Cours Lapin

Cours Lapin est un projet qui interpelle. D’abord par le fait que ce soit quatre compositeurs de musique de film danois qui se soient réunis autour d’un projet… en Français. L’album Un, Deux, Trois, très doux, sonne comme de jolies comptines au premier abord, puis peu à peu laisse découvrir une recherche stylistique et des thèmes plus qu’intrigants. Pour résoudre l’énigme, Le Transistor a rencontré Louise Alenius, la chanteuse, dans un café de Paris. Si tout a été préparé en Anglais, Louise mène la danse dans un Français ravissant, « c’est plus simple », nous dit-elle.

C’est étonnant que quatre compositeurs classiques se lancent dans la musique moderne ensemble. « Je fais aussi du classique, mais à la base je viens de la musique moderne, j’aime aussi mélanger les genres. C’est deux mondes mais ils se croisent  de plus en plus souvent. Peder, qui est le producteur, m’avait proposé de faire juste un morceau ensemble, puis on s’est dit que ce serait marrant de faire tout un album. Donc on a fait venir Asger Baden et Jonas Struck, avec qui Peder travaille souvent, pour qu’il y ait plus de diversité dans la musique. » Tout a commencé avec la chanson ‘Un, Deux, Trois‘ qui a donné son nom à l’album. « On l’a vraiment gardée telle quelle, on voulait garder cette vibe, pas la noyer dans la production. On aurait pu faire des choses vachement plus travaillées dans l’enregistrement, mais j’avais envie d’avoir un côté première séquence. On n’avait pas d’attente pour ce projet, personne ne nous demandait un single : on a pris ce qu’on trouvait de meilleur dans la musique pour faire cet album, ce qui nous plaisait le plus parmi tous les styles de musique.

Un, Deux, Trois par Cours Lapin

Un, Deux, Trois par Cours Lapin

Louise définit Cours Lapin comme un projet ‘de luxe’. « On s’est donné aucun délai à respecter parce qu’on était tous sur d’autres projets. C’était un projet à part, je m’y mettais quand j’avais du temps, des idées, ou tout simplement l’envie… Des fois, je sentais que ça marchait pas, donc je passais à autre chose. Je travaille souvent avec des deadlines très strictes, des projets qui dépendent de plein d’autres gens, et là c’était cool d’être libérée de ces contraintes. On n’était pas dans le même studio donc je leur envoyais les paroles et eux ils travaillaient dessus. On pouvait pas tous prendre un mois pour enregistrer, c’était pas possible avec nos emplois du temps, donc ça a bien dure un an en tout… Mais j’avais aussi envie de prendre le temps, j’ai dit non à des projets pour pouvoir mener à bien Cours Lapin. »

Louise a vécu en France, c’est ce qui l’a influencée dans son choix de la langue. « C’est hyper bizarre  parce que y’a plein de choses que j’aime pas dans la chanson française. Ca m’a pris pas mal de temps pour la comprendre aussi. J’avais des amis qui me faisaient écouter plein de chose, mais ça me touchait pas… Et quand je suis rentrée au Danemark, peut-être que ça m’a manqué…. Je me suis remise à l’écouter mais cette fois-ci, c’était par choix, personne ne me forçait. »
Cela dit, Louise a une approche de la langue bien à elle. « Sur les huit ans que j’ai passés à Paris, et c’est que les quatre dernières années que j’ai parlé Français : avant ça j’en avais rien à foutre. Tout le monde le prenait comme une insulte, et plus ils me demandaient, moins j’avais envie d’apprendre. Pour moi le plus important, c’est pas la langue, c’est de communiquer de quelque manière que ce soit. J’ai commencé à parler Français à partir du moment où c’était plus facile pour communiquer avec les autres : à un moment c’était relou parce que les gens étaient trop lents en Anglais. »

Louise insiste que le Français qu’elle utilise est différent. « J’utilise uniquement les mots que je connais, donc ça raconte presque une autre histoire. Résultat ça fait un truc très direct. J’adore les choses directes, mais c’est lié à mon rapport avec la langue, c’est juste que j’ai pas beaucoup de vocabulaire. En plus, il y a beaucoup de mots qui sont hyper moches quand ils sont chantés en Français. C’est ce qui me gène souvent dans la musique française, même si y’a des choses géniales, souvent je trouve que les mots choisis n’ont pas de musicalité, ou alors je bloque sur la prononciation des mots. Quand je travaillais avec des Français en Français, ils voulaient que je prononçais plus les ’R’ mais pour moi c’était sur-joué, comme dans les pièces de théâtre. Donc sur ce projet, j’ai voulu faire ce que je trouvais qui sonnait bien et pas ce qu’il fallait faire. »

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L’album est dominé par des thèmes très morbides. « Je suis passionnée par la mort. Pas dans une manière négative triste ou flippante, mais j’y pense tous les jours. J’ai pas peur de mourir, mais c’est fou que les gens meurent et ensuite on les voit plus. Je trouve que c’est le plus grand mystère qui soit, c’est la seule chose pour laquelle je peux pas trouver une réponse. Moins je comprends, plus j’ai envie de tourner autour du sujet, et cette conversation m’aide à comprendre certains aspects. Quand j’écris les paroles, c’est comme une conversation avec moi-même : je me demande ce que je pense vraiment, parce que j’ai pas envie de dire des choses que j’assume pas.
Après, ce thème touche tout le monde, la mort ça arrive à tout le monde de mille milliards de manières différentes. Il y a tellement de choses intéressantes dans la mort : le point de vue de ceux qui restent, ceux qui sont responsables, ce qui essaient de l’empêcher… Je trouve ça beaucoup plus fou que la vie. La vie, on est obligé d’avoir l’impression qu’on la comprend. »

Sorti au Danemark, en Angleterre, et depuis fin septembre en France, l’album a été accueilli différemment selon les pays. « Les Français sont habitués à avoir ce choix, de pouvoir ne pas prendre en compte les paroles, de ne pas faire l’effort de les traduire de l’Anglais pour les comprendre. Au Danemark, les gens acceptent peu de chansons qui soient pas en Anglais ou en Danois donc beaucoup se sont retrouvés frustrés de pas comprendre.” Louise connaît bien ce sentiment. « Quand je suis arrivée à Paris, je comprenais pas un mot. Tout ce qui se passait autour de moi était abstrait et c’était à moi de trouver un sens dans les dialogues entre les gens. Et j’avais pas forcément envie de comprendre, je trouvais ça marrant parce que du coup je me faisais plein d’histoires dans ma tête. Et pour moi c’est aussi une autre manière d’écouter de la musique quand tu fais pas attention aux paroles. » La seule chose que Louise redoute avec la sortie de l’album en France : « C’est que les gens se disent ‘Mais pour qui elle se prend à écrire en Français !’ »

Le projet Cours Lapin a une identité bien propre, mais des airs de projet éphémère. « On a tous envie de faire une suite, mais on est pas sûrs, et c’est pas qu’une histoire de temps : j’ai pas envie de faire la même chose deux fois, je suis très mauvaise pour ça. Au début, on avait parlé de faire quelques chansons en Anglais pour équilibrer, mais j’avais pas trop envie. Et si on retravaille ensemble mais en Anglais, on peut pas garder le nom de Cours Lapin, il faut que ce soit la même constellation. Mais ça n’empêche pas de changer de manière de travailler, par exemple pourquoi pas co-écrire avec quelqu’un ; ça permettrait de casser avec le premier album, ça peut être hyper marrant. »

Reclame

Un, Deux, Trois est déjà disponible chez Believe Digital


Remerciements : Virginie (Believe)

Catégorie : Entretiens
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