Entretien avec Briana Marela

A force d’essayer de nous faire avaler des salades, plus personne ne croit plus aux contes de fées. Or certaines histoires dans la musique relève du merveilleux. Le Transistor a rencontré Briana Marela pour qu’elle nous raconte comment elle s’est retrouvée invitée en Islande pour réaliser son album, All Around Us, avec Alex Somers (proche de Sigur Rós). D’une toute petite voix, tellement hésitante qu’elle se fendille souvent d’un rire d’enfant, la demoiselle a retracé pour nous son aventure.

Hospitaliers, Jónsi et Alex Somers lui ont même trouvé un pass pour le festival Iceland Airwaves lors de son séjour en Islande. « Un soir, on est allés voir Sin Fang, une amie d’Alex. Entre la chaleur de la salle blindée et le vent si froid dehors, j’ai fait malaise. Jónsi était tellement inquiet pour moi qu’il m’a raccompagnée avant la fin du concert. Ce festival est intense mais tellement cool ! »

Il était une fois une jeune fille qui chantait beaucoup. « J’ai pris quelques cours de piano quand j’étais toute petite, pas beaucoup mais ça m’est resté. J’ai appris à jouer du violon à l’école aussi, j’aimais beaucoup en jouer, mais au lycée, j’ai arrêté pour commencer la guitare. » C’est au lycée que Briana Marela se met à composer ses premières chansons. « J’ai pris quelques cours de guitare, mais juste les bases rien de très compliqué : c’était juste pour m’accompagner. L’ami de ma prof de chant m’a aidé à réaliser un EP et pendant les prises de son j’étais sans cesse en train de lui poser des questions. J’étais curieuse de ses techniques de traitement de son. La révélation c’était de voir qu’on pouvait démultiplier des prises de chant, pour les superposer. »

Passionnée par le son, Briana Marela a choisi d’orienter ses études vers la production audio. « Quand j’entendais les chansons à la radio, je comprenais pas comment ils s’y prenaient alors que c’était plusieurs pistes superposées. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi je n’arrivais pas à donner autant de profondeur à mes chansons. C’était une nouvelle manière de composer pour moi et je voulais me perfectionner dans l’assemblage de ces boucles. C’était totalement égoïste comme choix d’études : je voulais apprendre à m’enregistrer toute seule. »

Un été, elle décide de partir en tournée avec sa petite sœur. « Je m’étais dit que serait un voyage sympa à faire ensemble. On était très proches mais on s’était pas vues depuis plusieurs années. A cette époque, elle avait quitté la maison : quand je suis partie à la fac, elle a décidé de partir voyager. J’avais envie de passer du temps avec elle parce que c’est une période importante de la vie, quand on commence à devenir adulte et que notre personnalité se forme. Et je voulais que ma sœur soit plus présente dans ma vie. » Pendant plus de deux mois, elles parcourent le pays ensemble. « Je pense qu’au début elle hésitait à jouer avec moi, parce qu’elle adore me voir jouer en solo. Mais je voulais que les morceaux soient plus riches et qu’elle me soutienne au chant. On s’est bien marrées, mais c’était pas évident non plus. C’était intense parce qu’on essayait de rattraper le temps perdu, de voir comment chacune avait évolué. C’était par exemple la première fois qu’on buvait ensemble ! »

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Arrivées à Providence (ça ne s’invente pas), elles rencontrent Scott, le meilleur ami d’Alex Somers. « Alex adore écouter ce qui se fait de nouveau, et quand les gens qu’il aime lui font écouter de la musique, il fait réellement attention. Je pense que ça se sentait dans l’enregistrement de mon dernier album que je faisais beaucoup de mixage de composition par ordinateur avec des instruments plus organiques. L’album a plu à Alex mais il s’est dit que ça méritait d’être poussé au niveau de la production, sans pour autant supprimer les éléments lo-fi. »

C’est ainsi que Briana Marela accepte l’offre d’Alex Somers d’aller en Islande pour travailler avec lui. « J’ai appris beaucoup avec Alex, j’ai glané beaucoup d’astuces. Par exemple, pour les chansons ambiant, il bosse avec un métronome très lent, ça lui permet de savoir où il en est. Ce clic, c’est un peu comme un post-it qui marque le temps. Et même si ça paraît ennuyeux comme technique, ça permet plus de créativité parce qu’avec ces marqueurs, on peut faire des collages, faire des tests à d’autres endroits. » Alex et Briana ont passé deux mois environ à refaçonner ses morceaux. « On a fait tellement d’expérimentations ! Pour la chanson ‘All Around Us’, on avait créé trop de pistes : on a vu s’afficher un message d’erreur indiquant qu’on avait enregistré trop de pistes ! Alex m’a dit que c’était la première fois que ça lui arrivait ! On essayait tellement de choses différentes, même si parfois on les enlevait à peine testées, c’était comme un immense laboratoire. »

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C’est ainsi que le single ‘Surrender’ est né de la fusion de deux chansons. « Alex m’avait dit d’apporter tout ce sur quoi j’étais en train de travailler au cours de la dernière année : toutes mes démos, même les embryons d’idée. Donc, je lui ai montré des choses pas finies, j’étais réellement embarrassée de lui montrer certains enregistrements… mais il a adoré ces deux chansons alors que je les avais enregistrées sur mon téléphone ! » Alex les a mises dans une playlist pour les écouter et a remarqué qu’elles étaient dans la même tonalité. « Parfois je les jouais en live, telle quelles, sans paroles, en les construisant à partir de boucles. J’avais conscience qu’elles n’étaient pas très solides, mais c’était pour m’amuser. Quand il m’a proposé de les fusionner, j’étais sceptique, parce que j’aimais l’idée que ce soit deux chansons à part entière. Mais on a tenté le coup et j’ai réalisé à quel point il avait raison : elles étaient réellement complémentaires ! Et ensemble elles ont pris de l’ampleur ! »

Une fois réunies en une, il a fallu trouver des paroles à cette chanson. « Normalement j’écris les paroles avant quoi que ce soit d’autres, donc c’était difficile pour moi de le faire a posteriori. Du coup, cette chanson a failli ne pas être sur l’album, parce qu’il nous restait que deux jours de studio et j’avais toujours pas fini. J’étais pas sûre de finir à temps, mais il m’a poussé à me lancer. » Finalement, cette supersong est devenue le single de l’album ! « Je suis restée tard à bosser sur les paroles, et le lendemain, on a enregistré toutes les parties de chant. J’aurais aimé avoir plus de temps sur cette chanson, ça m’a paru un peu pressé. Elle me paraît la moins aboutie, comme un ajout de dernière minute, mais les gens semblent l’apprécier donc au final, c’est apparemment pour le mieux. »

Le titre de l’album, All Around Us, est tiré d’un livre pour enfants, et ses paroles semblent assez innocentes. « Mes paroles viennent de conversations, et quand je discute avec quelqu’un, j’aime pas être vague. Dans mes paroles, je veux que les gens sachent ce que j’essaie de dire. C’est important pour moi qu’ils comprennent le message que je veux faire passer. C’est la raison pour laquelle mes paroles sont si directes, presque de manière enfantine, c’est ma manière de m’exprimer. »

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Mais l’impact qu’elle obtient dans le sentiment produit est très fort. « J’essaie de capturer l’émotion dans mes chansons. Sur ‘Dani’ c’est ce sentiment de solitude, quand on pense que personne d’autre ne peut comprendre ce que l’on traverse. J’essaie de reproduire cette impression, mais en même temps de faire comprendre qu’on est jamais seul dans cette situation. J’aime bien explorer les deux aspects de chaque situation pour garder un équilibre. »

Réclame

All Around Us, le deuxième album de Briana Marela, est paru chez Jagjaguwar / Secretly Canadian.


Remerciements : Agnieszka [Secretly Group]

Catégorie : A la une, Entretiens
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