Entretien avec HMLTD

Au début, les Britanniques s’appelaient Happy Meal LTD et puis finalement, d’après la rumeur, la chaîne de restauration rapide aurait gueulé. Intrigué par leurs vidéos assez dégueulasses, faut bien l’admettre, Le Transistor a décidé de vérifier sous la couche de provocation, HMLTD avait une réelle réflexion. C’est donc au festival Pitchfork qu’on a rencontré Henry Spychalski et Duke pour discuter musique mainstream, modes et tendances, et puis modèles masculins.

HMLTD

HMLTD a très envie de mettre au défi son public. “On veut provoquer une réaction. On veut pas que les gens restent partagés, parce que je pense qu’il n’y a rien de pire artistiquement que l’ambivalence. Que ce soit de la haine, ou de l’amour, mais il faut créer un ressenti fort.”

Les HMLTD sont déjà réputés pour leurs concerts.
Henry : On aime créer une réelle expérience immersive en concert, C’est un événement, c’est pas juste un spectacle. C’est une performance en fait.
Duke : Il s’agit d’avoir envie… Il faut avoir de l’ambition, et donc s’en donner les moyens. Le faire à moitié, c’est juste putain de paresseux. Surtout en rock, c’est pas un mystère si les gens n’écoutent plus de musique à guitare.
Henry : Les gens de notre génération écoutent du hip hop, parce que c’est plus captivant, parce que l’artiste fait beaucoup plus d’effort : il a plus de respect pour le public. A chaque fois qu’on allait voir des concerts à guitare, on s’ennuyait, et on se cassait pour aller voir un show de hip hop. A un concert de grime ou de trap, il y a un véritable engagement entre le public et l’artiste.
Duke : Ca me dégoute vraiment que les groupe de rock manquent autant de respect à leur public.
Henry : C’est pour ça que la musique rock a perdu son attrait pour les gens de notre âge. Si tu cherches le punk de nos jours, cherche du côté du trap.”

Une particularité de HMLTD c’est de changer de style au cours d’un même court morceau.
Henry : D’un côté c’est à cause de la capacité de concentration de notre audience, mais aussi de la nôtre. Si je dois jouer le même genre plus de deux minutes, je me fais chier ! Et je pense que le public ressent la même chose. Perso, j’écoute très rarement une chanson en entier : après deux minutes, je m’ennuie donc je passe à une autre chanson. Tout simplement parce que c’est facile.
Duke : Pourquoi continuer à écouter une chanson qui t’ennuie ? Donc dans notre musique, on saute d’un genre à un autre, pour que les gens n’aient pas à le faire avec nos morceaux. Henry : Et nous non plus on s’ennuie pas ! On conçoit la musique telle qu’on pense qu’elle devrait être en 2017 : multigenres.”

Rapidement, les labels se sont rués pour signer HMLTD.
Henry : Avant de signer avec Sony, on s’est assurés de pouvoir leur faire confiance. C’était important pour nous, parce que Sony n’était pas ceux qui offraient le plus d’argent, mais on voulait être sûrs qu’ils n’allaient pas compromettre notre travail artistique. Maintenant je pense que la raison pour laquelle les labels voulaient nous signer, c’est parce qu’ils reconnaissent que ce qu’on fait revêt une importance.
Duke : Notre directeur artistique nous a dit que nous signer c’était comme un gros “fuck you” à cette industrie. Et ça me plaît !
Henry : Je pense que l’industrie répond aux forces invisibles du marché. Mais on peut le considérer comme un mal nécessaire, ou comme un moyen. Et à la fin, il vaut mieux s’en servir, pour faire ce qu’on a envie de faire artistiquement et créativement. Il faut utiliser les choses à notre avantage, au niveau créatif, pour livrer au mieux notre vision artistique.
Duke : Il faut se tenir au courant de la situation actuelle, garder les yeux ouverts. La plupart de groupes n’ont aucune idée de ce qui se passe autour d’eux. Ou tout simplement de ce que les gamins écoutent. C’est juste paresseux.”

Leur but est de changer la musique mainstream.
Henry : Non, on ne veut pas aller vers le mainstream, on veut que le mainstream vienne à nous. On veut changer la face du mainstream, avoir un réel impact, imposer un changement.
Duke : Si on reste en indé, on finit par prêcher des convaincus.
Henry : Et nous on veut s’étendre !
Duke : Or, le glam, c’est pas donné !
Henry : Oui, on aurait signé avec un label indépendant si on avait les moyens de faire ce qu’on veut artistiquement, notamment en terme de vidéo, ce sont de gros budgets. On aurait jamais pu le faire sans le label. Ou en scénographie : on dépense beaucoup d’argent pour concevoir les sets, pour que nos concerts soient aussi spectaculaires que possible. Et ça on pourrait pas se le payer sans Sony, donc dans ce sens, ils nous servent de plateforme.”

En effet, les HMLTD ne lésinent pas côté look.
Duke : On essaie de montrer une version différente de la masculinité, ou du genre en général.
Henry : Oui, c’est de ça qu’il s’agit !
Duke : Quand on voit les mecs qui matent le foot et boivent de la bière, on ne se reconnaît pas.
Henry : On veut montrer qu’il y a d’autres options disponibles, que la masculinité n’a pas besoin d’être ce trucs monolithique, qui nous est présenté. On trouve cette représentation toxique, on ne s’y identifie pas du tout. Donc c’est pour ça qu’on fait cette recherche vestimentaire.
Duke : Ensuite les gens essaient de coller des étiquettes, mais ça nous est égal. De toute manière, les gens cherchent à tout catégoriser.
Henry : Un exemple assez classique, c’est que si t’arrives pas à t’identifier à cette version monolithique de la masculinité, c’est que tu es homo.
Duke : Notre intention c’est de démontrer que les étiquettes sont dangereuses.
Henry : Pour certaines personnes, les catégories sont utiles, parce qu’ils ont un modèle auquel s’identifier, mais ça peut aussi être tellement néfaste, et surtout aliénant ! Du coup, les gens ressentent une pression pour devenir quelque chose qu’ils ne sont pas.
Duke : On a le choix de dire : oui je veux faire partie de cette catégorie, ou non je veux être ce que je veux. Tant qu’on est conscient que ce choix est possible…”

Au passage, le groupe n’est pas toujours bien accueilli dans certaines zones rurales.
Henry : On a pas non plus envie d’avoir l’air de se plaindre… Ce sont des choses que l’on a mentionnées en passant, mais on ne souffre pas du même niveau de persécution que d’autres, c’est rien par rapport à ce que beaucoup de personnes doivent endurer.
Duke : On a beaucoup de chance.
Henry : Oui, on est privilégiés. Quelque part, c’est facile, surtout à Londres, et j’imagine à Paris aussi, de finir dans une bulle libérale. Et on oublie qu’en fait il y a encore beaucoup de travail à accomplir. Les attitudes dans beaucoup d’endroits restent encore rétrogrades… Et je pense qu’il faut de temps à autres sortir de cette bulle libérale pour s’en rendre compte.”

Réclame

Lire le compte rendu de HMLTD au festival Pitchfork


Remerciements : Jean et Pauline [La Cadence]

Catégorie : A la une, Entretiens
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