Virginie Despentes et Zëro au Printemps de Bourges

En attendant la sortie du troisième volet de Vernon Subutex, Virginie Despentes était invitée au Printemps de Bourges pour une lecture musicale, avec les Lyonnais post-punk Zëro. A cette occasion, l’écrivaine rock a choisi les écrits taillés à la serpe de Louis Calaferte. La prose de son premier roman, Requiem des Innocents est toujours d’actualité. Mais avec ce concept de musique et lecture, le texte claque, rugit, secoue.

Lecture musicale au vitriol

La cuvée 2017 du Printemps de Bourges inaugurait une nouvelle expression : « la lecture musicale ». Plusieurs spectacles du genre étaient programmés, celui de Virginie Despentes accompagnée du groupe Zëro, pour la lecture d’extrait du Requiem des innocents, premier livre de Louis Calaferte, nous a scotchés. Pour comprendre la puissance du texte, il est nécessaire de resituer l’auteur, dont les écrits furent taxés aussi bien de brillant que de subversifs ou de pornographiques, d’ailleurs son ouvrage Septentrion défraya la chronique et fut interdit durant 20 ans.

Ce premier livre de Louis Calaferte est un brûlot sur son enfance qui se déroule dans un ghetto lyonnais, dans les années 35. Pour faire vivre cette autobiographie, bestiale, noire, mais aussi poétique par sa brutalité, Virginie Despentes était le vecteur idoine. Elle partage le même gène, celui d’une écriture acerbe, virulente, crue. Comme lui, elle s’est attiré les foudres, de la bourgeoisie bien-pensante avec son premier roman Baise-moi. Les deux écrivains puisent leurs racines dans la réalité abrupte du quotidien des marginaux, des exclus, avec l’authenticité du vécu. Ils collent leurs tripes dans leurs écrits.

Nous avons compris, Virginie Despentes est parfaite dans le rôle. Pour souligner cette lecture, le groupe Zëro, anciennement Bästard, post punk, post garage, mais toujours aussi novateur dans le sombre, le psychédélique, se révèle esthétiquement ad hoc. Pour saisir l’ambiance, petit extrait de ce texte décrivant un ghetto comme tant d’autres où croissent la révolte, le sexe, la misère et l’injustice :

Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Tu es peut-être morte sous le couteau de Ben Rhamed, le bicot des barrières dont les extravagances sexuelles t’affolaient. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir et m’enfanta par erreur. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverais un jour et tu paieras cher, ma mère.

Pour ce spectacle brut de décoffrage, les organisateurs du Printemps de Bourges ont choisi l’un des salons du Palais Jacques Cœur, bourgeois si riche qu’il fût le banquier du roi. Imaginez, un décor du XVe siècle, une semi-pénombre éclairant les volutes d’une immense cheminée sculptée en pierre de taille, la voix sèche, grave de Virginie, soulignée par la tension musicale de Zëro. Louis Calaferte aurait jubilé de plaisir devant ce cadre incongru, grandiose et parfaitement sublime pour mettre en scène les turpitudes de l’âme de ses innocents.

Réclame

Le dernier volet de la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes est paru aux Editions Grasset




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