Entretien avec Great Mountain Fire

Lors du MaMA festival, la Belgique était représentée en force avec Absynthe Minded, BRNS, Françoiz Breut, Trixie Whitley et Great Mountain Fire. Le Transistor, appâté par les effluves d’électro-pop accrocheuses, s’est posé avec les Bruxellois de Great Mountain Fire au Divan du Monde pour discuter de Canopy, leur premier album acclamé chez eux depuis deux ans mais qui vient de sortir en France.

Great Mountain Fire

Comme leur bureau export avait pour l’occasion frappé de belles bières belges à leur nom, on a lampé des blondes et des ambrées pendant que Tommy s’amusait à illustrer chaque réponse d’un son sur un synthé. Au final, ils ont livré leur secret : c’est de rester libres !

Great Mountain Fire

Libres en images

La première chose qui frappe, c’est ce tigre du Laos prêt à bondir de leur pochette. « C’était pas une décision de mettre un animal précis. On est tombés sur cette photo vraiment par hasard, et on a accroché. En faisant des recherches, on a trouvé un site qui faisait des portraits d’animaux avec des appareils photo automatiques placés dans la forêt : quand un animal passe devant, l’animal est capté par surprise, sans photographe. » C’est ce qu’on appelle du camera trapping. « On a aimé le concept très instantané et scientifique du truc… Et l’adrénaline que ça peut procurer quand on voit l’image : c’est cette sensation qu’on a eu envie de faire passer. »

Cette photo renforce le thème de leur album Canopy. « On a utilisé le champ lexical de la forêt tropicale parce qu’on a retrouvé pas mal d’adjectifs qui correspondaient à notre musique : c’est quelque chose de très chaud et d’humide. La canopée c’est tout ce monde qui se retrouve entre le sol et la cime des arbres, cette espèce de milieu organique, et c’est un peu comme ça qu’on ressent notre musique : comme un être vivant. » Et au milieu de cette jungle, ‘Canopy’, le morceau instrumental éponyme, donne l’impression d’une respiration. « Quand on a établi l’ordre de l’album, on s’est rendu compte qu’on avait vraiment envie de faire un album en deux parties. Pour qu’à un moment dans l’album, on ait le temps tout d’un coup de se perdre, pour mieux pouvoir repartir. On a eu besoin de faire cette pause. »

Libres en genres

Great Mountain Fire se voient comparés à tous les grands noms de l’electro-pop alors qu’ils clament venir du hip-hop. « Je pense qu’on est plus influencés par des états d’esprits… Mais on y réfléchit pas : quand on écrit, on se dit pas qu’on va faire un truc r’n’b ou autre. Si on part sur un son motown, la voix va partir à l’opposé… et dans l’absolu, la black music ou l’afro-beat, c’est des styles qui nous influencent mais c’est pas pour autant qu’elles vont forcément se retrouver dans notre musique. C’est juste parce qu’on écoute plein de choses, le hip-hop est là au milieu d’autres, comme la musique classique ou l’electronica. »

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Les Belges n’ont de toute manière pas l’intention de se laisser cantonner dans un style. « On a envie d’être libre, de faire ce qu’on veut. On veut pas avoir à choisir un son plus pop ou plus folk, on avance en fonction des humeurs. Même les influences, on a peur un peu. On a vu des groupes qui se sont attachés à une seule influence, ont suivi une seule direction, et ils se retrouvent à avancer dans l’ombre d’autres groupes… » C’est pourtant grâce à Ghinzu qu’ils ont réussi à se faire une place sur la scène bruxelloise. « Non, ça s’est plus fait sur le plan humain : ça veut pas dire qu’on est influencés par leur musique. A Bruxelles c’est vraiment une famille. C’est plus un phénomène d’émulation générale entre les groupes que des réseaux d’influence où on se réclame les uns des autres. Il y a un côté beaucoup plus évanescent, c’est pour ça qu’on a beaucoup de mal à parler de style. »

Libres en paroles

Great Mountain Fire aiment à rester vagues quant à leur message. « On peut être assez abstraits parfois, et ceux qui sont dans l’analyse de texte ne savent pas forcément de quoi on parle. On part plus sur des sensations, on joue avec des métaphores, on s’exprime au travers de personnages ou d’animaux. Et parfois c’est basé sur l’écriture automatique, y’a des trucs qui sortent tout seuls aussi. »

Mais ils ont tout de même fait appel à un parolier écossais Theo Clark, pour les aider. « Ca permet d’aller au fond des choses, soigner le fond sans se soucier de si les gens comprennent. Mais que chacun puisse tout de même interpréter comme il veut, comme quand on se retrouve face à un tableau abstrait… » Pour pouvoir continuer à utiliser la langue de Shakespeare. « Ecrire en français, c’est quand même un sérieux défi. Un francophone va comprendre les paroles instantanément, violemment, c’est brutal – alors qu’en anglais y’a une dose d’abstraction. L’oreille fait ce travail différemment, et c’est cet effet-là qui est intéressant, de pouvoir utiliser une langue comme un effet de guitare. »

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Leur choix linguistique relève plus de l’esthétisme que de l’ambition à l’export. « L’anglais représente un accès à une zone de liberté beaucoup plus grande. Il y a moins de toutes manières d’attaches linguistiques, moins qu’en France en tous cas. La Belgique est multilingue, il y a moins de préciosité dans l’utilisation de langue ! En France, on entend dire que c’est important de continuer à garder la force de la langue … mais ces histoires de quota c’est un peu triste. »

Réclame

Canopy, le premier album de Great Mountain Fire, est sorti chez Sober & Gentle / Pias.
Great Mountain Fire seront en concert le 22 janvier à la Maroquinerie.


Remerciements : Lara (Ivox)

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