Entretien avec Enée

En 2012, sans y faire plus attention, Le Transistor a aimé une vidéo sur Facebook. De ce moment, à chaque nouvelle vidéo du groupe, nous recevions un email – à intervalles régulières, sans surcharger, sans se laisser complètement oublier. Ce groupe c’est Enée, qui vient de sortir son premier album, Tricky World. Nous avons donc décidé de rencontrer ce fameux Dominique Lemaire, avec qui nous entretenons une relation épistolaire depuis si longtemps. Itinéraire d’un (véritable) artiste indé.

énée

Après plusieurs contrats en labels, Enée a sorti son premier album en autoprod. « On est un peu blasés, mais après j’en vis pas donc ça va. En y repensant, ‘Tricky World’ c’est un peu dans l’ambiance du moment. Il y a un peu ce côté désabusé, ça colle pas mal à l’air du temps. »

Car si Dominique Lemaire a tout géré seul sur cet album, ça n’a pas toujours été le cas. « On a déjà bossé avec des labels, notamment un label belge avec qui ça ne l’a pas fait. On a signé le premier EP Rock and Heaven, que j’ai fini par retirer des ventes parce qu’ils ne s’occupaient pas de nous. J’ai eu ensuite une autre proposition d’un label en France, avec qui ça n’a pas marché (rire). En fait c’est assez souvent que ça arrive, ces histoires de plans qui se concrétisent pas. » Pourtant, en 2010, le groupe remportait un tremplin M6. « Le truc improbable : on a fini au Zénith de Montpellier, devant 5 000 personnes ! C’était vraiment aux débuts, donc bien encourageant. Et sur le deuxième EP Back To Us, on nous a fait des propositions pour le titre ‘My Friends’, pour de la synchro de pub. Sauf qu’ils demandent une version sans les paroles, puis encore une modification, et une autre… Je dis oui oui oui mais ils sont déjà passés à autre chose, c’est déjà trop tard. »

C’est Yann Drezet le guitariste qui a mixé l’album et Dominique lui-même qui gère la promo. « Je fais ça par email, j’envoie ça aux contacts que j’ai glanés… Parce que j’ai quand même un petit réseau à force, j’ai des connaissances chez Fip ou Nova. Et puis on a eu des petits articles sympas, notamment sur Longueur d’Ondes. Mais c’est pas parce que t’as un article qu’il faut plus rien faire, t’as intéret à rameuter, à bien le relayer derrière. Il faut les motiver, parce que les gens sont un peu blasés. » Pour susciter l’intérêt, Enée sort pratiquement une vidéo par chanson. « C’est important d’avoir un petit support, une vidéo c’est plus sympa qu’un soundcloud. Certaines ont été faites par le Enée’s crew comme on l’appelle. C’est un mec qui bosse dans l’art contemporain qui me fait souvent des montages. Et pour ‘Tricky World’, je l’ai réalisée à partir de vidéos en creative commons, que tu peux utiliser à partir du moment où tu cites le gars. En échange, ils peuvent se servir éventuellement, c’est un truc de partages. »

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Dominique Lemaire n’en est pas à son premier groupe non plus. « Au début je faisais tout tout seul, même les concerts. Dans mon ancien groupe, on avait une batterie, mais là on bosse avec des loops. The Eraser de Thom Yorke c’est l’album qui m’a fait basculer vers l’electro. Où je me suis dit qu’on avait pas forcément tout le temps besoin du batteur. Je trouve ça vu et revu. Et là c’est comme une autre manière de communiquer, notamment sur scène. » D’ailleurs, faute de tourneur, c’est son guitariste qui va se charger de démarcher les salles. « Il a déjà beaucoup tourné, avec Da Silva notamment – avant que ça deviennent Da Silva. Pour les prochaines dates, on va essayer de trouver quelqu’un pour gérer la partie électro, parce que ça fait un peu bizarre scéniquement qu’il n’y ait pas de batteur. Mais ça dépend aussi où tu joues, parce qu’il y a pas mal de salles qui aiment bien quand tu viens sans batteur… »

C’est Dominique Lemaire qui écrit les morceaux, avant de retravailler avec son groupe. « Le matin, je descends dans un petit studio, et je compose à la basse. J’en avais un peu marre de la guitare : je voulais faire un truc plus basé sur la voix et la mélodie. Avoir un truc basique, pour pouvoir après reconstruire autour. Je m’enregistre sur le moment, puis je fais le tri, et après j’écris les textes. Les boucles d’habitude j’essaie de faire des trucs assez simples, et là j’ai été chercher des choses plus pêchues, mais ça reste assez minimal. »

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Son carnet d’adresse, c’est petit à petit que Dominique Lemaire l’a étayé. « J’avais un cercle que j’ai élargi, à partir des gens qui ont aimé, via les réseaux sociaux surtout. En faisant écouter tout en essayant de pas trop saouler les gens. C’est beaucoup de connexions, via des gens que tu connais vraiment et puis ça tourne sur Internet. Mais c’est un peu ça le problème, parce que c’est bien aussi de rencontrer des gens. » Via les réseaux sociaux, Enée s’est créé une fan base solide. « Via LinkedIn, par exemple, j’ai rencontré un mec de chez Lagardère, qui connait un peu des gens chez les inrocks et qui me relaie un peu. Il y a aussi ce mec, Dominique Keller, qui me suit depuis le début. C’est marrant parce qu’il n’a pas de blog, il fait des chroniques tous les jours sur Google +. Quand il avait balancé ‘My Friends’, le lendemain on avait 1500 – 2000 vues ! Et sans que je le connaisse personnellement, il la refait sur ‘Tricky World’. »

Et comme en France, Enée ne prend pas trop, Dominique Lemaire tente sa chance à l’étranger. « En France c’est quand même un peu compliqué, du coup je suis parti du côté de la Belgique, l’Allemagne, ou en Angleterre car un mec nous a relayé un article bien sympa. Et sur la partie Etats-Unis, je me suis mis sur Reverbnation pour voir, et un mec m’a proposé des synchros, il voyait bien ‘Tricky World’ sur une série… » A chaque fois, Enée met toutes les chances de son côté, mais sans se compromettre artistiquement. « Quand j’ai commencé, un label de Phoenix m’avait contacté via MySpace. Je lui avais envoyé mon morceau, qui s’est retrouvé sur une compilation internationale, avec que des trucs indés. Son leitmotiv c’était Never Give Up, Never Compromise Your Work. Et j’ai toujours gardé un peu ce concept en tête. J’aurais plus de possibilités si j’avais opté pour le français je sais bien, mais je veux rester sur mon idée. C’est aussi pour ça que c’est dur, parce que j’ai pas dévié. »

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