Entretien avec Nawel

Tout est parti d’une recommandation de Philippe Astor. Alors on a glané des informations ici et là. Jusqu’à ce qu’on retombe sur ce nom, Nawel, dans la liste des finalistes de Paris Jeunes Talents 2012. Et comme Le Transistor soutient ce prix dans la catégorie Musique, tout concordait pour qu’on rencontre enfin la chanteuse. Pas de Ben Kraiem, pas de Lilabox, juste Nawel : simple et naturelle.

Nawel

Première impression : une Tunisienne blonde, c’est pas banal. « A chaque fois que je faisais des castings, on me renvoyait à la même chose : tu t’appelles Nawel Ben Kraiem et t’es pas typée ? A profil égal, pour jouer une blonde ils vont en prendre une qui parle pas avec les mains. Et pour une rebeu, il en prenne une plus typée même si elle parle pas un mot d’arabe. »

Interview de Nawel

Interview de Nawel

Parce qu’avant de se lancer dans la musique, Nawel était comédienne. « J’étais en formation de comédienne, je jouais un peu mais on peut pas appeler ça une carrière. C’était les débuts quoi : je suis arrivée à Paris, j’avais 18 ans, j’avais envie d’être comédienne, et à côté je chantais dans les bars avec Cirrus. Et à force de faire des concerts, on a signé. Mais c’est parti d’un truc très instinctif, et comme j’étais autodidacte, je pensais pas que j’allais pouvoir en vivre. » Mais petit à petit, la vapeur s’est renversée. « Dès que je peux je fais des projets de théâtre mais ça dépend beaucoup des metteurs en scène, alors que la musique j’ai la liberté de faire avancer un projet, et du coup ça avance à mon rythme. Et comme j’ai du mal à rester passive, ma vie de musicienne prend le pas sur celle de comédienne. »

Nawel a aussi joué avec Orange Blossom avant de se lancer en solo. « Je me suis rendu compte que Orange Blossom m’éloignait de ce que j’avais envie de faire. J’ai alors décidé de ressortir toutes mes idées de textes et de mélodies et de faire un projet avec ce truc de métissage qu’il y avait dans Cirrus, avec des sonorités électro, pas non plus aussi marqué que chez Orange Blossom, qui a vraiment un truc festif. » Depuis deux ans en solo, son projet commence à prendre forme. « Je m’autorise à aller avec ma voix sur un terrain très oriental, et des fois plus brut entre parlé et chanté, à mélanger l’arabe à du français et de l’anglais, et des sonorités acoustiques avec des touches electro. Après j’ai mis du temps à trouver une cohérence au milieu de ces influences et là je pense que je commence à avoir trouvé, en tous cas sur scène, un univers. »

C’est par le live que Nawel a réussi à développer ses idées. « Pour ce projet, j’avais essayé de faire un peu les choses à l’endroit, donc j’ai composé mes titres, ensuite j’ai fait  mes maquettes, et après seulement j’ai cherché mes musiciens. Maintenant les maquettes je les trouve un peu lisses. » Grace au soutien de la Manufacture Chanson et Les Trois Baudets, Nawel a pu faire des résidences. « Je réalise que le projet a pris son sens avec les musiciens. En concert on a tendance à étirer les choses, y’a cette folie que tu trouves pas en studio. J’ai envie d’un album plus hybride, un peu plus fou. Et comme ça avance, on va pouvoir enregistrer un album cet été. Ca sort en janvier. »

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Son premier album s’appellerait Lilabox Experience. « C’est un mot que j’ai inventé, lila ça veut dire nuit en arabe et box en anglais la boite. Sur scène, elle prend la forme d’une petite boite noire, avec comme des étoiles lumineuses. Et c’est un espèce de capteur de toutes les ambiances que je raconte. » En live, the Lilabox visite différents mondes. « Ça part d’une idée assez onirique puis ça devient plus concret, presque engagé. Au début, les thèmes sont un peu abstraits, et ça s’ancre un peu plus dans ma réalité de cultures. Après c’est pris d’une espèce de folie, assez electro… Et la fin du concert c’est un peu plus festif. »

Du fait de sa double culture, beaucoup voient Nawel comme une artiste engagée. « J’aime bien m’amuser des préjugés, après je prends pas des positions directement politiques donc ça reste vraiment un projet artistique et poétique. Je joue avec certains sujets dits sensibles, donc ça devient politique, mais l’idée est de faire éclater et se rencontrer des mondes. »La chanteuse grandi en Tunisie mais ne se sent pas porte-parole pour autant. « C’est un truc que je porte en moi, et en France, ça a une portée politique, parce que la communauté arabo-musulmane est vachement pointée du doigt. Mais je me dirais pas engagée, je dirais qu’il y a des engagements qui traversent une chanson mais je m’en amuse et je les fais exister et je rigole mais c’est pas au premier degré, c’est ça que les gens perçoivent aussi… »

Nawel ne veut pas que son projet prenne des allures politiques pesantes. « Dans mon chant, j’ai le droit d’exprimer des choses qui touchent à des idées, pas seulement des histoires d’amour. Ca peut être mon regard sur l’humain, mais il faut que ce soit toujours fait avec poésie ou avec humour pour créer cette de distance, pour que ce soit artistique. » Au contraire, sans cette étiquette, elle peut toucher plus de gens. « Je suis pas dans un truc world ou vindicatif du fait de mes orgines,  et comme les thèmes sont abordés de façon actuelle, aucun public ne se sent exclu, au contraire ! Ca peut parler à tout le monde parce que Paris c’est une ville hypra multiculturelle. Et moi je fais le pont  parce je suis autant une chanteuse parisienne qu’une chanteuse tunisienne. »

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Nawel nous explique ce qu’elle attend du Prix Paris Jeunes Talents. « Mon projet est encore en développement et j’ai envie qu’il touche le plus de monde possible. En ce qui concerne l’aide, j’ai pensé à l’utiliser pour un clip. Comme j’ai pas envie d’être classée, ou catégorisée, je trouve que définir l’image est une étape essentielle… Pour moi, créer un univers fait partie de la parole artistique. »

Réclame

Nawel sera aux Jeudi de l’Etang le 9 août à Brossac (Charentes), au Pop in Djarba (Tunisie) et le 19 octobre en première partie de Mina Tindle (interview) aux Mureaux.


Remerciements : Sarah (Paris Jeunes Talents)

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