Gaël Faye – Lundi Méchant

Eh bien, quelle année ! Apocalypse virale, coups répétés d’obscurantisme sombre, 2020 ne nous aura pas épargnés. Confinés, séparés, il est dur de voir la lumière au bout de ce triste tunnel. C’était sans compter sur Gaël Faye qui est arrivé, on peut méchamment le dire, à point nommé. Revenons sur Lundi Méchant, un des albums qui a marqué cette année incongrue.

Gaël Faye

Sept ans séparent Pili pili sur un croissant au beurre de Lundi Méchant, nouveau né de la galaxie Faye. Et une chose est sûre, dormir sur ses lauriers, ce n’est pas l’adage de Gaël. Dès les premières notes de ‘Kerozen’, on est frappé par l’évolution musicale de l’enfant de Kigali. Exit l’autobiographie chantée de son premier album, ici, c’est un récit plus universel qui nous est proposé. Lundi Méchant, ça parle de tout mais surtout de nous. De nos envies d’évasion, même le temps d’une seconde, sur des “archipels fragiles”. De ce besoin d’appuyer sur le bouton pause dans ce monde qui accélère sans cesse. De ses envies de danse, irrésistibles et instinctives, qu’importe l’âge.

Dansant, Lundi Méchant l’est assurément. De ‘Chalouper’ à ‘Histoire d’Amour’, en passant par ‘Boomer’, il est sacrément dur de ne pas ne serait-ce qu’osciller de la tête sur les titres de cet album aux mélodies entraînantes. Ces 14 titres sont une nouvelle preuve du talent flamboyant du sidekick de toujours de Gaël Faye : le compositeur Guillaume Poncelet. Lumière aux accords mineurs, la musique de Guillaume sublime sans cesse la prose du gamin du Burundi. Moins cérébral, plus rythmé, ce nouvel opus utilise à merveille ces techniques, profanes pour certains, que sont l’autotune et le vocoder.

Mais le funambule des vers, qui trouve précieux qu’il y ait une librairie à chaque coin de rue dans ce pays dit des Lumières, n’est jamais très loin. Sans donner de leçons, Gaël Faye pose ses mots pour décrire un monde plus obscur que clair. À ce titre, ‘C’est Cool’ est une merveille d’écriture, état des lieux de notre humanité passée et présente où la cause de ses maux est connue depuis longtemps :”les hommes sont des hommes pour les hommes et les loups ne sont que des chiots”.

Les mots, Gaël Faye les emprunte, aussi. À Christiane Taubira dans une mise en musique bouleversante de son ‘Seuls et vaincus’, avec la complicité fugace mais puissante de la franco-haïtienne Mélissa Laveaux (lire l’interview). À Harry Belafonte, rien que ça, en mettant à la sauce Caraïbes son ‘Jump In The Line’ dans ‘JITL’. Mais aussi à George Floyd et son trop entendu “I can’t breathe” dans le suffocant ‘Lueurs’. Genou sur le cou violent, coup de poing nécessaire.

https://www.youtube.com/watch?v=fvPCfaqxCzc

Vous l’aurez compris, Lundi Méchant est la parfaite synthèse des talents multiples de Gaël Faye. Objet musical donnant furieusement envie de chalouper nos corps, il nous montre définitivement la maîtrise des mots d’un rappeur qui n’oublie pas ses racines dans la conclusion pleine d’espoir qu’est ‘Kwibuka’. Surtout, Lundi Méchant rend indispensable, s’il fallait, ces produits dits non essentiels que sont les disques.

Réclame

Lundi Méchant, le deuxième album de Gaël Faye, est paru chez Excuse My French.
Gaël Faye est nommé aux victoires de la musique 2021
Gaël Faye sera en concert au Zénith de Paris le 27 novembre 2021 (si tout se passe bien)




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