Serj Tankian

Le premier album de Serj Tankian, Elect The Dead, sorti en 2007 à la suite de la pause de System Of A Down, avait ravi les fans. L’annonce de son deuxième album ne rassure peut-être pas sur une reformation du groupe, mais Imperfect Harmonies apporte plus qu’un substitut. Serj Tankian ne sera pas la méthadone de System, il impose son style, tout en restant fidèle à lui-même.

Serj Tankian - Imperfect Harmonies

Serj Tankian - Imperfect Harmonies

Nous sommes dans les loges, Viza est en train de faire les balances sur la scène du Bataclan et pourtant il règne un calme troublant dans les loges. Serj Tankian parle très doucement du à un mal de gorge persistant étant donné les conditions de tournée. Mais il est posé, à l’écoute. D’un coup, toute la tension de le rencontrer retombe.

Le nouvel album, Imperfect Harmonies, semble inspiré du concert symphonique pour Elect The Dead. « La plupart des chansons sont récentes, les plus symphoniques ont été influencées par mon expérience avec l’Orchestre Philarmonique d’Aukland en mars 2009. Cela dit, certaines chansons ont été écrites avant, et datent d’il y a plusieurs années, mais en fait cette impression vient surtout des arrangements. »

Si on comprend le lien entre le métal et la musique dite classique, d’où vient l’idée d’insérer du jazz aux compositions ? « Le jazz et l’électro sont des éléments nouveaux, du moins pour ceux qui ne connaissent que mon travail en solo ou avec System. Mais j’ai composé différentes choses au cours des années passées. J’ai décidé d’apporter certaines influences pour montrer d’autres facettes de mon travail. Imperfect Harmonies est moderne avec l’ajout de l’électro, mais reste aussi classique grâce à l’orchestre. C’était excitant, pour moi, c’est un nouveau son. C’est plus profond, mélancolique, qui se dénoue au fil du temps, c’est un voyage. Il faut l’écouter du début à la fin comme une aventure avec beaucoup d’élément différents. »

Un album aux confluents de l’électro, du jazz, du classique et du métal.« C’était un challenge essentiellement au niveau du mixage. Surtout pour l’électro avec l’orchestre, parce que c’est tellement organique, et l’électro est syncopé et synthétique : ils ont des fréquences différentes. Il m’a fallu trouver des moyens de les marier pour les faire fusionner parfaitement. J’ai du travailler sur des samples, refaire des instrumentations, c’était très intéressant. A la fin, ça sonne comme une seule voix, toutes les couches se fondent pour faire une. Mais j’avais entre 150 et 200 pistes par chansons : c’était un effort monstrueux ! C’était un peu comme de mixer une bande son pour un film. »

La chanson ‘Yes It’s Genocide’ est la toute première écrite en Arménien. « La raison pour laquelle j’ai écrit ‘Yes It’s Genocide’ est que j’ai lu le livre de Robert Fisk, The Great War of Civilisation : The Conquest of the Middle East. Dans un chapitre, il aborde le sujet du Génocide, et sa manière de traiter le sujet était vraiment unique et émouvante. Pour moi, cette chanson n’est pas politique, elle est personnelle. C’est comme si j’avais pu être en connexion avec les victimes d’un génocide ou d’un holocauste et que j’avais pu ressentir leur souffrance. Ces mots représentent cette souffrance. Comme un mantra répété encore et encore avec à chaque fois plus d’intensité.
Et la raison pour laquelle je l’ai intitulée ‘Oui, c’est un Génocide’, c’est parce que je suis fatigué de me battre pour qu’on l’admette. Parce qu’on se bat contre l’hypocrisie, l’hypocrisie du déni d’un fait historique et après des années à se battre, on a juste envie de clamer que ‘Oui, c’est un Génocide’ et de continuer. »

Cet été, Serj Tankian est parti jouer à Erevan, la capitale de l’Arménie. « C’était la première fois que je jouais à Erevan. C’était assez bouleversant. C’était cool parce que une des choses dont je suis le plus fier, de ce qu’on a pu faire avec System par le passé, est le travail que nous avons accompli sur la reconnaissance du Génocide. Ca n’a rien à voir avec le groupe, ou le succès, c’est beaucoup plus important. D’être reconnu pour cette lutte est un grand honneur. Mais pour moi, c’était surtout excitant de jouer en Arménie, parce qu’il y a peu de groupes de rock modernes qui vont y faire un concert. C’était énorme. »

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Serj Tankian reste militant, et notamment au sein d’Axis of Justice, avec Tom Morello, le guitariste de Rage Against The Machine. « On se bat contre tellement de choses : l’injustice, la pauvreté, la famine, les désastres naturels… On exerce un bon degré d’activisme entre Tom et mes propres actions. »
Justement, la vidéo de Left of Center, semble tirer la sonnette d’alarme au sujet de l’environnement. « La vidéo est très intéressante. Ca traite du désastre de l’environnement et les hommes préoccupés à créer une nouvelle civilisation ou un nouveau monde. Ils le poussent jusqu’en haut de la colline, mais ce monde est toujours détruit par les cieux, comme la tour de Babel. C’est assez biblique tout en restant humoristique. On doit garder en tête que tout ce qu’on fait à ce jour est associé à l’économie, à la géopolitique ou à l’environnement : tout est relié. On ne peut pas prendre une décision sans affecter son entourage de quelque manière que ce soit. »

Comme il l’avait fait lors de la fuite de pétrole par BP, Serj Tankian prend position. « Il est important d’être conscient que tout est interdépendant. Ces liens sont encore plus évidents qu’avant : si je prends une décision en business, ça affecte l’écologie, si je prends trop l’avion, j’aggrave mon bilan carbone. Je pense que nous entrons dans un temps où les désastres naturels vont précéder les décisions géopolitiques. Je parle de désastre naturel, mais je devrais employer le terme de changement climatique : il va y avoir des déplacements de population à cause du changement de précipitations, il y aura beaucoup de guerre pour posséder les ressources. Le fait de comprendre tout ça, et de voir ces populations en train d’acheter des réserves d’eau ou d’autres sources répondant aux besoins primaires de l’homme, et tout ça au frais de la population locale, c’est très difficile. Le but de ‘Left of Center’ est de faire comprendre ces liens. »

Serj se bat aussi en matière de musique, avec son label Serjical Strike. « A l’origine, c’était pour faire émerger de nouvelles musiques qui n’auraient pas pu être produites d’autres façons, pour des artistes que j’estime qui méritent un certain type de reconnaissance et de distribution. Viza qui joue en première partie, Bad Acid Trip est un groupe trash, Death By Stereo c’est du punk, Buckethead, c’est un ami et un guitariste phénomenal. Slow Motion Reign est plus pop rock. On a aussi publié un album d’Axis of Justice. »

The Flyng Cunts of Chaos, le groupe qui l’accompagne en tournée, est aussi signé sur son label. « Je les ai encouragés à jouer ensemble et écrire leur album, pour que je puisse le promouvoir. Ils ont publié une chanson en juillet. C’est moi qui ai monté le groupe, j’ai choisi chaque musicien pour qu’ils m’accompagnent. J’ai essayé de les motiver à faire quelque chose ensemble, parce que ce sont d’excellents musiciens. Je leur ai aussi proposé un panel de noms, pour que le groupe ait une identité. Un des noms c’était The Infidels, je crois. Mais ils ont choisi le nom le plus bizarre. » Leur nom de scène vient en effet d’un jeu de mots. «Aux Etats-Unis, F.C.C. c’est la Commission Fédérale de Communication, qui impose les amendes des personnes qui jurent dans la presse. On n’a pas le droit de jurer à la radio ou autre voie de presse. Donc on a décidé de faire du sigle FCC une injure : les cons volants du chaos ! »

Nous avons été interrompus, mais il a fait attendre son tour manager pour me laisser le temps de finir l’interview. Il me remercie simplement mais chaleureusement puis s’empresse de retrouver ses fans qui piaffent pour un Meet & Greet avant le concert.

Reclame

Imperfect Harmonies sort le 21 septembre


Remerciements : Warner

Catégorie : Entretiens
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