Beaffle #21 : Claude Nougaro

Pas plus tard que y’a 10 ans mourrait Claude Nougaro. Pas vraiment 1m80, pas vraiment des biceps plein les bras, Nougaro a traversé 40 ans de variété comme la Garonne traverse Toulouse, sous les yeux de Notre Dame de la Daurade.
Plongé dans la musique par son père comme on plonge dans la mer, Nougaro est de ses artistes qui ont donné la chance aux français d’avoir cette chanson française. La vraie, pas celle avec ses textes bidons, bidons, bidons vilipendant sa morale double monétaire à tous les écoutants.

Non, Claude Nougaro c’est la chanson française avec cette plume d’ange, légère quand elle parle de musique, frivole quand elle parle des femmes, sincère quand elle parle des amis, mesurée quand elle veut s’engager.

Dans les années 50, le jeune toulousain est souvent saoul et sur le sentier de la guerre. Il envoie ses textes à Marguerite Monot qui les fait lire à son entourage. Edith piaffe. Puis les chante.

Il passe ses années 60 à chanter les femmes, les petites brunes et les grandes blondes, la Marylin ou la Cécile, sa fille, avant de partir au Brésil d’où il ramènera des chansons et un fils.

Claude Nougaro est de ses artistes qui préfèrent les déjeuners sur l’herbe aux soirées jet set, de ceux qui écrivent et composent sans penser au succès. Universal ne lui pardonnera pas ses années à vide. L’air plein d’orage et le gaz plein d’eau, son label lui rend son contrat alors que je m’apparaîte à plonger dans la vie en sortant de ma mère. Splachouh…
Il part soigner son bleu blanc blues dans les javas new-yorkaises avant de revenir plus français que jamais, plein de jazz, dans les starting blocks pour un nouveau départ.
Claude Nougaro cesse, comme Philippe, de se trimboler au fond des top 50 et sort le plus beau succès commercial de sa carrière et sans doute son meilleur album : Nougayork.

Claude Nougaro c’est cet homme fidèle. Attachant et attaché, sa ville qu’il promènera à travers la France, à ses amis qu’ils soient coq ou maçon, à sa famille qu’il honore sans répit. Même quand son coeur le lâchera dans les années 90 il ne cessera de composer et d’aimer tout ses proches.

Claude Nougaro c’est cet amoureux des lettres et des mots, parfois le souffle barbare comme quatre boules de cuirs sur un ring de box, parfois le vocable fleur bleue comme un jeune amoureux fougueux. Ce n’était pas seulement un acrobate du verbe, un équilibriste de l’adjectif, un conteur de mot ou un compteur de syllabe, c’était aussi un scénariste, un artiste capable d’installer son cinéma dans n’importe quelle chanson qu’il venait filmer dans l’oreille de son auditeur qui devenait spectateur. Une petite fille en pleurs dans la rue ou un braqueur à bout de souffle. Un chanteur, un réalisateur mais aussi un acteur tellement ses interprétations était convaincante.

Claude Nougaro est mort. Je m’en rappelle comme si c’était y’a 10 ans. J’étais dans la voiture quand France Inter annonce qu’il est parti. Sur le refrain de Toulouse, j’ai versé une larme dans mon océan, qui n’est pas une Garonne, de tristesse.
Nous sommes le 4 mars 2013, aujourd’hui les buildings de Toulouse grimpent haut, les avions de Blagnac ronflent gros et la pluie fait des claquettes un peu partout.

Je ne suis pas triste, je sais que tu dormiras longtemps maintenant. Mais soir je danserai sur toi, pour que la vie soit un feu d’artifice, pour que la mort soit un feu de paille. Ton chant de cygne s’est éteint alors je vais suivre ton conseil :
“Il faut tourner la page. Aborder le rivage où rien ne fait semblant. Saluer le mystère. Sourire Et puis se taire”




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