Entretien avec Fionn Regan

Après cinq ans d’absence, Fionn Regan revient avec The Meetings of the Water, son cinquième album. Un temps de réflexion qui l’a transformé, car pour la première fois, l’Irlandais a décidé d’arranger sa folk acoustique avec de l’electronique. Le Transistor l’a retrouvé pour le petit déjeuner à l’hôtel Amour. Lunettes de soleil sur le nez, indéchiffrable, le compositeur raconte ce départ pour un nouveau cycle.

Son dernier album, intitulé The Bunkhouse Vol. 1: Anchor Black Tattoo, semblait annoncer une suite. “Je suis toujours surpris, parce que c’était un tirage limité, mais les gens me demandent toujours où quand arrive le deuxième volume. Alors je me suis que je pourrais débarquer avec le volume 9 et remonter jusqu’à ce fameux deuxième volume…”

Au contraire, The Meetings of the Water prend le contrepied de son prédécesseur. “Tous mes albums ont toujours été enregistrés très rapidement. Il n’y a jamais eu de long processus de réflexion, j’essayais juste de capturer l’énergie, et pour celui-ci, j’ai pris plus de temps. C’est plus un album de studio, probablement mon premier d’ailleurs. Dans un sens, c’est la même chose qu’avant, il y a juste des sons un peu différents.” Ce changement, Fionn Regan ne l’explique pas, il s’est laissé porter par les chansons. “On ressent deux influences qui se retrouvent sur un album. Mais je n’y ai pas plus pensé que ça. C’est clairement pas la chose à laquelle j’ai pensé en premier : c’est arrivé, de manière organique. D’habitude, je fais mon truc seul, puis des fois je ré-enregistre quelques parties. Et cette fois-ci, je me suis dit que ça pourrait être mieux. J’ai ressenti que les chansons avaient besoin de plus d’espace.”

L’artiste s’est fait à l’idée qu’en terme de créativité, ce n’est pas lui qui maîtrise. “J’ai l’impression que la composition, ça vient d’ailleurs. Ca évolue, mais il n’y a pas de feu d’artifice quand une idée survient. C’est après coup qu’on se demande d’où vient une telle chanson. Perso, quand je m’installe pour écrire, ça ne marche pas, pourtant j’aimerais bien. Mais ça vient toujours par fragments… Et c’est la même chose pour cet album : c’est évident que c’est une transition. C’est comme si avec le dernier album j’arrivais à la fin d’une sorte de cycle.”

A la recherche d’inspiration, Fionn Regan s’était même essayé à la peinture, mais sans succès. “D’une certaine manière, les autres expressions artistiques m’ont attiré, parce que c’est différent de ce que je connais. Je sais déjà faire un album, donc cet autre monde était excitant pour moi. Et puis arrive un moment où on se dit, oui je suis un songwriter, il n’y a aucune raison pour que je ne puisse pas faire autre chose, mais… ça veut pas dire qu’il faut que je sois peintre pour autant.” Pour l’Irlandais, rien ne sert d’aller contre sa nature. “Quand on est songwriter, même si on essaye de faire autre chose, on peut pas. C’est pas possible. Et puis un jour, on se met à écrire une chanson, avec l’impression qu’elle a envie d’être entendue et jouée. Donc on se dit qu’il va falloir l’enregistrer. Et puis on en écrit une autre…”

A défaut de peinture, Fionn Regan s’est initié la musique electronique. “Au final, l’album est très minimal, mais, c’est ce que j’aime. J’aime les choses simples. Alors oui, j’ai fait un peu d’electro, par curiosité. C’est comme une langue étrangère, donc ça appelle à des muscles différents. C’est comme quand je viens à Paris : après deux jours, j’ai l’impression qu’il faudrait que j’apprenne la langue si je restais plus longtemps.”

Après une série de trois albums en trois ans, cette interruption a été bénéfique. “J’ai ce truc de nomade à l’intérieur de moi, j’ai toujours besoin de voyager. Pour les concerts, toute l’énergie est concentrée, donc quand on s’arrête… même si je pense que c’est une bonne chose, il y a un gros ajustement. À toujours déménager, bouger, c’est bien d’être tout le temps sur le qui-vive… mais il me paraissait essentiel de faire une pause.” Fionn Regan semble à l’écoute de son corps, de son inspiration. “C’est comme quand on travaille la terre, il faut laisser reposer la terre de temps en temps. C’est comme ça que je l’ai ressenti. A la fin du dernier album, j’ai eu l’impression de devoir traverser un pont, pour atteindre la prochaine étape. C’est comme d’essayer d’atteindre quelque chose d’abstrait, on sent que c’est là : on avance en suivant une sorte de lueur, en espérant que ce soit pas un mirage. Et quand on se retrouve avec l’album, ça fait un choc.”

Et après toutes ces années, l’artiste a retrouvé la joie de sortir un album. “Quand on est passionné de musique, on cherche une manière de connecter cette passion à l’atmosphère. Et c’est assez génial, parce que parfois on oublie que d’autres personnes vont pouvoir l’écouter. Parce que quand on fait un album, on n’y pense jamais vraiment, on est tellement absorbé par le processus, on est focalisé sur les chansons, pour essayer de les comprendre.” L’Irlandais a créé son propre label 常に愛Tsuneni Ai (qui signifie Amour Toujours en japonais) pour The Meetings of the Water. “Quand on est songwriter, avec une certaine manière de faire, c’est souvent la seule qui fonctionne. Ca ne veut pas dire que les autres ont tort : chacun tente de capturer l’énergie, pour préserver la sincérité… Pour certains, ça peut vouloir dire signer avec une major. Mais au final, le plus important c’est la musique. Il ne faut pas oublier que la musique est le centre de tout, quoi qu’il arrive.”

Au milieu de The Meetings of the Water, Fionn Regan surprend avec un virage sur ‘Babushka -Yai Ya’. “C’est un peu comme ça que ça se passe parfois : on se balade dans la rue et d’un coup il se met à pleuvoir. Dans ma tête, j’avais ce truc cinématographique, comme d’entrer dans un club, avec ton environnement qui change subitement… c’est comme ça que je le ressens. D’un coup le morceau arrive comme le mec de la campagne qui se met à rouler des mécaniques quand il arrive à la ville… Et à la fin, ‘Tsuneni Ai’ est une plage pour méditer, où on s’assied face à la mer pour regarder l’horizon.”

Réclame

The Meetings of the Water, le cinquième album de Fionn Regan, est paru chez Tsuneni Ai / Abbey Records


Remerciements : Melissa

Catégorie : A la une, Entretiens
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