Entretien avec Grey Reverend

Le Transistor avait la chance d’assister au concert de Grey Reverend au Café de la Danse. Subjugués par sa performance, on n’a pas pu se retenir d’aller lui demander un peu de son temps pour une interview un peu à l’arrache. L.D. Brown a gentiment accepté, il nous a parlé sincérité, Elliott Smith et Lana Del Rey. C’est troublant.

Grey Reverend

Certains connaissent L.D. Brown au sein du Cinematic Orchestra. « J’ai rencontré Jason Swinscoe dans un café à Brooklin, qui est tenu par ma sœur. Il venait de temps en temps avec sa femme, et c’est là qu’il m’a vu jouer. Je savais pas qui il était, j’avais jamais entendu parler du Cinematic Orchestra. On est devenu amis et de fil en aiguille j’ai commencé à travailler avec le groupe. »

Entretien avec Grey Reverend

Entretien avec Grey Reverend

C’est comme ça que Grey Reverend se retrouve contre toute attente signé chez Ninja Tunes. « Quand je me suis lancé en solo, ils m’ont fait la proposition la plus intéressante, parce qu’ils me connaissaient moi et mon travail. Techniquement, je suis chez Motion Audio, un label qui appartient au Cinematic Orchestra, mais ça fait partie de Ninja Tunes. Ca explique le fait que ce que je détonne un peu au sein du fameux label. »

Depuis plusieurs années maintenant, L.D. Brown joue sous le nom de Grey Reverend. « Mon nom complet c’est Larry Brown, c’est très commun : à chaque fois que je déménage, y’a environ 50 Larry Brown dans le quartier. Et en plus, je voulais pas utiliser mon nom : certains aiment pas entendre leur voix, moi j’ai pas entendre mon nom. » Mais son nom de scène qui n’a rien à voir avec le clergé. « C’est la définition littérale de ces deux mondes. Gris dans le sens ni l’un ni l’autre, ni noir ni blanc, ni chaud ni froid. Et révérend, dans le sens révérer, traiter avec révérence, avec appréciation, ce vers quoi on tend, là où que je cherche l’inspiration. Pas dans une chose ou une autre, mais dans tout ce qui m’entoure. J’essaie d’absorber les fondamentaux et les déceptions du musicien, de m’impliquer le plus possible, je veux vivre la musique au maximum. »

Sa formule est simple, proche du blues dans la forme et la sincérité. « Avec de nouveaux arrangements, de nouveaux instruments, y’a des millions de possibilités sur une seule chanson. Et l’industrie de la musique présente à chaque fois les nouvelles musiques comme quelque chose de frais, alors que non, pas du tout, c’est rétroactif en fait. Y’a rien de nouveau à jouer de la guitare, mais mon idée est d’avoir une perspective moderne sur une formule qui remonte à la nuit des temps. » Grey Reverend essaie en jouant de livrer autant que possible une expérience réelle de la musique. « J’utilise la rhétorique et l’expérience de mon temps pour raconter des textes introspectifs. Et au final, ça rend quelque chose de très personnel. C’est mon seul exutoire, je n’écris pas mes mémoires, c’est ce que je fais pour projeter un peu de moi dans le monde. L’essentiel pour moi, c’est la sincérité, je choisis de jouer sans effet. Je veux faire quelque chose sans trucages, c’est juste moi, je joue mes chansons le plus simplement du monde, avec un seul instrument, c’est mon challenge. »

C’est pour garder sa musique honnête qu’il refuse de se mêler au travail de promotion. « Je me pose pas la question, j’aime jouer, j’aime être payé pour jouer, mais c’est pas une ambition que de promouvoir mon travail. Même si j’aime l’idée que les gens écoutent mes compositions et je trouve ça fabuleux quand il l’aiment, je préfère que ce soient eux qui viennent vers moi plutôt que moi qui le propose. Je veux pas faire de pub. Toute la politique, et le côté financier me dérangent. » L.D. Brown aurait peur que ça interfère avec son travail de composition. « Je sais pas si je serai capable de garder un équilibre entre ma vie et l’industrie de la musique. C’est pour ça que c’est des personnes en qui j’ai confiance qui m’aident à faire ce que je fais, avec mon intérêt en priorité. Ils m’aident à me faire connaître, donc ça permet de rester en adéquation avec moi-même et à accomplir plus de choses en même temps. Je veux pas devenir comme un produit marketing.»

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La question se pose alors de sa dédicace à Lana Del Rey pendant son cours au Café de la Danse. « J’ai écrit cette chanson pour Elliott Smith à la base. Cette chanson n’est pas tant un hommage à ce songwriter incroyable, c’est plutôt moi qui suis énervé après lui. Il souffrait de dépression et aussi d’addiction à l’héroine… Mais je me dis qu’avec un peu d’aide, il aurait pu s’en sortir. Et je suis triste, parce que j’aurais aimé qu’il continue la musique, même si c’est égoïste de ma part. Je pense qu’il était en avance sur son temps, je pense qu’il était incompris, et je pense que ça l’a affecté. »

Sa dédicace à Lana Del Rey était une moquerie… « Je pense que Lana Del Rey est un design musical, elle a été conceptualisée pour faire de l’argent et pour provoquer un effet intense et viscéral. Et ça me plaît pas. J’ai écouté son album, c’est vide. C’est monté de toute pièce et je pense que la personne qui a créé ça devrait avoir honte. Pour moi, c’est tellement transparent d’opportunisme, dans la production, dans les paroles, dans ses chansons… beaucoup sont tellement prosaïques, ça ressemble beaucoup à Belinda Carlisle en plus… » Pourtant, ça n’a rien de personnel envers elle. « Elle est pas mignonne, elle est pas sexy et je ne pense pas non plus que c’est la prochaine Nancy Sinatra. Je pense pas qu’elle doit partir, je ne lui veux aucun mal, je préfèrerais la voir essayer de faire de la musique plus sincèrement, elle pourrait utiliser à bon escient les lumières qui sont braquées sur elle. Parce qu’elle a cette opportunité de toucher les gens, d’avoir une incidence sur leur vie. »

Réclame

Le premier album de Grey Reverend, Of The Days est disponible chez Motion Audio.




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  • Grey Reverend au Café de la Danse | Le Transistor :

    […] devant lui, livrant ses pensées les plus intimes. Mais le moment qui retient toute l’attention, c’est quand il s’apprête à dédicacer une chanson à Elliott Smith avant de se raviser et de c…Sous des feintes nonchalantes, L.D. Brown semble avoir des milliers de choses à dire ! Aussi, […]

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