Entretien avec Viet Cong

Nouveau groupe à sensations, Viet Cong n’est pas né de la dernière pluie. Germé des cendres du groupe Women, la nouvelle formation s’est composée des membres qui accompagnent Chad VanGaalen et d’un tribute band à Black Sabbath. Lors de leur passage au Point Ephémère pour présenter leur premier album, Matthew Flegel a discuté des conditions de tournée, de son expérience au sein de groupes différents, mais surtout de ses inspirations et aspirations pour ce très dense Viet Cong.

De sa voix de Nicolas Cage, le chanteur Matt Flegel explique qu’il a des règles très simples pour éviter les problèmes dus au rythme éprouvant de la tournée : « On essaie de faire un vrai repas de temps en temps, et puis surtout on évite les hallucinogènes. Et quand la drogue en poudre débarque, on met une laisse à certains du groupe parfois. »

A l’époque de Women, les conditions de tournées étaient si mauvaises que Matt et son frère Pat en sont venus aux mains. « C’est surtout sur la dernière semaine que la situation s’est désagrégée. Mais à part ça, on s’est toujours bien amusés. Il y avait des personnalités plus versatiles dans ce groupe… surtout Chris et mon frère. J’ai l’impression qu’on est plus solides dans ce groupe. Si je fais quelque chose de stupide, ou si j’écris quelque chose qui sonne idiot, ils vont me le dire et je vais bien le prendre. C’est moins motivé par l’ego je crois. » Le chanteur affirme qu’il est mieux armé cette fois-ci pour éviter le clash. « Adolescents, on a été dans tellement de groupes différents, que maintenant on sait forcément mieux s’y prendre. Dès les premiers signes d’une dépression ou autre, je vais le remarquer, parce que je l’ai déjà vécu dans d’autres groupes. On décidera de calmer le tempo, voire d’annuler la dernière semaine de concerts s’il le faut. Et on s’assure que la personne prenne soin d’elle pour éviter qu’elle se perde. C’est une question d’expérience. »

Donc Viet Cong n’est pas parti de zéro, mais le groupe a quand même galéré sur sa première tournée nord-américaine. « On voyageait dans une petite voiture, à jouer devant personne et à se faire aucune thune, à peine de quoi manger. Heureusement, les conditions sont différentes maintenant. Mais même à ce moment-là je détestais pas les tournées. C’est juste un passage obligé avec un nouveau groupe. Et certes, c’est fatiguant de porter le matériel chaque soir, mais en même temps c’est notre seul exercice physique quotidien. » Afin de rentrer dans leurs frais, les musiciens ont sorti leur cassette sur BandCamp. « C’est surtout parce qu’on avait 200 copies et la moitié ne marchait pas. Donc on vendait nos cassettes après les concerts, et ensuite on recevait des emails pour nous dire qu’il n’y avait rien dessus, les cassettes étaient vierge !. En ce moment, les cassettes reviennent : on vend plus de cassettes que de CDs. J’adore les cassettes, c’est sûrement nostalgique parce qu’en fin de compte ça sonne pas mieux. »

Quand il s’agit dedéfinir le style de Viet Cong, le leader s’insurge contre l’étiquette post-punk qu’on leur a collée. « Je sais pas comment on est arrivé à ce son au final. Mais on écoute tellement de musiques différentes, qu’on est clairement pas confiné dans un genre défini. Pour moi le post-punk c’est des musiciens qui ont fini par apprendre à jouer de leur instrument ! Ils commencent par le punk quand ils ont 17 ans, et après avoir joué les 3 mêmes accords pendant quatre ans, ils se lassent. » Matt Flegel aime à se poser des défis en musique. « On cherche toujours à étendre notre domaine musical. Comme par exemple, écrire une ligne de guitare que je peux pas jouer. Je me fais des suites d’accords où je me tords les doigts, je peux les jouer, mais pas de manière fluide. Et puis après 50 concerts d’affilée, on s’habitue, on s’améliore. Mais j’adore écrire de la musique qui sort de mes limitations musicales. Et parfois aussi j’adore me baser sur deux accords ! »

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Comme pour les accords, Viet Cong s’est d’abord entraîné en concert avant de plancher sur l’album. « On a fait les démos dans notre studio, qui est en fait un garage. C’est là que tout commence, on fait pas mal d’expérimentations. Souvent à partir d’un bout d’idée, on essaie de construire quelque chose à partir de rien. Ensuite on a fait la tournée de 60 dates environ, à galérer dans la petite voiture, mais à la fin, on était capable de jouer nos chansons, et bien mieux qu’au début. Donc on est entrés en studio pour enregistrer et mixer. C’était pas du tout le plan à la base, on voulait sortir les démos… » Et à la fin de cette tournée, Matt Flegel est prêt à retourner directement en studio. « On finit cette tournée vers la fin mars et ensuite on est en pause tout le mois d’avril. Et on a dix ou onze nouvelles chansons qui sont pratiquement prêtes. Et j’ai envie de prendre ce qu’on a pour l’enregistrer, voir surtout où ça nous mène. Parce qu’apparemment j’en aurais pas encore marre de ces mecs ! Il va me falloir deux semaines de plus à être enfermé dans un espace confiné avec eux. »

Quant à l’imagerie du groupe, elle est souvent très violente, surtout pour ‘Continental Shelf’. « J’ai environ trois idées par chansons. J’aime coller des idées ensemble alors qu’elles contrastent totalement. J’espère que chaque écoute apporte une nouvelle lecture. Mais effectivement, quand on est entrés en studio, j’avais envie de faire un album un peu dramatique, je pense. » C’est sans parler de ‘Death’, une chanson de onze minutes qui vient clore de manière théâtrale album et concerts. « En live, ce n’est jamais la même version jour après jour. Il y a une partie de cette chanson avec les batteries qui viennent tambouriner, et j’aime étirer cette partie, jusqu’au moment où ça devient inconfortable pour tout le monde. Et ça devient une sorte de transe hypnotique… »

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Cette chanson semble avoir été composée pour aider Matt Flegel à tourner la page suite au décès de Christopher Reimer, l’ancien guitariste de Women. « Oui, c’est possible. Il y a des éléments de conclusion dans ce que j’écris. Surtout quand on approche des parties les plus sombres. Mais ça permet de rester plus léger, de garder le sens de l’humour au quotidien. C’est sain de faire ressortir ces choses. Par contre les gens pensent que je suis hanté par des pensées suicidaires. Alors que pas du tout, du moins pas encore… »
Il rajoute sur le ton de la blague mais avec un sourire énigmatique : « Je travaille à atteindre les profondeurs les plus sombres… on peut toujours avoir plus sombre. Toujours. »

Réclame

Viet Cong, le premier album de Viet Cong, est paru chez Jagjaguwar.
Viet Cong sera en concert le 22 mai à la Maroquinerie


Remerciements : Agnieszka (Secretly Group)

Catégorie : A la une, Entretiens
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3 réactions »

  • Arnaud :

    L’une des très bonnes découvertes de ce début d’année, en bonne place dans ma playlist deezer. Je pourrais multiplier les références pour définir leur musique, mais je pense qu’ils titillent mon goût toujours réaffirmé pour le rock situé entre ‘Sister of Mercy’ à ‘Interpol’ en passant par les ‘Mabuses’ et ‘Wire’. Sans doute l’origine de l’étiquette postpunk.
    J’irai volontiers les voir en concert s’ils passent à moins de 100 km de chez moi (j’ai aussi une petite voiture).
    Un nouvel album pour bientôt, si j’ai bien compris ? cool.
    (j’ai pas de skyblog – c’est quoi ? – alors j’ai mis mon soundcloud, ce qui est très approchant, quand on y pense).

  • agnes (author) :

    Hello. Pas exactement, ils ont dit qu’ils allaient bosser sur un prochain album, mais ça veut pas dire qu’il sortira bientôt… ça veut dire que peut-être d’ici un an et demi on pourra écouter quelque chose pour préparer une sortie. Mais ils repassent en tournée en mai, puisqu’ils vont faire une maroquinerie. et seront à Primavera. Donc vérifie, ils passeront peut-être pas loin de chez toi !!

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