Entretien avec Lescop

Au festival FNAC Live, Le Transistor a été intrigué par Lescop. Ancien chanteur du groupe Asyl, Mathieu Lescop choisit de délaisser le rock pour se lancer en solo avec de la pop-disco noire. Un parcours étrange entre Londres, Ljubljana et Los Angeles mais toujours en français. Quelques mois plus tard, son album s’apprête à débarquer dans les bacs et il vient d’être nommé lauréat du FAIR pour l’année 2013.

Lescop

L’album a été réalisé et enregistré entièrement à Londres. « Parce qu’à l’étranger, ta différence avec les autres te saute aux yeux. Tu te sens plus français. Ton lien aux autres français est plus évident : on parle la même langue. Quand t’es avec un Anglais, un Russe ou un Slovène, y’a des différences, des façons de faire… c’est ta culture qui te différencie. »

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Entretien avec Lescop

Les voyages parcourent tout l’album. « Parce qu’en fait, c’est des moments forts… Ljubljiana je trouve que c’est le plus beau nom de ville du monde. Et la ville est géniale, j’ai eu la chance de vivre ça sous la pluie, de vivre des moments incroyables. A un moment, on avait plus d’actualité avec Asyl, j’avais vraiment plus d’argent pour voyager.  Et du coup ça me manquait un peu et j’écrivais des chansons qui parlaient de ça. De voyages, de souvenirs, d’envies de voyager. » Pour Lescop on ne peut pas vivre la même chose à Paris. « Ce que tu vis à Ljubljana, tu peux le vivre qu’à Ljubljana. Pareil pour Los Angeles. C’est ça qui est particulier dans les voyages : dans ce décor-là, t’es pas la même personne. Ca a beaucoup d’influence… si t’es un peu perméable à ce qui se passe autour de toi, ce que j’essaie d’être, ça a forcément une influence. Quand t’arrives dans un endroit que tu connais pas, que tu t’en prends plein la gueule, c’est un peu comme de tomber amoureux. »

Pour ce nouveau projet, Lescop a choisi de couper tous les ponts avec le rock. « C’était un peu l’exercice de style qu’on s’était imposé au départ. Moi j’avais mon groupe Asyl à la base c’était du gros rock à guitares. Et quand j’ai commencé à faire des compos tout seul,  ça ressemblait à ce que je faisais avant. » Le maître mot a été : aucun riff de guitare. « Puis Gael ensuite est arrivé, c’est lui qui a rajouté des guitares. Parce qu’après, l’esthétique du projet était écrite et Gael a ramené son jeu de guitare, qui est totalement différent du mien. »

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Avec sa musique, Lescop a décidé de nous faire danser sur des thèmes effrayant. Il me fait alors sursauter en claquant subitement dans ses mains sous mon nez. « C’est ça que je veux retrouver dans les chansons… Et c’est ce que je veux provoquer aussi. Je pense que cette réaction, tu la trouves assez vite dans ce qui est sombre, dans la cruauté – je parle d’écriture, hein ! » Lescop va chercher l’intensité au fond de lui-même. « Il faut créer des silences, et faut créer aussi des espèces de climax, des moments où y’a quelque chose de très intense qui se passe. Souvent tu le trouves dans toi, tes zones d’ombres… Souvent c’est dans des zones où tu veux pas trop aller. Et comme par hasard c’est des endroits un peu tristes, mélancoliques, nostalgiques…. C’est une recherche d’intensité en fait… »

L’album dénote un camaïeu de gris sans aucun happy end. « Non y’a pas de twist. Y’a des chansons qui sont parfois un peu mélancoliques, mais c’est pas triste en fait parce que de toute façon l’album global, ça parle de nostalgie ou de choses comme ça. Mais c’est fait par quelqu’un qui est assez enthousiaste et c’est une démarche enthousiaste parce que t’as le côté pop. » On se retrouve tiraillé entre les paroles et la musique. « C’est marrant, dès qu’on lance l’intro de ‘La Forêt‘ la foule s’enflamme alors que ça parle de meurtre. Tu peux danser dessus alors que ça parle de cruauté. C’est là qu’on sait qu’il va se passer quelque chose. C’est ça que je cherche, ça crée de l’enthousiasme. »

Lescop souligne qu’on ne peut séparer les paroles de la musique. « Le sens des paroles, je peux l’expliquer. Mais le sens ça porte bien son nom, c’est la direction. Ce qui est intéressant c’est le deuxième sens, c’est le sous-texte, au dela du texte.  Je peux essayer moi de raconter comment j’en suis venu à écrire ce texte, ça n’explique pas la chanson.» Ce qui compte dans ses chansons de lire entre les lignes. « Souvent tu te racontes des histoires sur des chansons en anglais, et quand tu traduits, tu t’aperçois que c’est pas du tout ça. Sauf que quand j’écoutais Bob Dylan, je savais pas de quoi il parlait, mais tu sais que c’est important, et c’est ça qui est beau. Et là pour le coup t’es pas déçu quand tu comprends. »

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Dans une interview pour Gonzaï, Lescop avait qualifié les Français qui chantent en anglais de fainéants. « J’ai du mal à comprendre pourquoi y’a autant de Français qui chantent en anglais. Ce que je veux dire, c’est que j’ai l’impression que par fainéantise de pouvoir vraiment construire quelque chose qui nous ressemble vraiment nous les Français, on essaie de faire du blabla. Ceux dont je parle c’est ceux qui font du blabla en yaourt. Et souvent quand tu traduis, t’as l’impression que ça a été écrit en première année. Et c’est ça que je déplore. » Lescop n’aime pas pointer du doigt, mais ne met pas tout le monde dans le même panier. « Après voilà, ça me dérange pas quand c’est Tahiti 80 ou Phoenix… Mais John & Jehn ils vivent en Angleterre, et c’est pas par hasard. Ce qui m’agace c’est quand c’est faute de mieux, ce que je supporte pas c’est quand tu sens que c’est français, quand tu sens que le mec, ce qu’il a fait c’est marmonner en yaourt, et qu’après il a trouvé des mots anglais qui ressemblaient pour les coller dessus. Ca me fait chier. C’est comme la différence entre un tableau et un album de coloriage. Il a rempli les cases en suivant les numéros. C’est ce qui me dérange. »

Avant de partir, Mathieu Lescop prendra quand même le soin de s’excuser de m’avoir fait peur pour illustrer son propos.

Réclame

Lescop, le premier album de Lescop, sort le 1er octobre chez Pop Noire/Mercury (Universal).
Lescop sera en concert au MaMA festival le 26 octobre 2012.


Remerciements : Ophelie Surelle (FNAC)

Catégorie : A la une, Entretiens, HIDDEN
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