est pas préparé, qu’on s’attend à voir un concert pop, notre musique peut être difficile à encaisser. » C’est exactement ce que Suuns recherche. « On était fier en quelque sorte d’obtenir des réactions fortes – même en négatif. Au moins on est sûrs qu’ils vont pas oublier ce concert. »

Les nouveaux morceaux semblent approfondir l’aspect expérimental du groupe. « ‘Bambi’ a été un challenge à adapter à la scène. C’est important pour nous de ne pas avoir d’ordi sur scène, de tout faire nous-mêmes. Et ce morceau nous a pousser à ce qu’on peut assumer en concert. On a dû modifier des arrangements pour pouvoir jouer le jouer en live. Alors que ‘Red Song’ va dans l’autre sens, en poussant vers le plus minimal possible. » Là encore, les réactions sont essentielles pour le groupe. « Ca nous a fait réfléchir à comment les placer dans la setlist, voire même de ne pas les jouer du tout suivant le type d’audience. »

Si les retours sont positifs, le résultat voulu est la frustration. « La restriction est l’élément le plus important de Suuns. Cette accumulation de tensions, ça bouillonne mais ne déborde pas forcément. En sortant de nos concerts, certains disent que c’est une croissance continue de quelque chose d’indescriptible qui n’atteint jamais son but. C’est un truc qui nous a valu éloges et critiques. » Ca paraît un peu sado-maso comme démarche. « C’est plus sentiments négatifs, pas trop masochiste. Mais on aime faire remonter ces émotions, pour y accéder. On s’identifie tous à des musiques tristes et négatives, qui sont réconfortantes au final. Et nous, si on peut titiller ces sentiments chez nos fans… Mais on prend en charge les thérapies de nos fans, pas de souci. »

Cette interview a été réalisée en partenariat avec Loïc Suty de Green Cats, Babies.

Suuns (Interview 23.11.2011) by greencatsbabies3


Remerciements : Loïc Suty

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