Pourquoi nous ne serons pas à Dour

J’aime l’été. Pas seulement parce qu’on peut enfin remettre des bonnets aussi fins que le tissu des jupes qui volent à la guise d’une fraîche bise. Surtout (aussi) parce que l’été, c’est la saison des festivals. Et depuis quelques années que je navigue en Europe à travers les devant de scènes gorgées de bières et des spectateurs gorgés… de musique, j’en ai fait des festivals. Des Charrues à Couleur Café, de Pukkelpop aux Nuits de Fourvières en passant par le Hellfest et Rock Am Ring. Mais il en a deux qui sortent du lot, auxquels j’aime me rendre, parce que la programmation y est à la hauteur de l’accueil, lui même concurrencé par le cadre. Il s’agit de l’excellent suisse et familial Paléo de Nyon et du très roots Dour Festival qui s’enchainent tous les gens dans l’ordre inverse de ma phrase.

Fuck Up au Dour Festival '10

Fuck Up au Dour Festival '10

Faute de temps je m’étais résigné cette année à ne faire qu’un seul de mes deux festivals favoris. Pour sa programmation, ses frites et son équipe plutôt agréable, j’avais donc choisi Dour. Jusqu’à recevoir un e-mail me demandant de céder des images gracieusement.

L’an dernier Benjamin a été accrédité pour le Festival de Dour et en échange il devait nous retourner une dizaine de photos que nous n’avons finalement pas eues.
Donc nous sommes un peu frileux pour accréditer Le Transistor cette année. Que peux-tu nous proposer pour que cela ne se passe pas comme l’année dernière ?
Bien à toi

Loin de moi l’idée de refuser systématiquement tout arrangement et de brûler tous les contrevenants en place publique. Je comprends qu’on puisse demander et négocier. Reste que le festival de Dour a à sa disposition plusieurs photographes, rémunérés je n’en sais rien, mais au moins défrayés, qui s’occupent de faire des images avant, pendant et après, avec des photos du public, des concerts, du camping, des partenaires etc. Pour un résultat plutôt bon qui plus est. Dès lors, on est en droit de se poser la question de l’intérêt de cette requête -et donc d’en attendre une réponse.

Par ailleurs, lors des mes venues précédentes à Dour, outre le fait que j’ai publié ici même -et sur Soul Kitchen- avant les photos et des articles en temps réel puis la totalité dans les jours qui ont suivi, j’ai également vendu nombre d’images dans la presse française et étrangère (une douzaine au total dont la moitié avec le nom du festival mentionné) ainsi qu’une exposition dans une galerie importante uniquement dédiée à Dour ’09. Comme tout attaché de presse le sait, ces retombées, aisément calculables, ont une valeur (l’équivalent de leur surface en espace publicitaire).

Refusant donc de tomber dans la négociation facile, dans le rabais, et surtout ne voulant pas expliquer à d’autres clients pourquoi Dour aurait le droit à 10 images gratuitement alors que dans le même temps temps eux devait les payer, j’ai refusé le deal et ai renoncé à me rendre à Dour. Pour ma plus grande peine. Pas de Pulp, pas de Jupiler, pas d’espace presse avec des casiers, pas de frites. Dommage. Reste que tous les plaisirs de cinq jours ne valent pas l’acceptation de la putification d’un métier qui survit de plus en plus mal.

Parce que derrière cet exemple se cache une réalité (encore plus) cruelle. Pendant qu’on se masturbe en haut lieu sur la labellisation hadopesque de Fotolia, la presse se meurt et avec elle ses services photos qui se servent sur des sites gratuits comme FlickR ou dans les portfolios de photographes à la recherche de la gloire promise par la Star Academy. L’industrie du disque et du spectacle, non moins sinistrée, lui emboite donc logiquement le pas et se mord la queue en esclavageant (puisque c’est effectivement un travail non déclaré ET gratuit) des photographes qui préfèrent la gloire de quinze minutes devant une foule de 5.000 personnes à deux mètres de leur star préférée.
Le métier en est là. On doit doit le subir et travailler avec, mais on n’est pas obligé de l’accepter et encore moins de l’encourager.




Catégorie : Editoriaux
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3 réactions »

  • Pourquoi nous n’irons pas à Dour ou les services photos se meurent…. | Don't believe the Hype :

    […] Lemaire, co-fondateur du Transistor, photographe, videaste et réalisateur a publié cet édito sur son site il y a quelques jours. En prenant pour exemple ses échanges avec Dour, il revient sur la mort […]

  • Steflevrailuniq :

    Moi j’achèterai bien tes photos si seulement tu créditais correctement les noms des groupes dessus…….

  • Fabien Pondard :

    Nous avons eu la même mésaventure cette année. En ce qui me concerne, c’est la première fois que je vois ça. Je ne vois pas l’intérêt si ce n’est pour faire du tri et décourager les plus petits médias…

Et toi t'en penses quoi ?