Entretien avec The Moonlandingz (Fat White Family + The Eccentronic Research Council)

En 2015, The Eccentronic Reseach Council, un duo qui adore s’adonner à la collaboration, a imaginé un chanteur narcissique, pervers, malsain… un vrai cliché ! Et forcément, ils ont demandé à Lias Saoudi des Fat White Family d’incarner ce Johnny Rocket. Par la suite, Dean Honer et Adrian Flanagan ont convié son guitariste Saul Adamczewski, Phil Oakey de The Human League, Randy Jones (le Cowboy des Village People) pour faire un album pompeusement intitulé Interplanetary Class Classics, produit par Sean Lennon, ce qui fait que même sa mère, Yoko Ono s’en est mêlé. Bref, on a rencontré Adrian Flanagan et Lias Saoudi à la Route du Rock.

The Moonlandingz

Fidèle à sa réputation, Lias Saoudi est ingérable : il réclame une bière, veut aller voir Mac DeMarco, reste moins de trois minutes puis part pour les loges, s’éteignant alors, pour laisser la parole à Adrian Flanagan, qu’il présente comme le vrai leader du groupe.

A la base, si The Moonlandingz existe, c’est parce que Adrian Flanagan a dit dans une interview qu’il était fan des Fat White Family.
Adrian : Oui, et en quoi c’est un problème ? C’est mon groupe de rock préféré. Ils m’ont prouvé que le rock n’était pas mort.
Lias : Est-ce que ça te déprime de voir les gens manger ? Je comprends pas ce besoin de se perpétrer. C’est assez futile en fait. Regarder les gens manger me donne envie de pleurer : voir leur visage, avec des bouts de nourriture qui tombent au coin de la bouche. C’est un peu tragique, non ?”
Sans gêne, Lias Saoudi s’est emparé de l’attention, et rapidement atteint le point Godwin.
Lias : Mais des fois, je regarde les gens quand ils mangent, et ça me rend triste, surtout ma mère. Pourtant j’ai une bonne relation avec ma mère.
Adrian : C’est vrai qu’on a beaucoup mangé au début du projet. Je crois que c’est ça qui a généré toute cette tristesse.
Lias : Je crois pas qu’il y ait eu de chanson écrite dans les camps de concentration.
Adrian : Parce qu’il n’y avait rien à manger.
Lias : il n’y avait pas beaucoup de musique dans les camps.
Adrian : Tu penses qu’ils chantaient ?
Lias : En même temps, si quelqu’un te regarde, une mitraillette à la main, peut-être que tu as pas trop envie de chanter. A moins qu’ils ne les aient fait chanter la grandeur du IIIe Reich. Le prochain Treblinka, ils vont les forcer à chanter des chansons de Mac DeMarco, et les gens vont supplier pour du Coldplay. Je sais pas. Je suis pas responsable des trucs qui sortent de ma bouche.“

The Moonlandingz rassemble cinq générations de musique britannique, et le résultat c’est du glam rock.
Lias : On a atteint le point le plus bas, en fait il n’y a aucun élément réellement identifiable d’une certaine subculture. Et en même temps, c’est juste des termes, avec avec les Fat White Family, ça a toujours été la politique : peu importe la musique qu’on fait, aucun genre ne peut s’appliquer. Jamais.
Adrian : Le glam rock c’était dans les années 70, donc la guerre, le racisme. C’est né dans un contexte qui correspond aux temps que l’on vit en ce moment, non ? C’est peut-être de là que ça vient.
Lias : Mais on a juste pris le pire mauvais goût, la pire version du rock.
Adrian : Un peu polémiste quoi.
Lias : C’est une vieille vanne, avec le leader androgyne, et toutes les chansons parlent de pénis. Après avoir créé les Fat White Family, je voulais quelque chose de plus léger… C’était très facile de jouer ce personnage, qui me colle à la peau… Car plus on tourne avec un groupe, plus notre vie se rapproche d’un Spinal Tap. Ca devient très difficile de se prendre au sérieux.”

Ce personnage est né de l’imagination de The Eccentronic Research Council, sans aucune idée d’en faire un album.
Adrian : On avait une liberté totale puisque personne ne nous regardait. Je faisais juste mon truc avec des gens que j’aime, sur de la musique que j’aime. Avec un grand frontman, et Saul qui est un super guitariste. Et pour eux, ça leur a donné l’occasion de travailler avec des anciens comme Dean et moi.
Lias : Perso, je n’ai plus besoin de l’extravagance de Johnny Rocket. Je suis extravagant quand je joue mon rôle sur scène, à des horaires données. Maintenant je suis dans deux groupes, il faut que je joue sur les deux tableaux. Je dois écrire un album d’un côté et de l’autre, jouer pour un autre public.”

Lias Saoudi s’active, cherche de feuilles, chantonne U2, ‘I Still Haven’t Found What I’m Looking For’.
Adrian : C’est une chanson si triste ! Est-ce que Bono a fini par trouver ce qu’il cherche ?
En fouillant dans son sac, Lias Saoudi sort une couche pour bébé. “Et alors ?”

Un fois l’EP Black Handz paru, The Moonlandingz a bossé pendant deux ans pour Interplanetary Class Classics.
Lias : C’est parce qu’on a beaucoup tourné. C’est le rythme imposé, parce que si t’as rien produit, tu peux pas tourner. Du coup, si tu veux pas être fauché, faut être constamment sur la route. Il faut que je trouve un moyen, j’aimerais partir en Algérie. Je veux vraiment me barrer, et rejoindre ma famille. Je vais faire le moins de concerts possible : j’adore jouer en public, mais on réalise pas à quel point c’est chaotique, parce qu’on a tellement ce besoin d’attention, de validation, qu’on ferait n’importe quoi.”
Lias Saoudi raconte vouloir se retirer pour écrire.
Lias : Pendant des années on se plie pour tel concert, telle interview, telle personne à rencontrer, et à la fin, on se sent comme un homme de paille, on est pas vraiment là. Je réalisais pas ce qui se passait. Mais j’aime tellement jouer en live, qu’on enchaînait les concerts. C’est génial pour le groupe, mais ça détruit tout le monde. Et on commence l’héroïne, et tout ça. Mais je fais un album en ce moment, pour les Fat White Family, c’est cool, c’est toute l’équipe, de nouveau ensemble. Ca se passe très bien.”

L’année dernière, justement à La Route du Rock, Saul Adamczewski venait de quitter le groupe.
Lias : C’est dû à plein de choses différentes, peut-être les drogues et la pression. Mais je vais pas vous ennuyer avec ces détails. Je veux construire une communauté, car on arrive à un certain point dans l’industrie de la musique où, si on est pas en train de se montrer, on finit sur le bord de la route. En gros, il y a deux niveaux, soit underground, soit star mais rien entre les deux. Or je veux faire partie d’une communauté où les gens se soutiennent.
Après le chaos, Lias Saoudi cherche manifestement l’apaisement.
Lias : J’essaie de construire un réseau de personnes, de ressources, pour ne plus être totalement dépendant de labels ou assimilé. Des personnes dans le bon état d’esprit, peu importe si elle s’entendent. Je crois que j’ai changé, parce que comme en ce moment c’est plus calme, j’ai eu le temps de penser à ces choses. Mais c’est une bonne chose: je ne suis plus à me laisser aller avec la drogue.”

Pour Lias Saoudi, un grand problème pour les musiciens c’est la drogue.
Lias : En tournée, il n’y a aucun problème parce qu’on reste dans une dynamique. Mais quand on arrête, et qu’on rentre chez soi pour trois jours, qu’est-ce que je vais faire ? Autant être high ! Je l’ai mérité après toute l’énergie que j’ai dépensée. C’est comme ça que ça se passe. J’espère vraiment aller en Algérie, et que ce soit pas des paroles en l’air. Si j’y vais avec mon frère pendant six mois, on pourrait écrire tellement de chansons. Mon frère et moi,on est très proches, presque mariés. C’est génial sauf sur le plan sexuel.
Et naturellement, le sujet dévie sur le sexe…
Lias : Je baise plus, j’ai pas envie d’en parler. C’est pire que manger. Avant je baisais beaucoup.
Adrian : C’est pour ça qu’il ne veut plus donner de concerts ! Quel est le but si on baise pas ?
Lias : J’ai besoin de quelque chose de profond et d’insignifiant dans ma vie (rires)
Adrian : Il faut l’écrire !
Lias : Oui c’est un bon titre ! Pour un album solo !” (rires)

Réclame

Interplanetary Class Classics, le premier album de The Moonlandingz est paru chez Transgressive / [PIAS]


Remerciements : Ingrid [PIAS]

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