Le Succès de Rock en Seine

Pour sa première édition en 2003, Rock en Seine comptait seulement dix groupes et 22 000 festivaliers. Six ans plus tard, avec près de 100 000 festivaliers, il était devenu le théâtre d’un évènement du rock international rassemblant des groupes cultes tels que Madness ou Faith No More, la tendance indie avec par Vampire Weekend ou MGMT et les espoirs de demain comme Gush ou Lilly Wood & the Prick.

Rock en Seine par Cougarmicrobes

Rock en Seine - © Cougarmicrobes/FlickR

Derrière chaque festival se cache une histoire : Main Square a explosé grâce au géant américain Live Nation, écrasant toute la concurrence à coup de cachets imbattables ; des festivals plus modestes reposent leur réputation sur un cadre spécial comme La Route du Rock ou le Festival de Nîmes, ou une ambiance digne de ce nom pour les Vieilles Charrues. Qu’en est-il de Rock en Seine ?

Tout d’abord, sur un plan totalement pragmatique, il est évident que sa localisation au cœur de l’Ile de France permet à tous les Parisiens d’y accéder sans pour autant devoir se lancer dans l’organisation d’un voyage dispendieux. Sa judicieuse programmation à la fin de l’été présente aussi un avantage : les aoûtiens reviennent à peine de vacances, les juillettistes s’offrent une parenthèse avant la rentrée, et les septemberistes ne sont pas encore partis. Loin de le mettre en concurrence avec le Reading & Leeds, le plus grand festival rock au monde qui a lieu le même weekend en Angleterre, certains groupes en profitent pour faire un saut à Paris pour l’occasion.

A l’origine de cet évènement, il y a François Missonnier, ancien organisateur de concerts au Parc des Princes, qui cherchait par tous les moyens à monter un festival parisien. En 1997, il se lance dans Rock à Paris avec les tourneurs Radical et Salomon (maintenant Nous Productions), mais ce festival restera une expérience isolée. En 2001, François Missonnier se relance dans la bataille et obtient le vote du conseil régional pour un festival au parc de Saint Cloud. Le projet aboutira en 2003 sous le nom de Rock en Seine. François Missonnier n’a malheureusement pas donné suite aux demandes d’interview.

Comme tous les festivals, Rock en Seine mise sur ses têtes d’affiches. Le succès réside dans la célébrité, l’exclusivité et la créativité de la line-up. Aussi en 2010, l’annonce du programme de Rock en Scène a surfé sur le leaking de l’album de LCD Soundsystem et les uniques dates en France pour Cypress Hill, The Kooks, Black Rebel Motorcycle Club, Underworld, Kele de Bloc Party, Queens of the Stone Age, Paolo Nutini, Arcade Fire, Roxy Music et Fat Freddy’s Drop. La concurrence étant plus dure sur Paris, avec une moyenne de 15.000 concerts par an, il s’agit de trouver des artistes qui ne vont pas se retrouver à l’affiche la même année. Mais derrière une affiche alléchante et des valeurs sûres on repère des redits par rapport aux éditions précédentes comme les Queens of the Stone Age ou les Arcade Fire. Cela dit, leur actualité ne justifie pas une tête d’affiche de festival, ces deux groupes n’ayant pas sorti d’album depuis 2007.

En ce qui concerne la créativité, il est encore trop tôt pour se prononcer, la line-up n’étant pas encore complète, et des groupes comme Underworld – le come back d’outre-tombe, se rajoutent en cours de route. Mais on remarque déjà des répétitions par rapport aux autres festivals, comme Massive Attack, qui ne va pas se gêner pour la course aux cachets de l’été, joignant l’utile à l’agréable en promouvant par ce biais leur nouvel opus Heligoland. De plus, les agents des artistes négocient des cachets à prix d’or, allant jusqu’à six ou huit fois le tarif habituel : la concurrence a du bon.

D’ailleurs, en matière de concurrence, Rock en Seine n’est pas le festival moins cher de ces attractions musicales estivales : si le pass 3 jours est passé à 135€ pour Main Square, Rock en Seine affiche 99€ contre 89€ pour La Route du Rock, 85€ pour les Eurockéennes, 84€ pour les Vieilles Charrues, et seulement 49€ pour les Solidays. Et c’est sans compter les festivals européens où les sponsors d’alcool et de cigarettes ont un impact soit dans la baisse des prix des billets soit dans l’addition de superstars aux programmes déjà bien appétissants. Comment rester concurrentiel dans ces conditions de compétition ?
L’an dernier, Rock en Seine annonçait un budget de 4,5 millions d’euros. Dans ce budget, il faut compter l’aménagement du Parc de Saint Cloud et bien entendu les cachets qui pèsent 40% dans le décompte. Mais d’où provient ce budget ? Les subventions territoriales sont intéressantes avec 600.000€ de la région Ile-de-France et 300.000€ du département des Hauts-de-Seine, mais également le soutien de sponsors – notamment SFR. A cela s’ajoute le merchandising et les buvettes. Au passage, n’oublions pas les bénévoles, au nombre de 200, qui se chargent du sale boulot : comme les stagiaires, ça mange pas de pain et c’est motivé comme personne. Pour Solidays, la démarche est comprehensive, il s’agit d’une bonne cause – la lutte contre le SIDA, mais ici, ils seraient présents pour garantir « l’esprit du festival » !

Oui, car Rock en Seine se targue de privilégier l’atmosphère. Est-ce une méthode de communication pour éviter de parler du douloureux sujet des cachets ou pour masquer le manque de créativité d’une line-up ? En tous cas, Rock en Seine met le paquet pour pallier au dépaysement qu’apporterait un Festival de Nîmes ou des Nuits de Fourvière. Les opérations culturelles allient la musique avec la photographie avec Rockfolio et l’illustration avec Rock’Art. L’atelier poésie Rock en Strophes animé précédemment par Mathias Malzieu n’est malheureusement plus d’actualité. Enfin, pour garder une mentalité pro-famille, le conseil général des Hauts de Seine a pensé le festival Rock des enfants qui se propose d’initier gratuitement les 6-10 ans au Rock pendant que vous vous en mettez plein les oreilles.

Oasis annule sa performance Rock en Seine 2009 à la dernière minute

Oasis annule sa performance Rock en Seine 2009 à la dernière minute

Tout ça ne nous dit pas d’où vient cet engouement pour ce festival. On observe une tendance de communication basée sur le scandale. Comme partout, on joue sur les rumeurs qui enflent rapidement dans ce monde musical qui raffole des ragots – si l’on en croit le succès de Peter Doherty. Bien sûr, ça aide d’héberger la reformation d’un groupe comme Blink 182, de ressusciter des artistes comme Robert Plant (en 2005) – toujours à terre mais jamais mort, ou encore d’abriter les premiers pas de carrières solo qui bénéficient de la popularité de leur groupe comme Jonsi de Sigur Ros ou Kele de Bloc Party. Ces opérations permettent la vente de billets.
Maintenant si l’on voit les choses en grand : le suspense a plané l’an dernier autour de ce fameux groupe mystère, Les Petits Pois, qui n’étaient autre que le nom de code de Them Crooked Vultures, le super-groupe comptant Josh Homme (Queen of the Stone Age), Dave Grohl (ex-Nirvana, Foo Fighters) et John Paul Jones (Led Zeppelin). Ce genre d’opération permet d’asseoir une réputation.
Enfin, le must du must pour attirer l’attention c’est quand même le scandale de base ! On commence par Amy Winehouse qui annule au dernier moment son apparition (2007)… Qu’à cela ne tienne, on la réinvite l’année suivante (2008) ! Et rebelote, elle annule en dernière minute parce qu’elle ne tient pas debout – pas vraiment étonnant avec tout ce qu’elle ingurgite. Comme on va pas nous faire le coup trois fois, il faut trouver une parade l’année suivante. Rock en Seine a trouvé le filon : les frères Gallagher s’engueulent depuis presque 30 ans au sein du groupe Oasis, mais c’est deux minutes avant de monter sur la scène du festival francilien qu’ils décident de spliter le groupe. Quelle chance ! Lançons les paris, quel groupe s’y colle pour l’édition 2010 ?

Je vous aide, je vous donne le programme
Vendredi 27 août : Cypress Hill, Blink-182, The Kooks, Foals, Black Rebel Motorcycle Club, Kele, Underworld, Skunk Anansie, Band of Horses, Beast…
Samedi 28 août : Massive Attack, Queens Of The Stone Age, LCD Soundsystem, Paolo Nutini, Two Door Cinema Club, 2 Many Dj’s, Chew Lips, Jónsi…
Dimanche 29 août : Arcade Fire, Beirut, Wave Machines, Fat Freddy’s Drop, Rox, Eels, Roxy Music, Crystal Castles, Wallis Bird…
Rumeurs : Pavement, The XX, Florence and The Machine, La Roux, Tom McRae, Bloody Beetroots, V.V. Brown, The Cribs

Sur BuzzEnSeine, les votes donnent Blink 182 gagnants ! Affaire à suivre


Remerciements : Lara Orsal pour son aide

Catégorie : A la une, Dossiers
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8 réactions »

  • Rod :

    euh LOL un peu cet article … ca fait un peu article de “j’ai pas de pass photo alors j’incendie”. J’ose imaginer que non, on est des pros chez le transistor, right ?

    sauf qu’ayant vecu le festival de l’intérieur – photographe officiel 2009 – tout ce que tu dis est plus ou moins erronné.

    D’autant plus que 2009 a ete la premiere année ou le festival est enfin devenu un festival, grace à l’ouverture du camping, et donc l’arrivée massive de “non parisiens”. D’ou le changement radical niveau ambiance (le coté 100% slim petasse / minet a ete gommé pour des “plus festifs” notamment les Anglais venus en masse, il est vrai, pour Oasis).

    Pour Oasis, j’ai vecu le “drame” de l’intérieur, crois moi, personne n’etait content du scandale qu’il allait provoquer … mais bon.

    ton article aurait donc ete et d’actualité et pertinent en 2008. La ca fait juste brulot réchauffé.

  • Benjamin :

    Bah déjà tu sais que pour ma part je n’y serai pas, donc le problème ne se pose pas. Et puis l’inverse -de ne rien dire parcequ’on a un pass photo- me semble aussi non pro, voire pire. Non, pire.

  • catnatt/belam :

    ha chouette, un petit fight…

    (repart en ricanant bêtement/ âge mental… 5 ans et demi)

  • Ced' :

    sinon juste pour dire que “Florence and the machine” ne sera pas à Rock en Seine, comme tu le dis, ce festival demande l’exclusivité sur Paris dans les mois précédents ou suivant RES, or ils sont à Solidays, donc ils ne seront pas à RES 😉

  • agnès (author) :

    Ah mais je n’ai jamais dit que Florence & the Machine seraient à Rock en Seine, j’ai dit que c’était des rumeurs, et justement les rumeurs font tout!
    Maintenant, en ce qui concerne les news, ils ont rajouté les Stereophonics à la line-up.

  • Clara :

    Je ne sais pas si j’ai mal compris la phrase ou non, mais Black Rebel sera en concert le 12 mai au Bataclan…

  • Agnes (author) :

    Effectivement, excusez cet erreur!

  • Tweets that mention Le Transistor » A la une » Le Succès de Rock en Seine -- Topsy.com :

    […] This post was mentioned on Twitter by Agnès Bayou. Agnès Bayou said: Stereophonics rajoutés à la line-up http://www.letransistor.com/136-dossiers-le-succes-de-rock-en-seine-01-05-2010 […]

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