A qui le tour ?

Pas plus tard que y’a pas longtemps, l’ami d’une connaissance dont la connaissance d’un ami avait raconté ma lointaine rencontre avec Justin Bieber me disait : “Bah putain t’as d’la chance”.

C’est vrai.

J’aurais pu naître avec la tronche d’un Bogdanoff sur le corps de Stephen Hawkins, avec l’intelligence de Cauet, mais non. J’ai cette chance d’être né avec un corps à peu près sain, avec une intelligence plus ou moins près de la normale.
J’aurais pu naître au milieu de deux ou trois papas qui n’auraient rien fait d’autre que me faire jouer aux jeux vidéo qui m’auraient rendus violent et déglingo, mais non. J’ai cette chance d’être né dans une famille plutôt classique avec un papa et une maman de sexes globalement différents dans un milieu ni trop pauvre ni trop aisé avec ce qu’il faut de malheurs pour apprécier le bonheur.
J’aurais pu naître au milieu du Burundi pendant l’occupation quasi-pacifique de Cyprien Ntaryamira et sucer des soldats pour espérer ne mourir de faim que plus tard, mais non. Je suis né en France alors que le mur de Berlin allait tomber comme ceux de Tchernobyl.

Mais ce n’est pas tellement sur ma classique vie de provincial néo-parisien en quête de réussite que lorgnait l’individu après avoir bu dans ma mixture houblonnesque après l’avoir également lorgné. C’était sur ma rencontre avec Justin Bieber et aussi “du fait que tu payes pas tes concerts”.

C’est vrai. Je paye pas/peu mes concerts.

J’ajouterais même que je ne paye pas non plus mes CD, pas plus que le cinéma et qu’il est rare que je passe une semaine sans être rincé en alcool et en cadeaux par une marque en manque d’admiration attendant que j’écrive un tweet ou, Ô gloire, un article louant ses louanges. Et quoi de mieux que de se voir louer par un vendu ?

Reste que je ne classerais pas ces avantages dans la catégorie chance. Si l’on se contente de son sens positif, la chance est l’arrivée de fait sans qu’il n’y ai de lien entre son désir et sa réalisation. (J’ai plus ou moins pécho ça sur un site autre que le miens)

J’ai raconté mes premières conneries sur internet il y a tout juste 10 ans, en 2002, avant d’ouvrir en 2004 Quo Vadis ? où j’ai écrit tout et n’importe quoi. En 2006 j’ai commencé à tripoter la musique, tout d’abord en agence, puis sur le Hiboo avant de créer successivement Soul Kitchen et LeTransistor. Je me rappelle mes premières demandes d’accréditations que je devais faire à travers l’agence de presse qui me représentait parce que les labels n’avaient personne qui s’occupait des sites internet et que de toutes façons, internet n’était pas dans les quotas.

De mon petit hublot extérieur j’ai vu le web arriver dans les maisons de disques et y prendre petit à petit l’importance qu’il a aujourd’hui où il fait partie intégrante des plans promo. J’ai vu celle qu’on a appelé la blogosphère musicale naître, vivre et petit à petit mourir sans même qu’on s’en rendre compte. J’y ai fait des rencontres. Je m’y suis fait des amis. Ça c’est une chance.

Il aura fallu plusieurs années pour recevoir les infos des différents labels, pour que les publications que j’ai (co)créé gagnent la visibilité nécessaire et que l’on gagne en crédibilité vis à vis des professionnels de la musique sans en perdre vis à vis de nous même. Ce dilemne, mes visions et celles des gens avec qui j’ai collaboré nous on poussé à faire des choix dont j’ai toujours assumé les conséquences. Pendant que certains, dont la crédibilité musicale m’échappent encore, tweetent et instragrament à tout va ceux qui les caressent dans le sens du poil et se font les passes plats des labels qui les chouchoutent pour (re)dorer leurs propres images de marque personnels, nous avons fait le choix de ne pas relayer certaines informations, d’aller à contre courant et plus généralement de faire ce que nous avions envie de faire. Ces choix (et mon caractère de merde) ont eu pour conséquences des courriers recommandés en guise de menaces de la part de quelque tremplin, d’être interdit des concerts d’un label (représentant quand même Mylène Farmer, Superbus et Lara Fabian) et d’être passé à côté de nombre d’opportunités (voyages de presse, concerts privés, open bar avec pute coke et alcool etc.).

Ces choix je ne le referais pas tous aujourd’hui, mais je continue de les assumer, et d’assumer tout ce que j’ai pu écrire ici ou ailleurs. Je continue de porter mes convictions et à raconter ce que j’ai à raconter quitte à écrire, dire, faire ou filmer des conneries parfois.

Stephen Leacock disait à propos de la chance : “Plus je travaille, plus elle me sourit”. Avant de mourir quelques mois après d’un cancer de la gorge. Probablement qu’un jour mon passage dans la musique connaîtra le même sort et je doute que quelqu’un me fasse remarquer que c’est un manque de chance. En attendant la/ma mort, je continuerai à raconter, écrire, faire et filmer mes conneries avec/pour ceux que ça intéressent. Avec un peu de chance, je ne suis pas le seul.

Note d’après

J’ai chourré la photo sur internet. Si j’ai de la chance, le photographe ne le verra pas (eh oh ça va, j’vous emmerde).




Catégorie : Editoriaux

Et toi t'en penses quoi ?