Le jour où mes copains ont sorti un CD

Hier, on m’a donné l’EP de Cheers. Rien d’extraordinaire tu me diras. Des CD j’en reçois tous les jours, de la musique j’en écoute toute la journée, et puis Cheers je commence à connaitre depuis 2 ans que c’est mes potes.

Cheers - The Red Doors Sessions

Cheers - The Red Doors Sessions

Justement. C’est mes potes.

C’est vrai que j’en ai des potes qui ont sorti des albums, des que-je-suis-depuis-longtemps, des Skip the use, des Lilly Wood & The Prick, des Ben Mazué… Mais Cheers c’est différent.
La première que je les ai vraiment rencontré c’était lors du tournage de la première édition de P20RIS. Je les avais entendu du bar pendant un tremplin. J’avais écouté sur MySpace. J’avais apprécié.
Ils étaient disponibles pour le tournage. J’étais content de boucler ma programmation.

Sauf que.

Arrivé au milieu du mois de juin et du Parc Montsouris avec Paul, Hugo et Gaspard (il manquait déjà Eliot) je constate que j’ai oublié mon enregistreur. Et sans son, pas de session. Impossible de faire un aller retour, j’étais attendu par -M- au Zénith à l’autre bout de Paris. Les trois Cheers repartent comme ils sont venus, avec un rendez-vous au même endroit une semaine plus tard.

C’était un 12 juin. Il y a 2 ans exactement.
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On en a fait des concerts depuis. Du Divan du Monde aux Eurockéennes. Des interviews. Des séances photos. Des vidéos. Des jolies. Des moches. Des pas publiées. Des pas publiables.
On en a fait des soirées. Des concerts, des McDo, des conneries, des soirées bières-PES (sans alcool pour les plus jeunes).
Des trucs, sans aucun rapport avec la musique. Le jour où je m’en suis rendu compte, je me suis dis : “Oh tiens, c’est des potes”. Comme si ce n’était pas naturel. Comme s’il devait y avoir une barrière. Un crash barrière.
On est devenus tellement potes qu’un jour, on s’est même embrouillés…

Pendant deux ans, j’ai vu leur projet évoluer. Certaines chansons ont disparu du set. D’autres sont apparues. Certaines que j’avais écouté dans une chambre avec une guitare électrique pas branchée ou en showcase dans un grand magasin. J’ai saisi plein d’instants en photo, en vidéo. Et surtout j’en ai vécu plein. De ceux qu’on oublie pas. Ceux qu’aucun appareil photo ne peut garder. Ceux dont il faut profiter, tout simplement.

Pendant deux ans, je les ai vu évoluer. Changer de classe. Changer de voix. Changer d’instruments. Mais rester eux mêmes. J’ai appris à les connaître. Eux et toute la troupe que forme le collectif monté avec d’autres proches, la Fist Massacre Scene. Un jour, j’ai même eu le droit d’en faire partie. J’étais fier. J’étais un peu passé de l’autre côté du crash barrière. Sans prendre trop de risque.
J’en ai parlé ici, souvent. Ailleurs, parfois. Sans objectivité, toujours. C’est juste bon pour les journalistes.

Quand j’y repense, je ne sais plus trop pourquoi je me suis mis à bloguer y’a maintenant 10 ans (en septembre). Je me rappelle vaguement pourquoi je suis arrivé dans la musique. Ce que je sais, c’est que les rencontres que j’y ai fait valent (presque) plus que toutes les places de concerts, albums et cadeaux en pagaille que j’y ai reçu.
Quand un artiste que je suis depuis plusieurs années m’envoie un SMS pour m’annoncer la naissance de son fils alors qu’il est des rares à m’avoir fait pleurer sur scène, quand un chanteur punk me dédicace un titre en concert retransmis alors que j’ai vu son premier concert avec ce groupe, quand un leader rock me dit que lui aussi a couché avec des mecs juste pour me rassurer alors que j’écoute son album hors Spotify pour éviter qu’il le voit, quand un directeur de label me raconte les histoires inavouables de ses anciens artistes, je me dis que je n’ai pas perdu mon temps.

Parce que c’est sans doute la seule chose que je tirerai de cette industrie à la gloire périmée qui ne me fera probablement jamais vivre et dont je n’envie pas le système. Même si je me plais à pisser sur ses codes et à chier régulièrement sur ce qu’elle sort, j’aurais gagné deux choses dans cette épopée de blogosphère musicale. Mon indépendance et des potes. J’en connais qui ont fait des révolutions pour ça.

Un jour, quelqu’un appuiera sur le bouton “cool” et Cheers passera du statut de groupe de merde qui joue dans des caves à groupe hype, ou projet écoutable. A l’instar des autres trucs que j’aurais soutenu pendant des années, je n’y serai pour rien, une radio ou une télé seront passés par là. Mais je serai un peu déçu de me voir un peu dépossédé de “mon” projet, mais content de voir mes potes réussir.

En attendant, je retire le blister autour de la pochette dont j’ai fait la maquette. Je sors la galette. Et j’écoute. Avec plaisir. Je les connais les morceaux. C’est ceux de mes potes.




Catégorie : A la une, Albums, Editoriaux
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4 réactions »

  • lofiphil :

    J’aime vraiment beaucoup ce jour où Benjamin Lemaire a publié un très bel et très émouvant article sur le jour où ses copains ont sorti un CD !

  • David :

    Cheers, c’est dans mon iphone depuis leurs concert au Gibus.
    Au début je me disais que “ça passait” on peut écouter ça de temps en temps.
    Maintenant, quand je parle de musique, je présente le groupe à des potes.

    Fier de connaitre ce groupe 😉

    Proud of my Brother 😀

  • Ally :

    Joli billet 🙂 J’avoue que je me suis reconnue dans certains passages.

  • Theo B. :

    C’est un très bel article.

Et toi t'en penses quoi ?