Entretien avec GiedRé

Au Transistor, on aime bien les nanas qui en ont dans le pantalon (on a encore le droit de dire ça avec la gender theory ?). Certains l’auront croisée aux Francofolies ou au Printemps de Bourges, d’autres auront pu la découvrir grâce au FAIR. En autoproduction totale, GiedRé en est déjà à son quatrième album avec MoN PReMieR aLbUM avec d’autRes iNSTRuMeNTs qUe JuSTe La GuiTaRe. Ce qui nous plaît chez elle c’est que sous ses airs de jolie naïve, ses chansons, qu’elles parlent de fistinière ou de nécrophagie, ont un réel propos mais enrobées de beaucoup d’humour. GiedRé est une artiste engagée qui n’en a pas l’air en quelque sorte.

GiedRé

Nous sommes installées dans le sous-sol de la Prune Folle, dans le 11e, à côté des toilettes, avec la chasse d’eau qui rythme la conversation. GiedRé porte des boucles d’oreille en forme de chou-fleur. « Oui, il y a un bébé dans l’un et pas dans l’autre… Enfin pas encore. On sait pas si la petite graine elle est plantée ou pas ! »

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Depuis trois ans, GiedRé n’arrête pas de tourner, et s’apprête à sortir son quatrième album. « C’est un peu le never ending tour. Mais comme j’écris un peu en continu, j’avais des chansons donc j’ai fait MoN PReMieR aLbUM avec d’autRes iNSTRuMeNTs qUe JuSTe La GuiTaRe – oui, c’est un peu long comme titre. Mais c’est que j’avais un peu envie de changer, d’arranger un peu mes morceaux, pas d’avoir seulement guitare-voix… » Malgré son choix d’autoproduction, elle arrive à remplir un Olympia. « Je me suis dit que ce serait cool d’avoir un nouveau spectacle pour l’occasion. J’aime bien quand les gens découvrent en live, mais en même temps j’aime aussi quand ils chantent, comme dans les concerts de Patrick Bruel. Les gens sont gentils, parfois ils crient Patriiiiick quand je leur demande. »

Sur ce nouvel album figurera son prochain single ‘Toutes des Putes’. « Quoi que tu fasses, de toute façon t’es trop une pute. Même quand t’es en jogging, t’es quand même toute nue en dessous donc c’est un peu la honte. C’est pas décent. Moi je trouve c’est abusé ce manque de pudeur, et qu’au bout d’un moment il faut le dire que ça se fait pas ! Il faut dénoncer des choses, comme Cali. » Parce que dans un idéal, GiedRé aimerait bien faire un duo avec Cali… ou pas ? « Je suis pas aussi engagée que Cali ou Raphaël… Ils ont trop la rage dans la plume ! C’est violent leur démarche, vraiment ils ont pas peur. J’ai l’impression qu’ils tirent vraiment à bout portant sur les convenances. Et on peut que saluer leur engagement, mais moi j’y suis pas encore. J’ai pas marché dans le désert encore pour faire le point sur le sens de la vie, comme eux. Peut-être quand je serai grande. »

Malgré ce discours, GiedRé ne se voit pas comme une féministe. « Ca me dérangerait de me présenter comme telle. Je vais employer des grands mots un peu à la Cali, mais je me dis s’il fallait être un truc en -iste, ce serait humaniste. Avant de lutter pour que les femmes soient l’égal des hommes, il faudrait déjà que les hommes soient les égaux des autres hommes. C’est sûr qu’on peut pas être de tous les combats, mais être que d’un seul combat, certes il faut bien commencer quelque part… mais ça ne me convient pas. » En humaniste, GiedRé a pourtant choisi de ne rien faire sur le mariage pour tous. « Il n’y a rien à dire sur le sujet, l’idée c’est de juste laisser les gens faire ce qu’ils veulent. Mais ça a pris une telle ampleur que j’ai eu envie de faire un petit clin d’œil. Finalement j’ai fait juste une reprise de Font et ValSoyez Pédés’. C’est ma manière un peu pudique de participer, je me positionne mais… je suis pas plus légitime que quelqu’un d’autre pour en parler. Parce que certes je suis très politisée dans ma vie, mais j’ai pas du tout envie de faire quelque chose de politique. »

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GiedRé ne veut en aucun cas finir au Caveau de la République comme les chansonniers. « J’ai jamais fait de chanson d’actualité et je veux pas en faire. Les Roms ou autres, c’est des sujets tellement importants que ça peut pas se résumer à une chanson. Ce serait pour moi un peu anecdotique, que de faire une chanson de 3min20 en trois couplets et deux refrains sur Leonarda. J’ai jamais voulu faire des chansons sur l’actualité ou sur la politique parce que franchement, les chansons sur les talonnettes de Sarkozy, je trouve ça ridicule ! » Pourtant, elle se fait attaquer pour ses paroles qui dérangent. « Il y a plein de gens qui détestent ‘Toutes des Putes’ : ils disent que c’est de la merde… Il y a eu un grand élan de haine, alors j’ai créé une page Facebook pour ceux qui aiment pas. Mais je comprends pas : c’est pas de la science-fiction, c’est de la réalité, du quotidien, tout le monde les voit autant que moi. Si les gens qui sont choqués par mes chansons, j’aimerais tellement pas être à leur place : qu’est-ce que ça doit être dans leur vie de tous les jours ? Parce que la vraie vie elle est tellement pire que mes chansons ! »

A choisir de voir le SDF plutôt que le bourgeon sur le point de fleurir, GiedRé peut paraître pessimiste. « C’est une chose d’être pessimiste et c’est autre chose que d’être réaliste. Et j’ai l’impression que pour pouvoir vivre, il faut essayer de voir les choses telles qu’elles sont. C’est pas pessimiste que de se dire ‘oh regarde les gens qui sont dans la rue, ils mangent des rats parce qu’ils ont rien d’autre’ c’est juste la vérité, c’est pas du pathos. Tout ce qui est triste est pas forcément grave, c’est juste la vie. Et tout ce qui est grave est pas forcément triste non plus. Sinon on va tous ensemble en se donnant la main au bord d’une falaise ! » Elle dérange parce qu’elle choisit de pointer du doigt la réalité. « J’ai l’impression que les autres choisissent de pas le voir. Or ce qui est normal c’est de voir ce qui se passe autour. Après, ces gens peuvent aussi ne pas écouter mes chansons. Surtout que je passe pas à la radio, et je fais aucune démarche pour passer à la radio non plus. Pour moi, c’est hyper important d’être un choix pour les gens. »

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Parce que depuis son premier disque en 2011 – intitulé MoN pReMieR diSQue –, GiedRé a toujours fait le choix de l’autoproduction. « Quand t’es en autoproduction et autodistribution, ta démarche n’a d’intérêt que si tu fais la première partie de Chimène Badi, quelque part. Si tu joues uniquement dans des festivals associatifs, au milieu de la creuse devant un public de punk à chiens qui sont de toute façon alternos, ça marche pas, parce que c’est encore un cloisonnement. Il n’y a qu’en étant programmé à Taratata avec Brigitte que tu peux prouver qu’en fait y a mille manières de produire ta musique, que tout peut se mélanger. Que c’est juste une manière différente de présenter les choses. »

Réclame

GiedRé sera en concert le 6 mars à l’Olympia
Voir la session de GiedRé sur ‘Pisser Debout
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Remerciements : Nicolas Le rat des villes

Catégorie : A la une, Entretiens
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