Entretien avec La Maison Tellier

En début d’année, La Maison Tellier sortait son cinquième album, Avalanche. Après quelques péripéties de carrière – comme beaucoup d’artistes indépendants au final -, les cinq faux-frères ont signé un album résolument français mais résolument moderne. De quoi réviser ses notions de variété. Rencontre à La Cigale avec le chanteur Helmut et le guitariste Raoul Tellier (ils ont des vrais prénoms, mais moins marrants) avant leur concert.

La Maison Tellier

A l’écoute d’Avalanche, La Maison Tellier sonne comme apaisée.
Helmut : Il y a plein de questionnements dans cet album, et des fois quelques réponses… Un truc où tu te dis que t’as trouvé ta place dans cette vie et sur cette terre et c’est plutôt cool.
Raoul : Avalanche, c’est une catastrophe, mais c’est aussi une promesse de renaissance… On dit que des trucs beaux aujourd’hui !”

Avec Avalanche, La Maison Tellier a totalement délaissé son côté côté country.
Raoul : J’ai ramené mon banjo chez moi du coup. Et je peux le travailler pour de vrai maintenant !
Helmut : Ca sert à rien de vouloir singer des mecs. On avait fait le tour de ce qu’on pouvait faire à nous cinq vu qu’aucun de nous n’est un puriste du folk ou du bluegrass.
Raoul : On a fait semblant de faire de la country pendant quelques années. Disons que notre ADN est un tout petit peu plus large, genre americana… Mais y a toujours du pedal steel.
Helmut : Les cuivres aussi, c’est difficile de s’en passer.
Raoul : C’est vrai que ça apporte une touche orchestrale. Sinon, il y a plus de synthés mais aucun de nous n’est vraiment un synthéman… ça s’apprivoise. Ce qui permet de créer des accidents intéressants.”

Ce changement de son pourrait être arribué au producteur Yann Arnaud.
Helmut : On a choisi de travailler avec Yann parce que Syd Matters. Voilà.
Raoul : C’est peut-être le meilleur exemple de groupe français qui fait de la musique d’inspiration folk anglo-saxonne et sans que ça sonne jamais traditionnel. C’est pas exclusivement grace à Yann, mais il participe à ce côté folk de chambre français. Yann a ce côté vachement contemporain.
Helmut : Quand on a exprimé le souhait d’avoir un réal dès le début de l’album, c’est peut-être le nom qui a été proposé en premier. Mais je l’ai rencontré d’abord, parce qu’on a quand même passé presque 15 jours avec lui du matin au soir. Donc le mec tu le trouves talentueux soit, mais il y a aussi une manière de parler à un groupe qui existe depuis dix ans, cinq mecs qui se connaissent super bien, et il a tout de suite trouvé comment faire.
Raoul : J’ai été vachement impressionné, je m’en suis rendu compte le jour où on a enregistré les cordes, pour lesquels Leopold, notre trompettiste a écrit tous les arrangements.
Helmut : Et Yann est arrivé à parler très calmement très fermement et très humainement à tous en respectant la place de chacun.
Raoul : Il pouvait dire à chacune des membres du quatuor un truc très précis genre « mesure 56 » mais sans empiéter sur la place de chef d’orchestre de notre trompettiste, tout en lui parlant avec l’air de pas y toucher mais avec la déférence que tu dois au mec qui a fait les arrangements.
Helmut : C’est pas souvent qu’on rencontre des gens dotés de cette intelligence de l’humain.”

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Autre surprise d’Avalanche, c’est l’apparition d’une chanson joyeuse, ‘Beautiful Again’.
Raoul : Ca fait longtemps qu’on essaie d’écrire une chanson comme celle-ci. Et pour la première fois, je trouve qu’on s’en est pas trop mal tirés. J’ai l’impression que c’est un truc qui s’apprend de faire des chansons feel-good. Je trouve ça beaucoup plus dur qu’une balade mélancolique.
Helmut : De toutes façons, après ‘Haut Bas Fragile’, dans le tracklisting, il fallait une chanson comme ça pour se relever de 6 minutes de trucs de nos boyaux sur la table !
Raoul : Mais tu peux chanter ‘Haut Bas Fragile’ que quand t’as fait ‘Beautiful Again’ : quand t’es apaisé. Si t’as juste le côté je sors mes tripes tu risques de tomber dans la caricature, à la Damien Saez. C’est là aussi que j’arrête ma quête de rock indé français, faut trouver le bon équilibre dans l’écorchure.
Helmut : C’est pas qu’on a peur de faire de la variété, parce qu’il y a de la variété classe des années 70 genre Higelin, Renaud dans ses bonnes périodes, Yves Simon ou encore William Sheller. C’est des trucs qu’on écoutait dans ma famille, des trucs chantés en français, en faisant gaffe à ce que tu écris, avec de beaux arrangements mais ça reste une chanson pour fredonner sous sa douche.”

Après un Beauté Pour Tous presque politique, Avalanche s’amuse à taquiner la théorie du genre.
Raoul : Je trouve que c’est une thématique très moderne. Ca en dit long sur une des révolutions de notre société : sur la façon dont les femmes sont traitées, et par rapport aux gens qui ont du mal à se positionner en terme de genre. Si c’était pas tragique je me roulerais de rire par terre, de voir certains qui étaient en première ligne de la manif pour tous, maintenant pris dans les scandales de pédophilie…
Helmut : Certes on fait rimer amazone avec silicone, mais ça peut vouloir dire plein de trucs : des filles qui se font refaire les seins ou des sex toys, ou des femmes qui ont des prothèses suite à un cancer du sein… Sinon ‘Où sont les hommes’, c’est clairement une blague. Un peu comme ‘Un Bon Français’, j’aime bien les textes où tu peux pas te fier au narrateur.
Raoul : Parce que personne n’a envie d’un retour au macho, enfin Lino Ventura il est cool dans les films, c’est pareil le mec qui va mettre bobonne aux fourneaux, pendant qu’il va se piquer la ruche avec les copains, c’est pas un fantasme du tout.
Helmut : Déjà ça me faisait beaucoup rire, à l’époque, où sont les femmes de Patrick Juvet, le mec qui sexuellement je pense qu’il se cherchait, ou pas d’ailleurs, il s’était peut-être tout à fait bien trouvé… Mais voilà j’ai jamais compris cette chanson, donc j’ai refais une chanson où on comprend pas trop où ça va.”

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Après un passage à vide, La Maison Tellier semble en grande forme !
Helmut : On est repartis de zéro : on s’était fait jeter de notre label et de notre tourneur. Du coup on a enregistré Beauté Pour Tous seuls, et on a trouvé At(h)ome une fois l’album terminé.
Raoul : Et à la sortie d’album on a trouvé Azimuth, donc forcément il y avait un décalage de quelques mois, avec le début de la tournée, parce qu’il fallait qu’ils contactent les salles avec qui ils bossent sur un groupe qui était un peu perdu pour la cause. Même s’il y avait une sorte de bienveillance à notre égard, L’Art de la Fugue, l’album qu’on a sorti chez 3e Bureau était un peu foutraque.
Helmut : Mais de toutes façons tous les gens qui nous virent ils sont maudits : Garance, 3e Bureau, Euro-Vision, Dakatour… Ils ont tous fermé !
Raoul : Mais 3e Bureau sont devenu Cinq7 ? Ils ont fait une gigantesque partouze de maison de disques on sait plus qui est qui…
Helmut : Il y a un épisode des Bidochon où tous les gens qui font chier Robert se prennent une armoire normande sur la gueule.
Raoul : Donc c’est ça ?! On est les Attila de l’industrie musicale française. Faites gaffe !”

Réclame

Avalanche, le cinquième album de La Maison Tellier, est paru chez At(h)ome.
La Maison Tellier sera en concert le 3 mai au Centre Saint Exupéry de Franconville et le 4 mai à l’Abordage d’Evreux mais aussi aux festival Quand je pense à Fernande, Terres du Son, Pause Guitare, et aux Nuits de Fourvière (classe !)
Lire le compte rendu du concert de La Maison Tellier au Pan Piper
Voir le concert We Pop de La Maison Tellier


Remerciements : Maël [At(h)ome]

Catégorie : A la une, Entretiens
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