Entretien avec Arno

A l’automne 2012, à peine deux ans après la sortie de Brussld, Arno donnait trois concerts au Café de la Danse, pour présenter son tout nouvel album Future Vintage. Le Transistor a rencontré le grand monsieur dans la toute petite loge, pour discuter de son travail même s’il insiste : « J’ai jamais travaillé. J’ai fait de la musique pour pas travailler ». Interview très absurde, très belge.

Arno

La pochette fait un clin d’œil au surréalisme belge. « En Belgique, le surréaliste le plus connu, c’est Magritte. J’ai d’abord pensé à un tourne-disque, avec à la place du vinyle, de mettre un poisson. Car chez nous – je suis Ostendais -, dans ma langue, une plie, c’est un poisson plat, et c’est aussi le mot qu’on utilise pour désigner le vinyle. J’ai donc essayé de mettre la plie sur le tourne-disque mais en photo ça marche pas, donc j’ai pris une dorade, mais c’est plus cher. »

L’album précédent, Brussld, était un hommage à Bruxelles. « Je l’ai fait à Bruxelles, parce que j’habite là-bas. Et oui, j’aime Bruxelles, mais le centre du monde c’est là où on est. Et moi j’aime bien être ici, maintenant, pour le moment. Mais ça peut changer. » Juste après la tournée, Arno s’est remis à écrire. « Je fais des disques pour faire des concerts. Quand je fais rien, je m’emmerde ! Je suis dans les bars et dans la rue, et c’est pas bon pour ma santé. Et quand je suis en tournée je dors beaucoup, j’ai pas à faire le ménage parce que je suis à l’hôtel, et je voyage. Je vois le monde et je fais de la musique, c’est formidable ! »

L’album s’intitule Future Vintage, et pourtant. « Le futur ça m’intéresse pas. Ce qui s’est passé hier et aujourd’hui, demain sera mort. Et chaque jour, je me tue moi-même. Mais j’utilise des trucs du passé pour faire le présent. Je suis avec mon cul entre deux chaises. Le passé et le futur. Mais sans le passé y’a pas de futur. Je pense. Et quand je pense, je pense que je pense. Or ce sont les sœurs catholiques qui pensent. Elles sont payées pour ça. Mais je suis pas catholique, moi. » Ce nouvel album est inspiré de la crise. « J’ai commencé à écrire un album parce que j’étais inspiré par l’être humain. Le monde est en train de changer. Et comme j’habite au centre de l’Europe, la capitale de l’Europe, et comme l’Europe est dans la merde… C’est la crise on m’a dit, partout. Ça m’a inspiré pour faire un album. Parce que l’être humain fait la crise. »

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Sur l’introduction de ‘I Don’t Believe’, Arno parle de politique et annonce 45% d’extrême droite. « Moi je trouve qu’on est dans les années 30. J’ai pas vécu cette époque, mais les symptômes sont les mêmes, en terme de conservatisme, ça se voit dans les urnes. La gauche est devenue droite et la droite est devenue extrême droite… mais ça m’inspire tout ça. Tout ce bazar, c’est l’être humain. » Mais la politique, ce n’est pas seulement une histoire d’élections. « Quand on revient du supermarché, on a tout mais on a rien. On a tout : on a cinquante mille chaînes de télé mais elles sont toutes les mêmes. Mais c’est en couleur, on a de la chance ! Est-ce que les gens sont endormis ou est-ce qu’il va y avoir une nouvelle révolte comme dans les années 60 ? Je sais pas. Je suis un voyeur : je regarde l’être humain et ça m’inspire. »

Et pourtant, Arno n’appelle pas à la révolte. « La révolte ça vient de toi-même. En 68, j’habitais à Londres, et j’ai rencontré une mademoiselle française. On se connaissait depuis trois jours, et elle me dit qu’elle doit aller à Paris, est-ce que tu viens avec moi ? j’ai dit pourquoi pas. Et dans le temps, de Londres à Paris ça prenait deux jours, parce que le TGV ça n’existait pas. C’était le mois de mai. On était à Bastille et je vois un mur de gens, je vois des jeunes, et elle me dit que c’est des étudiants. Et je vois un mec, à la tête du défilé, avec des lunettes, elle me dit que c’est Sartre. » La morale de son histoire va vous étonner… « Le soir, on va faire une promenade aux Champs-Elysées, et en passant une brasserie, je vois Sartre en train de boire du champagne ! C’est ça, la révolution ! C’est ça, la gauche ! Et ça m’a toujours collé dans mon esprit comme un drap mouillé sur mon corps. Pour moi, la révolte, ça peut être doux. »
En conclusion, Arno précise : « Je viens d’une famille très syndicaliste, je suis de gauche, même je porte à gauche, mais ça reste entre nous [clin d’œil]. Mais je regarde tout ça comme un touriste. Je suis ni de gauche ni de droite, je suis un Arno-iste – et je suis le seul. Et tant mieux aussi, parce que quand tout le monde est comme moi, on est vraiment dans la merde. »

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Pour cet album, Arno est parti à Bristol pour travailler avec John Parish. « Quand j’ai fait les maquettes de cet album, je me suis dit qu’il fallait que je travaille avec d’autres musiciens. Donc j’ai pensé à John, je le connais parce qu’on avait fait un truc avec Zita Swoon dans le temps. Je lui ai demandé de l’aide pour mes guitares, et il a dit ok. On a mixé là-bas aussi, sur une table des années 70. » La production a duré trois semaines. « Mais le vendredi samedi dimanche j’étais à Bruxelles. Pour de l’eau chaude et pour changer des culottes. Leur plomberie c’est n’importe quoi, et moi j’ai deux mains gauches ! Et on marche à gauche là-bas. Je porte à gauche et je marche à gauche !! On est moches mais on s’amuse. Les gens sont trop sérieux ! Je suis le roi des branleurs !! Faut bien que quelqu’un le dise ! »




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