Entretien avec RVG

L’été dernier, RVG – le Romy Vager Group mené par Romy Vager donc, faisait paraître son premier album en Europe. Ce premier album, A Quality of Mercy enregistré un an plus tôt dans un pub de Melbourne, a réussi à nous arriver de l’autre bout du monde, et nous paraît étonnamment comme un classique instantané. Le Transistor a décidé de rencontrer ces gothiques qui font une pop irrésistible, et de percer le mystère de cette énergie qui se dégage de leurs compositions.

Pour RVG, l’expérience live se doit d’être complètement différente par rapport à l’album.
Romy Vager : L’album est plus réservé, c’est comme ça qu’on l’a conçu, et en live c’est assez intense. C’est une autre expérience, ce qui est une bonne chose ! Il faut que les gens qui viennent nous voir en live après avoir écouté l’album repartent avec une perspective complètement différente. Parce que les gens donnent de l’argent, donc ils paient pour avoir une expérience différente. Ils paient pour venir pleurer ! (rires)

RVG

En 2017, RVG ont sorti leur premier album, A Quality Of Mercy, en autoproduction.
Romy : C’est assez fou tout ce qui nous est arrivé en un an.
Angus Belle : On avait pas non plus trop d’attentes. Quand on l’a sorti, on était relativement contents de ce qu’on avait fait, on a pressé quelques centaines de copies, et la réponse a été plutôt positive.
Reuben Bloxham : Après quoi notre manager nous a signé sur son label, on était sa première signature ! De là, ça a continué de s’accélérer, étape par étape.
Marc Nolte : On a eu l’opportunité de faire un festival à Melbourne, ce qui nous a en quelque sortes lancés. Le fait d’avoir réussi à sortir l’album en dehors de l’Australie, c’est assez impressionnant.
Reuben : Et en plus on a la chance de venir en Europe ! Ce qui, pour un groupe indé australien, c’est presque impossible.
Romy : Il y a une grande part de travail tout de même. Ca n’arrive pas par magie.
Reuben : Je pense qu’avec le succès de certains groupes, ces dernières années, notamment avec Tame Impala. ou Courtney Barnett ou King Lizzard… Ca a un peu ouvert la voie, peut-être qu’il y a un projecteur sur la musique australienne en ce moment. Et on a la chance de faire partie de cette scène.
Matt : On est exotiques. (rires)

Cet album leur a coûté environ 150 dollars australiens à produire pour un rendu très professionnel.
Romy : Quand on a monté le groupe, le contexte de ces chansons a changé, ne serait-ce que dans le ressenti musical. Comme je les avais composées seules, d’un coup, en groupe, ça les a rendues plus grandes !
Reuben : Le son de l’album est arrivé assez naturellement. Chacun de nous répondait à ses compositions, tout simplement.
Angus : On a passé pas mal de temps à se demander comment chaque chanson devait sonner, comment elle prendrait sa place sur l’album…
Romy : Mais c’est un album qu’on ait fait somme toute de manière assez naïve.
Angus : Du coup, c’est un album honnête.

Aux concert de RVG, il arrive souvent que les gens pleurent.
Romy : C’est très étrange en effet, mais ils pleurent de manière ouverte. Cela dit, pleurer c’est vraiment positif… C’est pas parce qu’ils nous détestent (rires)
Reuben : On a ce rapport avec les gens. On essaie de laisser un impact, autant que possible. Angus : C’est excitant de jouer devant de nouveaux publics. Parfois, personne ne nous connaît, aucune idée de qui on est ! Et là encore, on a eu des réponses positives. C’est agréable de savoir qu’on peut apporter notre musique dans des lieux et des communautés différentes.
Leur musique dégage énormément d’énergie.
Romy : C’est parce que je déteste me montrer en public… Tous les jours, nous les transsexuels, il faut qu’on reste sur nos gardes, sur la défensive dans les situations quotidiennes. Et quand on joue sur scène, il nous faut laisser tomber cette garde, ce qui est très difficile. Lâcher prise c’est très difficile… par rapport à ma voix ou la manière dont je veux être perçue. Donc c’est l’opposé de ce que je vais faire d’habitude. L’énergie vient de cette difficulté.
Angus : Ce qu’on ressent, cette émotion, c’est parce que c’est honnête. Et on peut le sentir, c’est empli d’émotions, et ça vient d’un sentiment réel : le fait de ne pas se sentir à l’aise.
Romy : Et aussi, le fait de se sentir définie. Et ne pas renoncer à ce en quoi on croit. Je me bats, d’une manière bizarre, contre chaque personne autour de moi. J’ai le sentiment de me battre contre la société, la culture, de me battre contre des foules.

A Quality of Mercy a une portée politique qui n’est pas forcément intentionnelle.
Romy : RVG n’a pas été imaginé comme un projet politique, c’est plutôt un regard général sur la société. Je veux écrire des chansons qui ont un sous-entendu politique, pour pouvoir toucher plus de monde. Si c’est politique, je préfère que ce soit subtil.
Angus : Toutes les chansons qu’on a écrites, elles sont pas forcément directes, elles ont toutes plusieurs significations. Donc elles sont pas vraiment politiques.
Romy : Et tout ce que j’ai écrit a toujours été dans cette même veine. Avec un noyau politique mais pas frontal non plus. C’est au travers des histoires que je raconte…
Angus : C’est pas mal pour la France, c’est un pays très politique ! En Australie, des fois on en oublie la politique.
Matt : C’est parce qu’il fait trop chaud.
Quelque part Romy Vager ressent une responsabilité, mais ne veut pas être une égérie trans.
Romy : On ne peut pas arriver si loin sans avoir une idée politique et sociale, ou une conscience du moins de ce qu’on est en train de faire. Et en même temps, tout en portant cette responsabilité, j’essaie d’écrire des chansons pop. Donc j’essaie de trouver un équilibre entre les deux. Je me sens concernée, je pense pas que j’aimerais écrire des chansons qui ne seraient pas soit sociales soit politiques. Mais en même temps je veux écrire des chansons qui sont fun ! (rires)

Au sujet du prochain album, RVG a déjà annoncé qu’il serait dépressif.
Romy : Beaucoup des chansons qu’on a écrites sont plus déprimantes, parce que ce premier album, c’était comme une manière de nous raconter à notre petite communauté : on était entourés uniquement d’amis, donc c’était positif. En petit comité et sans prétentions.
Reuben : Maintenant que le projet grossit, ça devient un peu plus flippant, on doit gérer avec plus de monde, des gens qui peut-être ne nous aiment pas, ou qui vont dire des choses inappropriées.
Romy : Maintenant je me sens plus ou moins jugée, à un niveau plus large, alors que pour moi ça reste de la musique intime, composée dans ma chambre. C’est bizarre, mais c’est génial.
Angus : Le prochain album prend ces circonstances en considération. Mais ça veut pas dire que tout a été merdique !
Romy : Beaucoup des chansons de cet album ne devaient pas être publiques à la base ! C’est effrayant quand ça dépasse les murs de la chambre. Et d’un coup les gens réagissent, et on se demande comment réécrire les mêmes chansons ! Sauf qu’on peut pas, donc on va en écrire des différentes. Je suis en train de me réconcilier avec cette idée. J’essaie de trouver un équilibre pour garder l’esprit de ces chansons intimes, et en même temps, le fait d’être interviewée à Paris ! (rires)

Réclame

A Quality of Mercy, le premier album de RVG, est sorti chez Fat Possum / Differ-Ant
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Remerciements : Marion Seury

Catégorie : A la une, Entretiens
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