Patti Smith : mon best of

1992. Le français ne savait pas qu’on allait gagner la Coupe du Monde. Moi je ne savais même pas qu’elle aurait lieu. Moi, j’ai presque 7 ans, et ce que je veux, c’est un tourne disque.
Aujourd’hui, comme tous les ans, c’est la brocante. Le moment de revendre tout ce qui ne sert plus pour acheter des objets qui serviront encore moins. Après une série de ventes concluantes, j’ai 59 francs. Je n’espérais pas autant. Et ça tombe plutôt bien parce que Monsieur Lallemand vend son tourne disque pour 50. Seulement, un détail m’avait échappé. Avec 9 francs, impossible de trouver un vinyle… Après avoir fait deux fois le tour de la rue, je tombe sur un disque à la pochette intrigante portant l’étiquette 10 francs. Ma moue d’enfant et mes 9 francs feront l’affaire. La photo plutôt simpliste n’est pas très attrayante. Une image en noir et blanc représentant une femme devant un mur blanc portant sur son épaule un manteau gris/noir. Dessus est inscrit Arista en haut à gauche et Patti Smith Horses de l’autre côté. Je n’en ai jamais entendu parlé mais ça fera l’affaire.

C’est donc avec Horses que j’ai découvert mes propres gouts musicaux. Il est devenu mon album de référence, parce que pendant longtemps le seul. C’est bien des années plus tard quand j’ai découvert Limewire et Edonkey et ai écouté les autres albums de Patti Smith, découvrant par la même que Gloria était une adaptation de Van Morrisson, reprise également par les Doors. Deux nouvelles découvertes. L’année suivante sortait Gung Ho.
C’est aussi l’époque où j’ai découvert Robert Mapplethorpe. Celui qui dix ans avant mon existence avait fait la fameuse photo de Horses qui m’avait poussé à l’acheter. J’y trouve alors une histoire profonde, touchante et un photographe qui avait réussi à mêler son travail avec l’amitié qu’il entretenait avec Smith. Une relation complexe mais indéfectible. C’est indirectement le couple Smith/Mapplethorpe qui m’a poussé vers l’image. Puis le concert. Puis la photo de concert. Puis ici.

Et les occasions se sont succédées pour la voir en concert, puis la rencontrer, puis la revoir. Et je les ai toutes manquées. Jusqu’à l’été 2010 où je reçois un emailing m’annonçant une série de concert à Paris. Cette fois c’est pour moi. J’assiste donc à la très émouvante lecture musicale de Patti Smith à la Cité de la Musique où le spectre de Mapplethorpe est omniprésent. Puis sur un coup de tête je me rends à Pleyel et rachète 60€ un billet pour voir en live la mise scène de Horses. 35 ans après. Un live puissant et déroutant pendant lequel, comble du confort et de l’attention, je ne ferai pas de photo. Pendant le concert je me rappelle de ce vinyle acheté, de ces 9 francs, de Mapplethorpe. Combiné à l’énergie scénique, j’ai versé pour la première fois une larme pendant un concert. Parce que Patti Smith n’est plus seulement la grande prêtresse du punk. C’est une femme qui a vieilli tout en faisant murir son art et ses oeuvres. Et contrairement à nombre d’artistes sur le retour après des années de vide, le show de Smith n’est pas ridicule. Elle a changé. Évolué. A l’image de son live aux Vieilles Charrues immortalisé en 2004 dans Trampin’.

Patti Smith - Outside Society

Patti Smith - Outside Society

C’est d’ailleurs ce titre qui clôture les 18 pistes de Outside Society, son second best-of. A l’inverse de Lands qui ressemblait à une pochette surprise pleine de choses et d’autres, cette seconde compilation ressemble davantage à une invitation au voyage à travers la carrière de Patti Smith à la façon de Just Kids poignantes mémoires publiées l’année dernière.
L’album démarre donc logiquement sur Gloria et Free Money, le premier ouvrant Horses en 1975 et le second inaugurant sa première collaboration officielle avec Lenny Kaye, encore et toujours à ses côtés. Puis les années passent et avec elles les albums, Radio Ethiopia en ’76 (Ain’t it strange et Pissing in a river), Easter deux ans après (Because the night et Rock’n’roll nigger), Wave l’année suivante représenté par Dancing barefoot et le magnifique Frederick qu’elle a écrit pour son mari de l’époque. Le best of enchaîne d’ailleurs sur deux titres de Dream of Life (People have the power et Up there down there) qu’il a réalisé pour elle à l’occasion de son retour sur la scène rock dix ans plus tard.
Puis l’album arrive dans la période moderne de Patti avec Gone Again sorti en ’96 dont sont extraits une de ses plus belles chansons, Beneath the southern cross, et Summer canibals. Peace and noise lui ne sera présent qu’à travers 1959, oubliant au passage le très grave et très country Last call avant bien sur le très rock Glitter In Their Eyes qui a valu en 2001 le Grammy Awards de Best Female Rock Vocal Performance, sorti avec Lo and Beholden sur Gung Ho.
Assez étonnamment l’album se clôture sur sa reprise de Nirvana, Smells like teen spirit sorti en 2007 à l’occasion de son dernier album, douze hommages à douze grands standards suivi de Trampin’, tiré de l’album du même nom sorti lui 3 ans auparavant.
Un parti pris assez étonnant pour un album qui s’écoute comme un voyage dans le temps à travers le temps et les époques. Parcequ’à travers ces 36 ans de carrière on ne fait pas que redécouvrir Patti Smith, c’est également un véritable voyage à travers les époques. Et qui aurait pu commencer et se terminer avec une reprise.

Ainsi Outside Society ne comblera probablement pas les fans, n’apportant aucun inédit ni (a priori) aucune version autres que celles des albums. Mais il reste une magnifique initiation à l’univers de celle qui a participé à la création du mouvement punk, et qui, des années après, sait encore et toujours se renouveler, à l’image de ses créations pendant une semaine à la Cité de la Musique. L’album servira donc aux plus novices de cahier de vacances pour réviser avant les concerts de la rentrée que l’on attend avec impatience.

Tracklist

1. Gloria (Horses, 1975)
2. Free Money (Horses, 1975)
3. Ain’t It Strange (Radio Ethiopia, 1976)
4. Pissing In A River (Radio Ethiopia, 1976)
5. Because The Night (Easter, 1978)
6. Rock N Roll Nigger (Easter, 1978)
7. Dancing Barefoot (Wave, 1979)
8. Frederick (Wave, 1979)
9. So You Want To Be A Rock N Roll Star (Wave, 1979)
10. People Have the Power (Dream of Life, 1988)
11. Up There Down There (Dream of Life, 1988)
12. Beneath The Southern Cross (Gone Again, 1996)
13. Summer Cannibals (Gone Again, 1996)
14. 1959 (Peace and Noise, 1997)
15. Glitter In Their Eyes (Gung Ho, 2000)
16. Lo and Beholden (radio edit) (Gung Ho, 2000)
17. Smells Like Teen Spirit (Twelve, 2007)
18. Trampin’ (Trampin’, 2004).




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2 réactions »

  • Lisa Burek :

    ” j’ai versé pour la première fois une larme pendant un concert. Parce que Patti Smith n’est plus seulement la grande prêtresse du punk. C’est une femme qui a vieilli tout en faisant murir son art et ses oeuvres. ”

    un article émouvant, merci.

  • leroy :

    Bonjour chers fans de Patti Smith, ça va faire depuis 75, j’avais une flèche en rock à Patti dingue à 14 ans, sans d’ordinateur là. J’en fus folle trop, à en piquer les disques que j’ai encore, ms j’en sortit ailleur plutôt en un rock punk new wave en lycées, j’allais plus par le monde lesbien et j’ai eu une hémorragie cérébrale grave plus de fêtes en rock, et je dis la merde . Patti m’était quitter de souffrances . Bref, depuis 15 jours, j’ai 52 ans ça c’est horrible, je ss peintre d’art fesant un tableau pour Patti, essayant discutant la voir en film. C’est très fort de retrouver une star de rock musique, un hazare de calme par fauteuil électrique . Ouh, je m’appelles cocopirate, peintre d’art ouverte de vie, c’est tt,
    Cordialement

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