Entretien avec 3someSisters

A la base, 3someSisters c’était un groupe de reprises de tubes dance des années 90. A force de s’amuser à défaire les mélodies pour les recoudre en polyphonie, le quatuor a eu envie de taquiner les compositions. Puis, après une belle tournée avec Yael Naim et David Donatien sur l’album Older, les 3somesisters se sont investis à fond dans leur projet et livrent deux EP, Cross suivi de Rope. Le Transistor a rencontré les finalistes du Prix Adami Deezer de Talents dans les studios de Findpsire.

3someSisters

L’interview commence en libre association d’idées. Bastien propose de jouer à Pyramides.
Sophie : Etrusque !
Florent : Eunuque, j’ai fait à la consonance
Bastien : Molière, c’était une diva !
Sophie : En mourant sur scène, il a réalisé le rêve de Dalida !
Florent : Dalida, c’est la Madonna française! » (rires)

Car moquer les divas, c’est un peu le jeu de 3someSisters sur scène.
Florent : Quelque part, on remet au goût du jour quelque chose de désuet. Déjà avec les polyphonies, qui sont des fois reléguées aux musiques traditionnelles : souvent on imagine que c’est réservé aux Corses ou à l’église… Et au point de vue scénique, on recherche quelque chose qui s’est un peu perdu : le côté très glam, très spectacle. On est un peu des enfants des années 80, ce qui fait qu’on a un peu cette nostalgie. Ca nous amuse.
Bastien : C’est un hommage aussi.
Florent : Il y a quelque chose de fascinant. Je me suis tapé plein de vidéos d’interviews des bitch-moments de Madonna, et le décalage est hyper drôle. Car ça a beau être une star, c’est encore un être humain… mais plus tout à fait !
Bastien : Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, chacun a la possibilité d’avoir son quart d’heure de gloire, donc c’est un peu ça aussi qu’on singe doucement : cette envie d’être absolument une célébrité.
Sophie : C’est de la fascination pour le contexte actuel. Il y quelque chose de particulièrement étonnant dans l’envie d’être sa propre icône, c’est pour ça qu’on porte nos propres insignes.
Bastien : Il y a une espèce de mise en scène de sa propre vie, d’over-narcissisme, avec tout le côté selfie. Avant, l’iconocratie était réservé à la musique ou la religion, et maintenant ça se propage.
Florent : Sauf que si tout le monde y accède, le sceptre n’appartient plus à personne. »

Pour jouer les divas, leurs tenues de scène ont été conçues par Lia Seval, graphiste pour JC de Castelbajac.
Florent : Au début on faisait nos tenues nous-mêmes. On s’est bien marrés, mais au bout d’un moment on s’est dit que ce serait sympa d’avoir l’aide de quelqu’un dont c’est le métier.
Sophie : On s’est toujours arrangés pour avoir un mélange de matières sur nous sur scène, pour représenter le mélange de textures sonores de notre musique. C’est constamment réfléchi en résonance avec ce qu’on fait musicalement.
Florent : On a donné des mots-clés à notre styliste, des éléments qui se retrouvent dans notre musique, donc des emprunts aux musiques religieuses, avec un côté aussi plus urbain, qu’on retrouve sur notre nouvel EP, Rope.
Bastien : L’idée c’était de traduire esthétiquement notre musique. Le côté bling bling c’est par rapport au street wear, mais c’est aussi ecclésiastique. On s’est rendu compte qu’il y avait énormément de points communs entre les deux : les superpositions de couches et les bijoux. »
Pour compléter la panoplie, 3somesisters apportent un soin à leur maquillage.
Sophie : Souvent dans les rituels on retrouve de la musique, des chants, et parfois des polyphonies. Toutes ces influences mélangées nous ont fait aboutir au maquillage Kabuki. C’est parti au départ du travestissement sur scène, puis on a voyagé pour arriver au kabuki, qui va bientôt encore évoluer.
Florent : Avant, on avait des perruques, les glitters, les faux cils, la totale. Et puis est venue cette idée d’affiner le trait sur ce qu’on dégage. Sur des formes comme le street wear, le genre n’existe plus. Ca correspond moins à des repères drag, mais quelque part, il n’y a que quand on est nus qu’on est pas en drag.
Bastien : On est tous en représentation, même quand on sort avec notre attaché case.
Florent : Donc on est toujours dans cette idée, mais dans des codes un peu moins référencés.
Bastien : plus subtil.
Florent : enfin qui nous parait plus subtil.
Sophie : oui, moins cliché quoi. »

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Le genre n’est pas malmené qu’au niveau des costumes, mais en registre vocal aussi.
Florent : J’ai fait du lyrique et du chant falsetto, Bastien aussi est dans des registres dits plus féminins, et Sophie on la fait bien descendre dans les graves des fois. Parce que c’est une question de couleur à la base, c’est toujours pareil : la musique avant tout.
Sophie : Ca donne une autre teinte.
Florent : On essaie d’explorer toutes les possibilités avec nos trois voix.
Bastien : Selon la personne qui chante, le même accord va sonner différemment. On a cette palette, avec nos trois voix, et on essaie plusieurs combinaisons. On va orienter, inverser les voix, parfois au sein d’un même morceau, on va naviguer et se croiser. C’est hyper vaste en fait la voix, on travaille avec ce dont on est capable et on joue avec toutes ces couleurs. »

Quelque part, à se jouer des genres, on se demande si les 3somesisters auraient une revendication…
Bastien : On revendique la liberté de faire ce qui nous plaît.
Florent : Si on veut que ce soit un sujet politique, ça peut l’être mais c’est pas un étendard, on est pas dans la réappropriation, qui me dérange un peu.
Sophie : Je préfère qu’on nous qualifie de multi-genres, parce que souvent on dit de nous qu’on est transgenre, alors que c’est un cas bien particulier, qu’on le connaît autour de nous mais qu’on ne vit pas. Donc c’est un peu délicat.
Florent : Pour faire passer des messages, on peut employer la force, et j’y crois aussi. Il y a des gens qui arrivent très bien à obtenir des choses en gueulant. Nous on fait que de la musique, et justement l’air de rien, en rendant les choses complètement anodines… C’est-à- dire en houspillant un peu le genre, on peut faire passer – c’est une autre méthode – des choses.
Sophie : Dans ce groupe, il y a un mélange des genres très grand : des genres musicaux, et de genres sexuels s’il ont veut. Sans être un groupe de pédés transgenres, il y a des hétéros, des bis, des homosexuels, d’une manière aussi simple que ça peut se passer dans la vie. Ce qu’on présente c’est ce qu’on est.
Florent : Après, merci à ceux qui le défendent de manière plus frontale.
Sophie : Et s’il faut participer, on le fera, mais c’est quelque chose de plus personnel. »

De leur tournée avec Yael Naim, 3somesisters se souviennent d’une jolie anecdote.
Florent : Les Cats On Trees nous avaient proposé de les accompagner pour une reprise, donc une heure avant de monter sur scène, on bosse ‘Mad World’. Et on remonte sur scène 3 heures après notre set avec Yael Naim. Ca c’était vachement rempli, il y avait 10 000 personnes, qui d’un coup se sont mises à hurler… On s’était dit qu’on allait vaguement passer incognito, mais on avait pas pensé qu’ils pouvaient nous reconnaître, donc ça nous a fait un petit frisson bien sympa.
Bastien : Une espèce de vague qui nous submerge…
Florent : En plus, sur scène, on a un peu des attitudes un peu fermées, collet monté, puisqu’on joue les divas, mais là on a tous les trois été saisis d’un sourire…
Bastien : puis les zygomatiques qui pètent !
Florent : Jouer la connasse c’est pas si évident, en fait !

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Pour finir, un mot leur deuxième EP, Rope, vient de sortir.
Florent : Notre premier EP Cross c’était la croisée des chemins et Rope c’est le lien qui nous unit… Maintenant on est en pèlerinage vers Compostelle (rires). Et puis la corde c’est le symbole de l’ascension en franc-maçonnerie,et dans la religion en Egypte.
Sophie : Rope c’est l’avancée après la rencontre
Florent : Cross, Rope et après…
Sophie : God
Bastien : Michet ! » (rires)

Réclame

3someSisters sont finalistes du Prix Adami Deezer de Talents, votez pour eux
3someSisters seront en concert au festival Chorus des Hauts-de-Seine le 7 avril


Remerciements : Patricia et Julie [Aoura]

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