Entretien avec Diamong Thug

Au festival South By Southwest, on a découvert des groupes de tous les styles, de tous les horizons, mais surtout de tous les profils. Le Transistor a été sollicité par les Diamond Thug, qui ont pour leur part beaucoup investi dans ce festival, puisqu’ils nous viennent d’Afrique du Sud. Les jeunes artistes préparent la sortie de leur premier album, et sont prêts à en découdre pour revenir jouer en Europe. Installés dans un des salons du Driskill Hotel d’Austin, Chantel Van T, Ted Buxton, Danilo Queiros and Adrian Culhane racontent leur parcours.

Diamond Thug

Les Diamond Thug travaillent ensemble sur chaque étape de la composition, des paroles à la musique.
Danilo : En fait, on galère pour pas écrire de nouvelles chansons. C’est quand on essaie de finaliser l’album, qu’elles éclosent ! (rires)
Adrian : Et puis aucun d’entre nous n’a peur de jouer la partie de l’autre, j’ai joué les lignes de guitares que Ted a écrites ! On se sent pas découragé à l’idée suggérer des idées. C’est très démocratique en fait.
Ted : Euh ! » (rires)

La particularité de Diamond Thug, c’est qu’ils se sont tous vus jouer en live avant de rejoindre le groupe.
Danilo : J’ai d’abord vu Chantal en live avec un autre groupe, et je lui ai proposé de faire de l’electro-hip-hop. Puis Adrian a vu notre premier concert et nous a demandé si on avait besoin d’un guitariste, on lui a répondu qu’on cherchait un batteur ! Comme il avait appris à l’université, il a intégré le groupe, mais a rapidement repris la guitare.
Chantel : En live, on avait comme des boîtes à rythme, ça sonnait pas vrai.
Danilo : Ensuite Ted nous a vus à un gros festival, et s’est faufilé en coulisses. C’est comme ça qu’il s’est retrouvé à faire une audition pour Diamond Thug ! (rires)
Chantel : Donc au lieu de former un groupe entre amis, on s’est retrouvés autour de la musique. C’est pour ça que la musique représente tant pour nous, c’est parce que notre relation en dépend ! (rires)

En 2015, ils ont été invités par Converse pour enregistrer deux titres dans leurs studios de Boston.
Danilo : C’était une incroyable opportunité, on nous a payé les billets d’avion pour les Etats Unis, et sur place c’était tous frais payés. Le studio seul aurait crevé notre budget ! Ca nous a permis en plus de rencontrer des gens, ça nous a ouvert une porte sur le marché américain.
Adrian : C’était un petit plus, à côté de toute l’expérience en studio.
Danilo : Ce qu’on a appris, ça nous a servi pour aller plus loin la fois suivante.
Adrian : L’album, nous l’avons produit à trois, avec Danilo et l’aide de l’ingé son. Sans Converse, on n’aurait pas eu les connaissances techniques pour le faire seuls. Ou pas été capables de prendre des décisions en connaissance de cause.
Danilo : C’est important d’être indépendant. Ensuite, quand on se retrouve face à des professionnels, ils nous écoutent, car ils voient qu’on a un peu d’expérience, et ne cherchent pas à nous imposer leur vision.
Chantel : Mais il faut aussi accepter les opinions extérieures qui te permettent d’explorer d’autres horizons.
Adrian : Maintenant qu’on a déjà essayé des choses, on sait quand ça marche pas ! » (rires)

Déjà pour l’EP, Diamond Thug avait travaillé avec Darryl Torr, un producteur récompensé de quelques Grammy.
Danilo : On utilise encore beaucoup des choses qu’il nous a apprises. Comme les boucles d’Adrian, qui nous permettent un son plus imposant. Sur d’autres choses, on sait que maintenant qu’on n’est pas forcément d’accord avec lui, mais c’est une question de goûts.
Adrian : Pour un jeune groupe c’est facile de se dire que de travailler avec un tel producteur peut nous faire gagner un Grammy, sauf que c’est pas comme ça que ça marche ! Même en étant un bon songwriter, ça prend souvent plusieurs années pour atteindre le niveau. »

Avec plusieurs projets parallèles, les Diamond Thug semblent avoir faire le tour de la scène sud-africaine.
Danilo : Il n’y a pas beaucoup de salles avec programmation musicale. Comme les villes sont éloignées les unes des autres, c’est compliqué pour les tournées. Et c’est souvent les mêmes personnes qui vont aux concerts de musique indé, surtout sur Cape Town. Du coup, on va pas jouer plus de 2 fois par mois dans une ville, et comme il y a que 3 villes vraiment dans lesquelles jouer, au max on peut faire 6 ou 7 concerts…
Adrian : Il faut garder un côté frais, excitant, pour les gens qui viennent te voir, et pas tourner pour faire de l’argent…
Danilo : En plus, comme il n’y a que peu de salles, donc il faut attendre un peu pour avoir une soirée, même dans une salle pas géniale.
Chantel : Et sur la scène folk, c’est pareil, si tu passes pas à la radio, les concerts sont pratiquement pas payés. On te propose des open mics…
Danilo : Oui, contrairement à la scène européenne, on te paie rien, on te dédommage même pas l’essence. Si la salle ne fait pas d’argent, c’est le groupe qui en fait les frais pour pas pénaliser la salle. Et quand ils font des bénéfices, on touche pas grand-chose. C’est difficile parce qu’on a pas trop le choix dans les salles… »

Pour pouvoir venir au festival SxSW, Diamond Thug a levé des fonds via crowdfunding.
Danilo : Heureusement, on a réussi à être logés gratuitement, donc nos frais réels s’élèvent à 7 000 € au final. On a reçu environ un quart via crowdfunding et un autre quart d’un partenariat.
Chantel : Quand on a lancé la campagne, on savait pas si les gens seraient suffisamment intéressés par notre projet pour nous aider à continuer. Pour eux, c’est une manière de nous dire qu’on mérite d’atteindre le but qu’on s’est fixé.
Adrian : Deux ou trois des groupes sud-africains sélectionnés n’ont pas pu venir parce qu’ils n’en avaient pas les moyens.
Danilo : Le festival nous a contactés en février, ce qui était déjà tard pour les vols, mais on a dit oui. Certains disent que c’est une perte d’argent, un peu comme une ruée vers l’or, mais on attend pas que tout nous tombe tout cuit. Nous avons toujours su qu’il faudrait travailler énormément pour avoir un concert sur une scène dégueulasse… Et quand on rencontre quelqu’un, qui peut nous aider, c’est pas magique, il va falloir créer une relation avec cette personne.
Chantel : On est pas naïfs, il y a tellement de musiciens à ce festival ! Bien entendu il faut bosser pour faire venir les gens à ton showcase, personne va débarquer par hasard, à moins d’avoir du bol !

Les Diamond Thug ont l’air déterminé à investir les marchés européens et américains.
Chantel : Je pense qu’on a atteint notre limite en Afrique du Sud, on a envie d’évoluer vers l’international.
Danilo : On se doit de choper ces opportunités parce que dans ces conditions, la vie d’un groupe en Afrique du Sud n’est pas longue. Pour notre part, ça fait 3 ans qu’on perd de l’argent, du coup oui on aspire à mieux. En Europe, c’est plus confortable de tourner, on peut limite faire des bénéfices.
Chantel : Faut au moins essayer !
Adrian : C’est la différence avec ceux qui n’ont pas pu venir, ils auraient pu tenter leur chance, créer leur opportunité. Certains avaient une fanbase plus importante, ou un label derrière eux. Et ils n’ont pas fait l’effort.
Danilo : Daniel Kahneman, un psychologue qui a gagné le Prix Nobel, donne l’équation de la vie sous cette forme : success = luck + hard work. Il faut avoir de la chance mais il faut bosser comme ça quand ton moment arrive tu es prêt à saisir l’opportunité.
Chantel : On sait que dans cette industrie il faut avoir de la chance, tu peux être super bon, mais si personne ne t’entend…
Danilo : Et chaque opportunité qu’on saisit nous ouvre d’autres portes… comme avec Converse ! C’est la seule manière pour que ça marche, donc on essaie, on tente, en espérant que ça marche.
Adrian : Sinon, on recommence et on cherche une autre porte. »




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