Entretien avec Motherhood

Le coup de cœur de l’année 2022, l’album écouté en boucle pendant des mois, c’est Winded de Motherhood, un groupe basé dans le New Brunswick au Canada. Cet album est leur quatrième déjà, et c’est celui qui leur a permis d’être pour la première fois programmé au prestigieux South By Southwest festival. Un album court mais très intense, mixé par Greg Saunier de Deerhoof. Rencontre avec Penelope et Brydon de Motherhood.

Malgré les écoutes répétées, Winded ne laisse aucune impression de répétition.
Penelope : Si en live, la chanson ne nous paraît plus intéressante après plusieurs concerts, le public va le sentir. Nous voulons pouvoir jouer nos chansons une centaine de fois et toujours être surpris nous-mêmes.

Motherhood

Le trio se connaît depuis plus de dix ans déjà, et Winded est déjà le quatrième album.
Penelope : Nous avons vraiment grandi avec ce groupe. Quand nous avons commencé, nous étions si jeunes et si bêtes, nous ne savions rien. Nous avons passé les cinq premières années à essayer de comprendre comment écrire de bonnes chansons, puis nous avons commencé à tourner dans la région. Il nous a fallu quelques années ensuite pour nous éloigner de la côte est du Canada.
Brydon : À bien des égards, nous sommes restés les mêmes qu’aux débuts. Mais au fil des années, nous essayons de travailler nos points forts. C’est toujours le même groupe, mais nous sommes un peu plus au point, grâce à l’expérience probablement.
Penelope : Et aussi parce que nous savons mieux jouer de nos instruments. ”

La clé de Motherhood, c’est l’expérimentation.
Penelope : Sur les premiers albums, nous étions dans une phase de test, pour voir ce que nous pouvions faire avec nos instruments. Alors que maintenant, nous avons une meilleure idée de ce que nous faisons, et surtout, nous évitons d’essayer de tout faire.
Brydon : Nous essayons toujours de trouver de nouveaux sons, par exemple : comment faire pour qu’une guitare ne sonne pas tout à fait comme une guitare ? C’est l’une des principales caractéristiques du groupe : nous essayons de faire du rock and roll, avec une bonne dose de curiosité.“

Motherhood a la particularité d’écrire toujours ensemble.
Penelope : Brydon écrit toutes les paroles, Adam et moi composons une grande partie de la musique, puis nous nous réunissons pour écrire ensemble, dans un même espace-temps. En général, quelqu’un arrive avec une toute petite idée – ça peut être un riff de 10 secondes – puis nous compilons ces dizaines de petites idées, et cherchons à travailler avec les idées de chacun, pour les intégrer intelligemment, en gardant une certaine cohérence. Parfois, nos chansons sonnent un peu chaotiques, comme si nous mettions plusieurs bouts de morceaux différents dans un seul morceau.
Brydon : Par le passé, c’était un peu trop chaotique, mais nous nous améliorons, nous affinons les idées pour les assembler de manière plus naturelle. Néanmoins, il y a toujours un élément de surprise parce que nous ne restons jamais longtemps sur une même idée.”

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Le groupe essaie de ne pas penser au live quand il compose, pour se libérer des contraintes.
Brydon : Nous voulons que le son en concert soit imposant, mais nous ne sommes que trois sur scène. Donc parfois si sur l’album, le son est plus fourni, nous cherchons après coup comment le transposer en live, avec l’aide d’un sampleur par exemple. Et parfois nous jouons la chanson complètement différemment.
Penelope : Nous réfléchissons pas mal aux réactions du cerveau. Parfois, vous allez voir votre groupe préféré en live, et le son est génial. Une fois rentré chez vous, vous écoutez le disque mais le son n’est pas du tout le même… Heureusement le cerveau est capable de combler les lacunes.
Brydon : C’est ce que nous essayons de faire dans nos live, en conservant les idées, l’intensité et le plaisir de la chanson enregistrée, mais sans qu’elle ne sonne exactement de la même manière.”

L’idée est de challenger un peu le public, à chaque concert, à chaque écoute.
Penelope : La frontière est mince entre pousser un public et l’intimider voire le faire fuir. C’est toujours un équilibre à trouver. Il faut aussi savoir donner un peu d’espace pour se détendre et respirer.
Brydon : Si on pousse avec quelque chose de très agressif ou de très bizarre, on ne peut pas enchaîner dans la même veine, sinon le cerveau risque de se fermer et les gens risquent d’être déçus.
Penelope : Nous cherchons vraiment à écrire des chansons agréables que les gens aiment écouter. Nous ne voulons pas aller trop loin dans le bizarre au point que ça devienne juste bizarre, pour le plaisir d’être bizarre.
Brydon : Nous essayons toujours de rendre nos chansons accrocheuses, et, avec un peu de chance, qui restent dans le temps.“

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Pour cet album, le groupe a pour la première fois travaillé avec Greg Saunier de Deerhoof.
Penelope : C’est assez simple, notre label, qui est aussi notre producteur, nous a juste demandé avec qui nous souhaitions travailler pour le nouvel album. Et si nous devions choisir un groupe préféré, ce serait Deerhoof pour nous trois.
Brydon : C’est comme un rêve devenu réalité pour nous. C’était pendant la pandémie, donc Greg n’avait pas beaucoup d’autres choses à faire. Ou peut-être que je nous sous-estime, peut-être qu’il était très enthousiaste à l’idée de travailler avec nous.
Penelope : Je me souviens que lorsque notre manager m’a dit que Greg était prêt à mixer, mes genoux se sont dérobés, j’ai dû m’appuyer contre le mur !
Brydon : C’était fou de lui envoyer les morceaux et de savoir qu’il devait les écouter très attentivement pour les mixer. C’est intimidant ! Et il a réussi à les faire sonner vraiment bien.”

Certains morceaux sont extrêmement durs, pourtant, au final, Winded laisse une impression de joie.
Brydon : Les chansons que nous écrivons sont censées représenter la vie d’une certaine manière, ou du moins essayer de la comprendre. Il y a donc beaucoup d’émotions lourdes à gérer, mais je pense que c’est la vie qui veut ça.
Penelope : Il y a cette dichotomie dans le groupe entre des parties très légères, amusantes et joyeuses et des parties très sombres.
Brydon : Nous avons des idées qui peuvent être très lourdes et agressives, et quand nous les jouons, c’est comme si nous prenions tous vie.
Penelope : Mais ce n’est plus vraiment ce que nous écoutons : c’est juste ce que nous aimons jouer. C’est viscéral, ça nous vient de l’intérieur…
Brydon : Et ensuite, les gens vont être encore plus surpris car ils pensent que Motherhood est un groupe punk, et puis la chanson suivante va être douce ou pop !“

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La devise du groupe semble être : “persévérer parfois sans raison valable”.
Penelope : Le thème sous-jacent de l’album est d’essayer d’avancer dans la vie sans se laisser distraire par des choses sans importance pour continuer à poursuivre nos objectifs. Il faut continuer à suivre ce chemin même s’il est étroit et difficile. Et donc certaines chansons, comme ‘Ripped Sheet’, parlent de tempêtes ou d’événements qui essaient de vous faire tomber dans le ravin…
Brydon : Nous faisons simplement de la musique, quoi qu’il arrive, tout simplement parce que nous aimons jouer. Et parfois, on a l’impression que ça n’a pas beaucoup de sens. Mais c’est juste une chose que nous devons faire, je suppose.”

Réclame

Motherhood sera en tournée cet été au Royaume Uni
le 27 juin à Bristol, le 28 à Southampton, le 29 à Brighton, le 30 à Londres, le 1er juillet à Manchester, le 3 à Liverpool, le 4 à Glasgow, le 5 à Newcastle, le 6 à Birmingham, le 7 au 1000 Trees Festival à Cheltenham, et le 8 au Right to Roam festival à Bolton.


Remerciements : Gabriel Birnbaum / Clandestine Label Services

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