Entretien avec The Fratellis

En 2006, The Fratellis étonnaient tout le petit monde de l’industrie avec Costello Music. Un mélange blues et country aux tonalités très pop. Mais le deuxième album ne fut pas à la hauteur des attentes, et le groupe disparut de la circulation… Pour revenir cinq ans plus tard, sans réellement crier gare, avec We Need Medecine. Loin d’être un coup de théâtre, les Ecossais ont juste décidé de reprendre leur carrière là où ils l’avaient laissée. C’est ainsi que deux ans plus tard, Le Transistor rencontre enfin Jon Fratelli au Trabendo pour discuter du dernier album, Eyes Wide, Tongue Tied et de leur carrière en dents de scie.

The Fratellis

Contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’un frontman, Jon Fratelli est très calme. Et accepte sans langue de bois de commenter la période de pause du groupe. « C’est assez flou pour moi. J’étais souvent saoul, donc je saurais pas dire. D’ailleurs, aucune des raisons données pour avoir splitté ne semble valide… Que ce soit pour arrêter ou pour reprendre d’ailleurs. » (rires)

En fouillant sa mémoire, Jon Fratelli trouve tout de même une ou deux raisons à leur échec. « On n’a jamais été à la mode ! Mais on aurait pu, à certains moments, être plus coopératifs. Je me souviens que le label français nous avait calé beaucoup d’interviews, dont une télé. Et on a annulé, parce qu’on venait de tourner non-stop pendant plus d’un an. Arrivés en Europe ou aux Etats-Unis, on s’en foutait, je voulais juste rentrer chez moi. On aurait pu passer un cap parce qu’ils étaient prêts à dépenser énormément d’argent pour promouvoir notre premier album… Mais à l’époque plutôt mourir ! C’est marrant d’y repenser. »

Le leader admet aussi que le deuxième album Here We Stand était un peu confus. « On était pas non plus au mieux de notre forme. La vérité, c’est que Costello Music était un album unique. Je ne savais pas comment écrire des chansons similaires. Donc on a pas tenté de le refaire, aussi simple que cela. Le malentendu c’est qu’on a écrit d’autres chansons, et c’était pas vraiment ce que les gens attendaient. Quand j’y repense, la manière dont tout s’est déroulé est assez drôle. Enfin à l’époque ça l’était moins. Et au final c’était pas si grave. » The Fratellis prend les choses avec philosophie. « En fait j’ai jamais su vraiment quel genre de groupe on était, mais apparemment il nous fallait absolument le savoir. Depuis, j’ai réalisé que non, ça change pas grand-chose. Avec Eyes Wide Tongue Tied, on n’avait aucune idée en tête. On savait pas à quel type d’album s’attendre jusqu’à ce qu’il soit fini. Sans direction, c’est beaucoup plus facile, parce qu’on peut faire ce qu’on veut. Peu importe ce qui arrive, on peut suivre l’instinct du jour. »

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Eyes Wide Tongue Tied est le premier album que The Fratellis ait réalisé sans raison aucune. « Le premier album, c’était pour sortir de Glasgow, signer un contrat, changer de vie. Et tous les autres albums ensuite ont été faits pour de mauvaises raisons. Le deuxième était pour faire une suite à Costello Music. Le troisième on en avait besoin pour se reformer officiellement. On s’était dit qu’il fallait que l’album ait du sens pour ceux qui nous aimaient. Parce qu’à vrai dire, on ne s’est reformés que pour les gens qui voulaient nous voir en concert. » Le groupe a donc appris à faire de la musique pour le plaisir. « C’est le contraire de la pression en fait ! Bien sûr j’aimerais que les gens aiment notre album. Ca aide, mais on peut pas faire un album dans ce but. Il faut que cette perspective soit le plus loin de nos esprit. Il faut faire un album juste par amour, dans l’intérêt de l’album d’abord. Et ensuite, il ne reste plus qu’à espérer que les gens l’aimeront. »

Avant de sortir Eyes Wide Tongue Tied, The Fratellis a offert un EP, The Crushed Soul, sur son site. « On avait des chansons qu’on avait enregistrées et qu’on n’avait pas l’intention d’utiliser pour le prochain album. C’était pas pour chercher un label, parce qu’en fait on n’en avait pas besoin, on avait les moyens de le faire nous-mêmes. » Mais le groupe a tout de même jeté un album complet avant de composer leur quatrième album. « On a commencé à enregistrer ce qu’on pensait aller être le prochain album alors qu’on était encore en tournée du dernier album We Need Medecine. Et puis on a jeté beaucoup de chansons. Mais elles sont pas à la poubelle non plus, elles sont toujours là. C’est juste qu’elles marchaient pas à ce moment-là. Donc on a juste arrêté et attendu que les bonnes chansons arrivent, pour les enregistrer à la fin de la tournée. »

Pour Jon Fratelli, la composition est une question de moment. « Certains disent qu’ils écrivent, mais c’est faux, c’est pas comme ça que ça se passe. Je pense que les chansons se forment toutes seules. Si on avait le contrôle sur la composition, on écrirait un top single par jour. Il faut juste attendre les bonnes circonstances, pour que les chansons arrivent. Parfois ça vient pas… On part toujours du principe que ça continuera toujours, mais à chaque fois, ça peut être la toute dernière fois. » Le songwriter est un concept qui d’après lui n’existe pas. « Je ne pense pas que quelqu’un puisse écrire une chanson : je pense qu’il y a une illusion d’une personne qui écrit. Sinon, ce serait trop facile. Donc je pense que c’est aléatoire. Dans le groupe, c’est moi qui apporte la plupart des chansons, et je l’ai toujours fait. J’ai toujours considéré cette contribution comme mon travail principal, plus que le chant ou la guitare. Mais je n’en suis plus si sûr. Je le fais parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse sinon on n’aurait pas de chansons. On n’aurait pas de groupe. »

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The Fratellis admet qu’ils ont repris le chemin des tournées à contrecoeur. « Cela dit, notre boulot est plutôt facile : on voyage à travers le monde en jouant de la musique. C’est juste un style de vie particulier. Une fois qu’on est habitué, on s’y fait… Et on évite d’en attendre trop. Ca m’a pris du temps, parce qu’au début je détestais ça. Sauf que j’aime jouer, même si ça représente qu’une heure et demie de ma journée. Le reste du temps c’est pas folichon mais ça va. » Jon Fratelli supporte mieux les tournées, parce qu’il a changé de mode de vie. « Je bois de moins en moins d’alcool. Je fais une pause pour mon corps… Je l’ai puni pendant des années et je ne ressens plus le besoin de continuer à le faire. Avant, c’était pour rendre le reste de la journée intéressant. Mais c’était une illusion, parce que je le fais plus, et ça ne me manque pas. »

Réclame

Eyes Wide, Tongue Tied, le quatrième album de The Fratellis, est paru chez Cooking Vinyl
Lire le live report de The Fratellis au Trabendo


Remerciements : Marion [Ephélide]

Catégorie : A la une, Entretiens
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