Entretien avec Haelos

Après un EP, Earth Not Above, au suspense étonnant paru l’été dernier, les Anglais de Haelos viennent de sortir leur premier album, Full Circle et sont actuellement en train de se faire remarquer au festival SxSW. Le Transistor a profité de leur passage au dernier Pitchfork Music Festival, où le trio était programmé en débutants – en tout début de soirée – pour les rencontrer. Et il faut admettre que ces trois là ont la spontanéité, la complicité et la répartie facile. C’est une des meilleurs interviews à laquelle il nous ait été donné d’assister.

Haelos

A ceux qui ne sont pas sûrs de la prononciation de leur groupe, ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas les seuls.
Lotti Benardout : Il y a des gens qui viennent me corrigent la prononciation !
Arthur Delaney : Ah ah ! Alors que bon, je suis dans le groupe, je suis bien placé pour savoir.”

Sans trop comprendre pourquoi, Haelos part dans un jeu d’associations d’idées.
Dom Goldsmith : Notre nom peut être une référence au soleil, mais n’importe quoi d’autre aussi.
Arthur : La fine couche de gaz autour de notre planète par exemple.
Lotti : La lune…
Arthur : ou un album qui tourne sur une platine.
Dom : C’est un cercle, qui est infini, donc ça donne un nombre infini de possibilités.
Arthur : Ca pourrait être Nigel, notre tour manager.
Dom : Nigel, c’est le fils de dieu. C’est ce qui arrive si tu passes du temps avec nous sur les routes. Après quatre jours de tournée, tu te retrouves avec un halo de lumière autour de la tête !
Lotti : La roue a besoin de tourner.
Dom : La mort et la renaissance…
Arthur : Il est beaucoup trop tôt pour ce genre de réflexions !
Lotti : Oui, ça donne un peu le tournis !”

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Ces rebondissements donnent une bonne idée de leur synergie.
Arthur : Notre méthode de composition, c’est un processus de distillation : tout le monde met de sa créativité et on collabore tous à 100%. A la fin, on raffine pour que ça ne devienne plus que l’addition des trois.
Lotti : On ne pose pas les couches les unes au dessus des autres, tout s’entrelace.
Arthur : On a chacun des domaines de spécialisation : Dom est un très bon producteur, je suis plus axé sur les paroles, et Lotti est excellente en mélodies.
Lotti : Tout commence d’habitude avec un rythme et quelques accords. De là, des paroles vont surgir.
Dom : Ensuite on construit pour tout raser et reconstruire… et garder seulement quelques bouts qui nous intéressent.
Arthur : C’est très amusant de voir comme on s’inspire mutuellement. A chaque élément dans la balance, l’un de nous va rebondir et mener l’idée plus loin. Et là où l’un s’arrête, un autre prend le relais. Ca bouge continuellement. Jusqu’à ce que notre manager nous demande un morceau pour le lendemain.
Lotti : Ca nous est difficile de mettre un point final.
Arthur : On est tellement perfectionnistes… c’en est obscène !
Lotti : Parce qu’il faut que chacun d’entre nous soit heureux. Ca prend différentes formes, et parfois il y aura un peu de lutte.
Dom : On en vient même aux mains ! La dernière fois, il y avait du sang partout !”

Le trio ne travaille pourtant pas ensemble depuis très longtemps…
Arthur : Avec Dom on se connaît depuis un bail, et avec Lotti, ça doit faire 18 mois.
Lotti : En fait, on travaillait individuellement avec Dom, sur des projets différents. Et le groupe a commencé quand on a décidé de collaborer à trois dans une pièce.
Dom : Je bossais avec Arthur sur ‘Pray’, et avec Lotti sur ‘Dust’. Les deux morceaux se ressemblaient, influencées par les mêmes choses, alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés. Quand ils se sont rencontrés, on a pu finir ‘Dust‘. On se sentait bien, ça sonnait bien. Soudain, le projet était au complet.
Lotti : La chance c’est que nos voix sonnaient bien ensemble.
Arthur : A la fin de la première journée, c’était assez évident, que c’était le début de quelque chose de grand.”

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Une fois le premier morceau fini, Haelos a voulu prendre son temps.
Arthur : Lors de cette première session, on s’est posé des limitations pour les sons à utiliser, un peu comme une palette de couleurs. ‘Dust’ a été la première prête, mais on s’est dit qu’il fallait avoir les autres morceaux avant de la sortir. Parce qu’une fois publique, on ne peut pas revenir en arrière. Sauf qu’un jour, on s’est retrouvés un peu frustrés, c’était un mardi après-midi je me souviens.
Dom : On s’est demandé si on n’allait pas juste mettre ‘Dust’ en ligne, et c’est là que le monde est devenu fou.
Arthur : The Line of the Best Fit l’a repris le soir même et le lendemain on était en train de grimper sur The Hype Machine.
Dom : Lotti est devenue accro à cette plateforme, qu’on ne connaissait pas 24h plus tôt.
Lotti : C’était du viral totalement bio ! On avait pas d’équipe, pas de management… Et ça dépassé ce qu’on aurait pu imaginer, le lendemain on recevait des emails d’Australie, Los Angeles, du Canada…
Dom : Clairement on était pas préparés. Par exemple, comme il nous fallait une photo de profil pour mettre ‘Dust’ en ligne, on a photocopié nos visages. Comme une soirée au bureau en fait !
Lotti : C’est pour ça que tout le monde a pensé qu’on était mystérieux !
Dom : Puis Arthur a fait remarquer que ces photos donnent l’impression d’une échographie. Ce qui colle en fait, parce que le projet venait de naître. Et maintenant on est à Pitchfork !
Lotti : Retenez notre date de naissance c’est le 7 octobre.”

Leur musique parvient à capturer les sensations d’une fête aux lueurs du petit matin…
Dom : On canalise les sentiments qu’on a ressentis, parce qu’on a déjà connu ces expériences, on sait quel effet ça fait. Et c’est je suppose ce qu’on a envie de faire ressortir.
Arthur : Oui, on a déjà fait les recherches en fait !
Lotti : Quand on écrit, pour arriver à cette réelle émotion, il faut savoir être vulnérable. Mais le faire entouré par des gens, ça peut être un peu effrayant. Parce qu’il y a cette lutte pour trouver la pièce manquante, celle qui va coller, pour que tout le monde soit content du résultat. Parfois, ça peut être tendu et difficile, parce que tu veux te retrouver tout de même dans la chanson.
Dom : On sait que c’est bon quand on est tous les trois fans du morceau. Quand on arrive à ce point, on sent l’atmosphère dans la pièce changer. Et d’un coup on se sent soulagés.
Arthur : Mais avant d’y arriver, ça peut être compliqué de jongler avec toutes les émotions, ça peut créer de la frustration, de la douleur, qui en deviennent presque palpables et alourdissent l’atmosphère.”

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Afin de composer, Haelos va puiser son inspiration dans des expériences négatives.
Arthur : Ce n’est pas toujours agréable de se souvenir de ces expériences. Mais quelque part, ça aide de savoir que les plus douloureuses ne se sont pas déroulées quand on était ensemble.
Dom : Ce sont des choses qu’on peut comparer… On se rend compte qu’on s’est retrouvés dans des situations similaires. D’où le besoin d’écrire à ce sujet, c’est cathartique.
Lotti : On va beaucoup partager notre vécu, pour que l’autre puisse resituer, se retrouver
Dom : C’est comme une thérapie !
Lotti : De bonnes paroles laissent de la place à chacun. Donc si nous trois nous retrouvons dans ces paroles, on sait que c’est humain. Il faut que ces paroles nous unissent… Bien sûr il y a des parties qui nous sont plus personnelles que d’autres, qui racontent des expériences directes…
Arthur : On se souvient mieux des mauvais souvenirs que des bons parce que la mémoire se forme sur des pics d’adrénaline. C’est comme ça que le cerveau fonctionne pour les ranger. Ca fait partie de l’être humain, donc c’est naturel.
Lotti : Quand on essaie de réfléchir, beaucoup de mauvais souvenirs ressurgissent. Des paroles c’est un peu comme de mettre tous nos souvenirs dans un vase pour le présenter à quelqu’un en disant « C’est ce qu’on a ressenti, c’est ce qu’on a vécu. Ne t’inquiète pas, la traversée n’est pas si horrible que tu ne l’imagines. On s’en est sortis. »
Dom : Oh mon dieu, tu as réussi à faire pleurer le fils de Dieu !”

Réclame

Full Circle, le premier album de Haelos, est paru chez Matador / Beggars.
Haelos sont programmés à Coachella, une fois qu’ils redescendront de leur nuage, ils repasseront sûrement par chez nous.


Remerciements : Sébastien [Beggars]

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